LA Tunisie célèbre aujourd’hui l’anniversaire de la révolution du 18 janvier qui a mené à la libération de notre pays du colonialisme. En effet, l’arrivée, au port de Tunis, à bord d’un navire de guerre — le croiseur Marceau — de Jean de Hauteclocque, nouveau Résident général, qui était précédé en Tunisie de la réputation d’un homme dur et obstiné, allait précipiter les évènements.
Le premier coup que le nouveau Résident s’avisa de porter fut d’interdire le congrès du Néo-Destour, prévu le 18 janvier 1952. Mais le 16 janvier, il donna déjà l’ordre d’interdire et d’engager des poursuites contre les responsables de la réunion de la cellule féminine du Néo-Destour à Béja. Au moins deux femmes connues pour leurs liens avec Bourguiba, Wassila Ben Ammar et sa nièce, Chedlia Bouzgarrou, étaient arrêtées et transférées à Bizerte pour leur procès qui ne pouvait pas passer inaperçu. Car le 18 janvier à Bizerte, trois jours auparavant, la ville résonnait encore de la voix du leader Bourguiba qui avait exhorté son auditoire à la lutte et remué dans toute sa profondeur la conscience de tous les patriotes. La population descendit dans la rue, défiant le service d’ordre, pourtant renforcé à cette occasion. Plusieurs affrontements se produisirent alors devant le tribunal et aux environs de la prison. Bilan officiel : cinquante-quatre blessés. Dans la nuit, à travers toute la région, cent cinquante destouriens furent arrêtés préventivement.
Loin d’être contenue par ces mesures répressives, la rébellion allait se confirmer et s’étendre. Le lendemain, la population de Bizerte n’était plus la seule à descendre dans la rue. Celles de Mateur et de Ferryville en firent autant. Au bilan de la journée, plusieurs morts étaient dénombrés parmi les manifestants, dont trois à Bizerte et un à Ferryville. Déjà, le 17 janvier, le sang, dont en particulier celui de Taieb Tekaya, coula à Ferryville. La répression s’annonçait donc brutale, extrêmement dure, systématique. Partout où leur parvinrèrent les nouvelles des exactions, les Tunisiens en colère arrêtèrent le travail et descendirent dans la rue. L’Ugtt appela à la grève et les commerçants baissèrent les rideaux de leurs magasins. Dans la plupart des villes, des manifestations eurent lieu que les forces de police, renforcées par l’armée, s’employèrent à contenir en montrant toutefois qu’elles avaient reçu l’ordre d’user davantage de l’intimidation que de la violence.La grève générale décrétée par le Parti et l’Ugtt, le 18 janvier, se poursuivit le lendemain, accompagnée, dans de nombreuses régions, de manifestations violentes. Les incidents les plus graves se produisirent à Mateur où près de deux mille manifestants prirent d’assaut la caserne de la gendarmerie. La riposte fit huit morts et vingt-trois blessés. A partir du 22 janvier, d’autres affrontements, plus sanglants encore, allaient se produire au Sahel et au Cap Bon. C’est au prix du sang que cette révolution allait contraindre la France à entamer les négociations pour l’autonomie interne, première étape vers l’indépendance. Qui se rappelle encore ces héros oubliés et cette page glorieuse de l’épopée de la libération nationale ? Où sont ces hommes politiques qui appellent à cor et à cri à descendre dans la rue pour commémorer les martyrs du 14 janvier tout en passant sous silence cette date combien importante dans la destinée de notre pays ?