Malgré les vicissitudes de l’année scolaire en cours, les parents mettent les bouchées doubles pour réussir à tout prix et terminer l’année scolaire en apothéose.
L’année scolaire 2020-2021 touche déjà à sa fin. Avec elle, l’échéance des examens se rapproche à grands pas. Malgré tout, les élèves sont sur la corde raide et les parents au bout de la corde tout court ! Exténués, harassés et lessivés par tant de dépenses extrascolaires qu’ils doivent consentir pour la scolarité de leurs enfants. 500 dinars, c’est le montant réservé en moyenne chaque mois aux cours particuliers et déboursé par des parents qui ne veulent rien laisser au hasard afin d’assurer la réussite de leurs enfants. Du moins pour ceux inscrits dans les établissements scolaires publics relevant du ministère de l’Education nationale avec tous les torts et travers que l’on constate et le péril d’un système qui a montré ses limites.
Il est préférable de ne pas évoquer le cas des élèves inscrits dans le système privé tant les dépenses dépassent l’entendement. La mère d’un lycéen en troisième année secondaire témoigne des difficultés qu’il rencontre en cours : « Les deux dernières années scolaires sont calamiteuses ! L’option des cours de rattrapage à domicile n’est plus un choix mais une obligation ! ». Les frais élevés dans les établissements scolaires privés ont poussé de nombreux parents à inscrire leurs enfants dans le système public moins onéreux tout en mettant le paquet dans les cours particuliers.
Ils ont l’avantage d’être plus personnalisés pour une meilleure assimilation des compétences. Par les temps qui courent, et au rythme où vont les choses, il est devenu indispensable de recourir à un tel stratagème et faire face au mieux à la disette qui sévit. Les cours en présentiel de plus en plus rares, les cours en ligne de plus en plus la norme créent une logique « d‘école à la maison ». L’école est devenue, au fil de la dégradation du système éducatif, un centre d‘examens et d’évaluations et non un centre d’apprentissage. Alors, tout le monde, parents et instituteurs, veut tirer son épingle du jeu et tirer les ficelles de cette hécatombe du niveau scolaire en monnayant les services par des cours particuliers inévitables et indispensables, de plus en plus chers, mais complètement insensés ! Le dernier écho des bacheliers qui affirment suivre des cours intensifs pour achever le programme, à raison de trois cents dinars pour trois séances d’une heure seulement, donne des frissons. Il y a péril en la demeure. Rien ne va plus à cause de cette nébuleuse d’argent qui circule dans toutes les sphères.
Faillite de tout un système
Lorsqu’on se rend compte à quel point le facteur financier ou le degré d’investissement est devenu un élément clé dans la qualité de la scolarité de l’enfant, on comprend qu’il y a un réel problème. Certains parents se résignent à faire cours, eux-mêmes, aux plus jeunes pour pouvoir financer les cours particuliers de leur enfant aîné scolarisé en deuxième année secondaire. Manoubia, mère d’un garçon en 2e année lycée à Khaznadar (Le Bardo), raconte son stratagème : «Je donne des cours à des enfants du niveau primaire pour amasser un pactole qui va me permettre à mon tour de financer les cours particuliers de mon fils car je ne peux l’assister personnellement surtout dans les matières scientifiques». Doit-on se réjouir d’un tel témoignage aussi accablant qui décrit l’ampleur du désastre du système éducatif tunisien qui baigne dans l’anarchie la plus totale ? Des employés qui lèvent le pied pour s’adonner à des activités plus lucratives et rémunératrices. D’autres témoignages rapportent que des professeurs eux-mêmes ont conseillé, cette année, à leurs élèves de recourir aux cours particuliers afin de terminer le programme qui ne pourra pas être achevé à cause des conditions exceptionnelles d’enseignement dues du covid-19. Récemment, une institutrice dans un établissement éducatif de la capitale a fait mine de ne pas voir ses élèves inscrits en huitième année de base faire circuler une fausse copie dans un examen de français pour leur permettre d’obtenir une bonne moyenne.
De son côté, une enseignante d’économie-gestion a conseillé à ses élèves de troisième année secondaire de suivre des cours de soutien scolaire durant l’été afin de réviser les chapitres du programme qui n’ont pas été enseignés en classe. Au lieu de décréter une année blanche, les élèves vont encore traîner des lacunes qui se sont accumulées au cours des deux dernières années avec une pandémie qui n’a fait qu’accentuer les défaillances d’un système éducatif à bout de souffle. On touche le fond sans que personne ne daigne bouger le petit doigt.
La baisse du nombre de cours à 70 jours et les vacances forcées à la maison à cause de la pandémie du covid-19 n’ont pas du tout arrangé les choses, en ne faisant qu’enfoncer le clou.