Les architectes font face, depuis quelques années, à de multiples problèmes qui ont trait, entre autres, au système de rémunération. Ce corps de métier doit retrouver sa vocation dans la société pour en tirer le meilleur profit et faire de nos villes des périphéries cohérentes et harmonieuses.

Les questions réglementaires et administratives semblent faire tournoyer les architectes depuis quelque temps. Et la situation nécessite une prise de conscience rapide pour surmonter les difficultés. Les architectes sont employés dans plusieurs structures vitales et sans leur intervention, celles-ci ne peuvent plus fonctionner et fournir les services aux citoyens. A noter que plus de 40% de ce qui se construit en Tunisie est fait sans aucune autorisation de bâtir et seulement 10% des demandes de ces autorisations sont élaborées par des architectes. Il n’est pas étonnant dès lors de constater que les constructions anarchiques poussent comme des champignons en l’absence du recours aux architectes.

Il est rare, d’ailleurs, de trouver aujourd’hui un architecte parmi les membres de la commission d’autorisation de bâtir. Une telle situation n’est pas normale. Au contraire, l’architecte devrait être le premier à présider ces commissions, vu ses connaissances et son savoir-faire dans ce domaine pointu et qui nécessite un background confirmé pour pouvoir prendre les décisions qui s’imposent et qui ont un effet sur le tissu urbain. D’où la nécessité de donner un sang nouveau à notre réglementation en effectuant les réformes qui s’imposent pour donner plus de cohérence à ce secteur.

La place de l’architecte dans la société

Le métier de l’architecte n’est pas toujours bien compris par le commun des mortels. Pourtant, ce spécialiste est le pilier de la construction dans la mesure où

il est considéré en Tunisie et partout dans le monde comme un artiste, un créateur d’espace et d’ouvrages qui resteront dans l’histoire. Les constructions réalisées dans notre pays ont fait appel à des architectes chevronnés qui ont su donner libre cours à leur imagination et ont utilisé leur compétence pour construire ces tours, immeubles et maisons sur tout le territoire de la République. Dans les pays développés, le recours à l’architecte est indispensable pour ériger une construction. C’est pour cela que l’on constate des immeubles cohérents et harmonieux dans toutes les villes. Ce n’est pas toujours le cas, malheureusement, en Tunisie.

Le problème se pose également au niveau de la rémunération des architectes. Le seul pays au monde où le barème de calcul des honoraires des architectes est réglementé par leur principal client, à savoir le ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Infrastructure. En effet, partout dans le monde, c’est le Conseil de l’ordre qui établit le barème des honoraires pour les architectes. Le mode de calcul des honoraires de ces derniers chez nous est réglementé par un ancien décret 78-71 établi dans le temps par le premier constructeur du pays et ceci en fonction de la valeur des travaux à exécuter : le taux est bien entendu décroissant avec l’augmentation du montant des travaux de génie civil.

L’architecte doit bénéficier d’une rémunération raisonnable qui correspond à l’effort déployé pour ériger une construction viable et harmonieuse où il fait bon vivre. C’est un travail qui requiert beaucoup d’imagination et de créativité que seul l’architecte est capable de piloter. Pour les petits et moyens projets du secteur privé, la rémunération de l’architecte demeure soumise aux «enchères publiques», puisque c’est un accord mutuel entre l’architecte et son client. Cette façon de procéder doit changer au plus vite en donnant au Conseil de l’ordre sa place dans la fixation du barème de rémunération.

Une journée de colère

A noter que, vendredi 21 mai dernier, le Conseil de l’ordre a appelé les architectes à une journée de colère contre l’état de tension et la politique de marginalisation et de discrimination des architectes aussi bien du secteur public que du secteur privé.

Une grève générale, durant un mois, renouvelable et ce à partir du 3 mai avec la cessation totale de toute activité professionnelle a été déclarée par le Conseil de l’ordre. Plusieurs organismes publics font travailler des architectes et leur arrêt de travail pèse très lourd sur les prestations fournies dans plusieurs domaines d’activités. Les architectes font face, depuis quelques années, à des difficultés dans l’exercice de leur activité. Celles-ci se résument notamment dans la diminution des commandes, le manque d’investissements dans le milieu de l’immobilier et le remaniement des jeux d’acteurs dans les projets d’architectures, obligent ces derniers à s’adapter et impliquent la remise en question de leur travail. L’architecte ne trouve donc plus la place qu’il mérite dans une société qui tient à marginaliser ce corps de métier aux vertus innombrables. Cette crise est aggravée par la Covid-19 même si  certains architectes ont essayé tant bien que mal de s’adapter à cette nouvelle donne.

Certains se sont mis à la disposition du ministère de la Santé afin de proposer des solutions d’organisation d’espace, et éviter au maximum les croisements critiques des flux et abaisser donc la charge virale et surtout de contrôler le flux aéraulique en intervenant sur les systèmes de ventilation. Un autre groupe d’architectes a lancé une campagne pour la construction dans chaque région des Postes médicaux avancés (PMA). Ces centres permettent de fournir les premiers soins aux patients touchés par le coronavirus qui sont en phase critique.

La Tunisie compte actuellement un peu plus que 6.000 architectes inscrits au tableau de l’Ordre sans compter les nouveaux diplômés qui sont injectés régulièrement sur le marché du travail. Ces compétences ont besoin de vraies opportunités de travail pour pouvoir gagner leur vie et surtout contribuer à l’édification de la Tunisie dans l’ordre et le respect de la réglementation en vigueur. D’où la nécessité d’arrêter cette marginalisation de ce corps de métier et de lui donner la place qui lui sied.

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