Accueil A la une Le Snjt et la Fédération générale de l’Information tirent la sonnette d’alarme :«La liberté de la presse menacée»

Le Snjt et la Fédération générale de l’Information tirent la sonnette d’alarme :«La liberté de la presse menacée»

Le Snjt incombe la régression du classement de la Tunisie « à la baisse des indicateurs de la liberté de la presse, la fréquence élevée des violations contre les journalistes, des procès et des arrestations, la poursuite des comparutions des civils devant la justice militaire, le manque de communication du pouvoir en place et l’atteinte au droit des citoyens à l’information et à connaître le sort de leur pays ».

La Tunisie a réaffirmé son « total engagement à garantir le droit à la liberté d’opinion et d’expression dans tous les espaces, et à aller de l’avant pour garantir une presse libre et responsable, étant donné qu’elle constitue le fondement de tout système démocratique ».

Dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Tunisie appelle les gouvernements, les organisations, la société civile et les médias à adopter une approche participative fondée sur les droits de l’Homme pour promouvoir la liberté de la presse et garantir le droit du journaliste à accéder à l’information, dans le respect du droit à la vie privée et en protégeant les données personnelles des individus, et ce conformément aux spécificités et à l’éthique journalistiques basées sur la transmission d’une information correcte et fiable.

La Tunisie affirme qu’elle poursuivra sa mission, à travers son rôle moteur au sein du Conseil des droits de l’Homme (ONU), en présentant le projet de résolution sur la sécurité des journalistes, le projet de résolution sur la protection de la liberté d’expression sur Internet, la mise en place d’un environnement législatif approprié pour renforcer la liberté de la presse, protéger les journalistes et établir des mécanismes garantissant le droit d’expression et soutenant la liberté de la presse au sein d’une scène médiatique pluraliste, libre et responsable.

La communauté internationale célèbre chaque 3 mai la Journée mondiale de la liberté de la presse. Le slogan de cette année a été « Le journalisme sous l’emprise du numérique ».

La Tunisie recule de 21 points au classement mondial de la liberté de la presse

La Tunisie est placée désormais au 94e rang mondial dans le classement 2022 de la liberté de la presse. Elle a perdu 21 places par rapport au classement 2021 où elle occupait  le 73e rang.

Dans le classement mondial de la liberté de la presse publié mardi par Reporters sans frontières (RSF) qui concerne 180 pays, la liberté de la presse et de l’information en Tunisie est jugée comme « un acquis incontestable de la révolution tunisienne ».

Le processus engagé en juillet 2021 par le Président de la République Kaïs Saïed « fait craindre un recul de la liberté de la presse », estime toutefois RSF dans son rapport annuel, considérant que le dispositif régissant le secteur « reste incomplet et n’assure qu’une protection minimum aux journalistes et aux médias ».

« La justice tunisienne persiste à légiférer sur la base des textes hérités de l’ère Ben Ali, au lieu de s’appuyer sur les décrets-lois plus favorables à la liberté de la presse et de l’information », ajoute le rapport.

La crise économique a fragilisé l’indépendance de nombreuses rédactions, dominées par des intérêts politiques ou économiques, et a mis à mal le pluralisme du paysage médiatique depuis la révolution de 2011, note RSF dans le même rapport.

« Les médias sont tributaires des annonceurs privés, dont une partie détient des parts dans leur capital et peuvent être proches du milieu politique », explique l’organisation pour qui ce contexte « menace l’indépendance éditoriale des rédactions ».

RSF évoque également dans son rapport les problèmes en lien avec les revenus publicitaires des médias en Tunisie qui dépendent de leur audience et dont « le calcul est peu encadré et fortement contesté ».

Selon le rapport, le modèle économique des médias écrits, basé sur les abonnements, la publicité et les ventes, « est en perte de vitesse en raison de la baisse de ces dernières et du rétrécissement du marché publicitaire ».

RSF attire l’attention aussi sur le fait que les réseaux sociaux sont « régulièrement utilisés par les partis politiques pour lancer des campagnes de désinformation, décrédibiliser la presse, et instiller méfiance et confusion chez les électeurs », notant que les violences verbales des leaders politiques à l’encontre des médias se sont multipliées ces dernières années.

« Les intimidations envers les journalistes se banalisent, et les reporters sont confrontés à la violence des manifestants tunisiens », avertit RSF, rappelant que des journalises ont été brutalisés pendant qu’ils couvraient une manifestation le 14 janvier 2022.

Rappelons que la Tunisie avait occupé la 72e place en 2020 et en 2019, la 96e place en 2016, la 126e en 2015, la 133e en 2014 et la 138e en 2013.

La 20e édition du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF tient compte de cinq nouveaux indicateurs: contexte politique, cadre légal, contexte économique, contexte socioculturel et sécuritaire.

Snjt : la liberté de la presse en Tunisie fait face à un danger imminent

Pour sa part, le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) a imputé la régression de la Tunisie au classement mondial de la liberté de la presse et d’expression, « au pouvoir en place et à sa tête le Président de la République Kaïs Saïed ».

Il souligne, dans un communiqué publié mardi soir à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, que « la liberté de la presse et d’expression en Tunisie font face à un danger imminent », évoquant de « graves défis auxquels est confrontée la profession suite aux mesures exceptionnelles » et affirmant que la situation est devenue « un réel danger pour les libertés en général, et la liberté de la presse et d’expression en particulier ».

