
C’est toujours avec une certaine nostalgie que nous avons attendu le mois de Ramadan. Le calme et l’absence d’agressivité, le désir d’éviter les confrontations inutiles ont toujours été de rigueur. Les anciens, que ce soit nos parents, nos voisins ou tout simplement la personne âgée qui se trouvait dans les parages, veillaient à ce que ce soit le mois de la piété et de la solidarité.
Dès le premier jour de ce mois de ramadan 1443, nous avons dû déchanter. Il y avait de la bousculade partout. Alors que tout, absolument tout, était exposé à la vente en quantité plus ou moins suffisante, on vociférait pour une botte de persil ou un kilo de tomates. Les grandes surfaces s’attendaient sans doute à cette poussée de la clientèle et ont bien achalandé leurs points de vente de manière générale. Mais… durant quelques heures.
Une fois que les portables ont joué leur rôle et ameuté parents et amis des premiers arrivés, ce qui est enlevé n’est jamais remplacé. Et c’est ce qui explique ces bousculades et ces frictions entre clientèle.
De très longues files
En dépit de la bonne marge qu’elles se font sur un bon nombre d’articles, ces grandes surfaces ont quand même contribué à calmer le jeu. De très longues files attendaient devant les caisses, qui, pour une fois, étaient pourvues d’un nombre suffisant de caissiers.
En dépit de toutes les déclarations que les responsables ont répétées à maintes reprises, en un clin d’œil, tout a été enlevé. Les caddys ployaient sous le poids des achats si bien que le commun des mortels ne pouvait qu’être surpris par ces réactions égoïstes de fin du monde.
Certes, il y a eu des ruptures de stocks, ces dernières semaines, mais nous n’étions pas en période de disette.
Au dehors, devant les épiceries, les boucheries, les marchands de volailles ou de salaisons, c’était à qui pouvait mieux jouer des coudes. Seuls les poissonniers avaient peut-être des raisons de s’inquiéter. Leurs produits étaient hors de prix. Les sardines ont réussi à acquérir, en ce premier jour de ramadan, leurs lettres de noblesse. Ne parlons pas des différents genres de fruits de mer. On a l’impression qu’ils n’ont pas été pêchés au fond des mers, mais sur une autre planète.
Triste record
Les boulangeries ont battu ce triste record. L’un d’eux, auquel nous demandions ce qui se passait, ne savait plus où donner de la tête.
«Cela a commencé avec la première fournée du matin. Il y avait un monde fou devant la boulangerie, si bien que nous ne savions pas comment nous y prendre pour ouvrir la porte. Il y avait de quoi avoir peur. Je n’ai pu livrer une partie de notre production aux magasins d’alimentation générale. Ce sont des clients habituels auprès desquels nous avons dû nous excuser. On nous a tout simplement interdit de le faire, pour se servir directement dans les caisses destinées à la livraison. Nous sommes conscients que bien des familles sont restées sans pain ce matin, alors que d’autres en jetteront demain. Il y a des gens qui ont acheté treize baguettes à la fois. Que vont-ils en faire ? Autant de perte pour tout le monde».
Une bonne femme rentrée, le panier vide, jurait que désormais elle «préparera son propre pain ! ».
La grande bousculade
Au niveau des quelques marchés visités et qui se trouvent dans le Grand-Tunis, c’est aussi la grande bousculade. Inutile de préciser que les prix communiqués, pour servir de « prix plafond », n’ont été respectés nulle part. Au contraire, comme c’est le cas de la pomme de terre, c’est la qualité la plus basse qui a été mise sur le marché. Les prix non affichés ont volé très haut et nous avons constaté la présence de nombreux fruits exotiques qui ont miraculeusement fait leur apparition. Et dire que nous sommes appelés à revoir de fond en comble notre politique d’importation pour essayer d’équilibrer notre balance commerciale.
Les dattes ainsi que les agrumes ont vu leurs prix monter en flèche. Les fraises, après avoir connu une baisse relative, sont reparties à la hausse. On a pourtant annoncé une bonne récolte. «C’est ramadan » tel que nous l’a rappelé un marchand de ricotta et de fromage à pâte fraîche qui a augmenté ses tarifs sans crier gare.
Parce que c’est ramadan, on augmente les prix, voilà le raisonnement simpliste de bien des commerçants qui y voit une occasion de gagner plus d’argent ! Et comme les services de contrôle ne peuvent être partout on s’en donne à cœur joie.
Pain à des prix fluctuants
C’est le même cas qui se pose pour le pain et de manière cyclique. Nous avons trouvé sur le marché différents types de pain. On ne sait comment et dans quelles conditions ont été fabriqués ces pains dont la couleur changeait d’un point de vente à un autre, mais, à dire vrai, ils …sentaient bon et coûtaient plus ou moins cher. Au risque de devenir indigestes.
Comment reprocher à différents boulangers de vendre leur baguette à des prix dépassant les tarifs officiels. Une baguette normale, en raison de ces circonstances exceptionnelles, se vend à deux cent cinquante millimes. Si vous posez la question on vous répondra tout simplement que « faute de farine livrée, nous avons dû faire du pain avec de la farine spéciale». Qui peut contrôler et vérifier ces dires? Personne. Les services de contrôle, face à cette absence totale d’humanisme et alors que bien des familles rencontrent des difficultés pour joindre les deux bouts, semblent dépassés.
Non-affichage des prix dans les marchés
De toutes les façons, ces services de contrôles ne semblent pas décidés à jouer pleinement leur rôle, sinon comment ont-ils toléré le non-affichage des prix dans les marchés ? A notre connaissance, dans chaque marché il y a un responsable des lieux. Quel est son rôle ? Il faudrait, à notre sens, revenir à des équipes escortées par les forces de l’ordre, pour que ces contrôles deviennent fiables et efficients.
Un mot pour terminer avec ce qui se passe dans les « points de vente du producteur au consommateur. En prenant en compte ce que coûte un litre d’essence en cas de déplacement, il vaut mieux se rendre au marché du coin. Les prix sont quelquefois plus cléments, car après un rapide calcul et en retranchant ce qui devrait revenir aux différents intermédiaires, ce qu’on pourrait économiser est bien minime. Les prix devraient être bien plus bas pour prétendre agir en faveur du consommateur.
Espérons que la fièvre tombera après la première quinzaine de ce mois.
En attendant, place aux gâteaux de l’Aïd. Un autre chemin de croix pour les pères de famille avec les prix que l’on a d’ores et déjà affichés.
crédit photo : © Abdelfatteh BELAID
Fatnassi
4 avril 2022 à 17:11
Comportement d’illettrés et de cupides.
Et dire que le mois de Ramadan est là pour nous rappeler qu’il y a des personnes qui ne mangent pas à leur faim parce qu’ils sont tout simplement pauvres. de nous rappeler aussi qu’être solidaire c’est partager avec eux!!!
Quand je vois ces hordes de jeuneurs qui arrachent tout de manières égoïstes comme si c’était la fin du monde, je me demande finalement si la religion ne se résume pas tout simplement à la pitance!!!
Honte à vous.
Jean-Luc CHEVY
5 avril 2022 à 11:13
Le mois triste