L’invasion de l’Ukraine par la Russie pose la question stratégique de la souveraineté alimentaire. Principalement dans les zones quasi-dépendantes de l’importation de céréales. Dans cette catégorie, l’Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient caracolent tristement en tête.
Lorsque les tambours de la guerre ont commencé à se faire entendre, le cours du blé a grimpé pour connaître une augmentation inédite de 23 %. Selon l’agence de presse américaine Bloomberg.com, la guerre, additionnée aux sanctions américaines et européennes décrétées contre la Russie, a entravé le commerce mondial du blé à un moment où les stocks sont déjà limités.
L’Egypte, premier importateur de blé au monde, prévoit d’importer 3,5 millions de tonnes de blé en 2022, contre 5,5 millions en 2021. Avec ses plus de 102 millions d’habitants, le pays est dans l’incapacité de combler ses besoins. Selon l’agence Reuters, 50% de ses importations de blé sont fournies par la Russie et 30% par l’Ukraine.
Le Liban n’est pas en meilleure posture. En proie à une crise aiguë depuis 2019,près de 80% de la population a basculé dans la précarité. Selon les déclarations d’un haut responsable à l’AFP, les réserves du pays comblent les besoins pour seulement un mois et demi ! Le Liban importe la plupart de son blé d’Ukraine et de Russie.
La Tunisie est happée également par cette tornade. Notre pays importe «plus de 50% de ses besoins en blé, dont la plus grande partie provient d’Ukraine». La majorité des besoins annuels étant assurés par les importations, la Tunisie est réduite à un état de totale dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs. La FAO pointe, par ailleurs, des dysfonctionnements majeurs à l’origine de beaucoup de pertes. Chez nous, le pain étant à la tête du gaspillage alimentaire.
Si la guerre se poursuit, le cours du blé et son approvisionnement menacent d’accroître la vulnérabilité des populations, a fortiori dans les pays majoritairement importateurs. Partout et à des degrés divers, des perturbations, voire des pénuries, sont à craindre avec leurs corollaires de soulèvements populaires. Avec les enjeux stratégiques, se pose en effet pour les gouvernants, et de manière récurrente, le problème du défi alimentaire.
L’heure a peut-être donc sonné pour que la Tunisie engage des réformes structurelles, afin d’assurer progressivement sa souveraineté alimentaire, sinon réduire son état de dépendance. Les tensions sociales, plus communément appelées «les émeutes du pain», planent déjà comme un fantôme sur la cité.