Il prévient que la régression du classement de la Tunisie résulte de « la baisse des indicateurs de la liberté de la presse, la fréquence élevée des violations contre les journalistes, des procès et des arrestations, la poursuite des comparutions des civils devant la justice militaire, le manque de communication du pouvoir en place et l’atteinte au droit des citoyens à l’information et à connaître le sort de leur pays ».

Le Snjt appelle les journalistes, les photojournalistes, les médias et toutes les forces vives du pays à « se solidariser pour défendre la liberté de la presse et d’expression »,  réaffirmant sa « disposition à s’engager dans toutes les formes de lutte pour défendre les droits matériels et moraux des journalistes, la liberté de la presse, le pluralisme, les droits et les libertés dans le pays ».

La Fédération générale de l’information dénonce « une situation exceptionnelle en Tunisie »

Le même discours et la même position sont tenus par la Fédération générale de l’information relevant de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) qui a mis en garde, mardi, contre « les menaces à la liberté de la presse en Tunisie », soulignant que « la liberté d’expression est un acquis national consacré par la Révolution ».

Dans un communiqué publié à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Fédération dénonce « une situation exceptionnelle en Tunisie », avec une « régression des droits matériels et sociaux dans les médias, l’absence de négociations sociales, le refus du gouvernement, notamment le responsable du dossier des médias, de traiter les dossiers qui concernent le secteur et l’absence d’une véritable stratégie en matière de droits des journalistes ». Elle réaffirme son rejet total de « toute violation de la liberté d’expression et les procès de journalistes pour leurs écrits et leurs opinions », appelant le pouvoir en place à « empêcher le ciblage des professionnels des médias et des institutions médiatiques, à la lumière notamment de la réduction des espaces réservés aux débats à la télévision, l’interdiction des représentants des partis de participer aux programmes de la chaîne nationale, l’absence de tout dialogue entre le gouvernement et les structures représentatives du secteur, le climat de tensions et de menaces grandissant contre les journalistes, les professionnels des médias et les photographes ainsi que le nombre croissant d’arrestations et de procès à leur encontre ».

La Fédération générale de l’information réitère son appel à mettre fin à la gestion temporaire de certaines institutions médiatiques publiques et d’accélérer leur réforme. Elle prévient contre les « nominations partisanes, par loyauté ou clientélisme, et qui n’impliquent pas les structures professionnelles, à la tête de ces établissements ».

Elle exprime par ailleurs son rejet de certaines pratiques qui « créent une atmosphère tendue et rappellent l’époque de la dictature, à l’heure où se multiplient les hostilités envers les médias ».

Elle affirme qu’elle fera face à toutes les tentatives de soumettre la presse et de porter atteinte aux libertés, annonçant que la presse écrite lancera prochainement une série de mouvements pour revendiquer des augmentations salariales.

Ennahdha : « Une grave régression de la scène médiatique depuis le 25 juillet »

Le mouvement Ennahdha a dénoncé, mardi soir, une « grave régression de la scène médiatique en Tunisie depuis le 25 juillet, date du coup d’Etat contre la Constitution ».

Dans un communiqué publié à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Ennahdha affirme que cette dégradation est « confirmée par le récent rapport de Reporters sans frontières, qui impute la chute de la Tunisie au classement mondial de la liberté de la presse aux mesures exceptionnelles annoncées par le Président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021 ».

Le parti considère que cette situation  « menace d’anéantir tous les acquis obtenus par le secteur des médias, de revenir à la censure, aux poursuites sécuritaires et à l’emprisonnement des journalistes, et de rétablir les pratiques de la dictature qui a mis la main sur les médias pour les instrumentaliser dans la propagande et la désinformation au service du projet de pouvoir individuel absolu ».

Ennahdha réaffirme sa « solidarité avec les revendications légitimes des professionnels des médias publics et privés et  le rejet de toutes les tentatives d’assujettissement des médias à travers des décrets parachutés et la marginalisation des structures du secteur ».

Parti des travailleurs : « Des atteintes répétées à la liberté de la presse »

Le Parti des travailleurs a dénoncé les atteintes commises par ce qu’il qualifie « d’autorité putschiste à la liberté de la presse et de la dignité des journalistes, en violation des dispositions du décret-loi 115 ».

Dans une déclaration publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le parti appelle à la suspension immédiate de toutes les poursuites en rapport avec la liberté de la presse et d’expression.

Il souligne, également, la nécessité de traduire en justice toutes les parties impliquées dans les agressions qui ont ciblé les journalistes, en particulier le 1er septembre 2021 et le 14 janvier 2022.

Il appelle à lever toutes restrictions à la liberté d’accès à l’information, dénonçant la fermeture des bureaux des chaînes d’information qui travaillent dans la légalité.

Le parti critique, dans sa déclaration, la multiplication des violations visant journalistes et blogueurs depuis le 25 juillet, dans une tentative d’asservir le secteur. Il a dénoncé « une mainmise sur les médias publics », à travers la nomination, appartenant à l’ancien régime.

crédit photo : © Abdelfatteh BELAID
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