Violences et féminicides : Un mal que l’Etat ne veut pas soigner ?

 

Les militantes tentent très souvent d’expliquer une évidence que les autorités peinent à comprendre : le féminicide n’intervient qu’après une série de violence antérieure, de menace ou d’intimidation. Il existe donc des signes avant-coureurs qui doivent alerter à temps les autorités. C’est là que le travail de l’Etat reste incomplet.

Il faudrait vraiment être aveugle ou complètement insensible pour voir que malgré les lois qui sont élaborées et les combats menés par les associations féministes, la violence à l’égard des femmes prend toujours des proportions de plus en plus grandes. Elles s’appellent Bochra, Amira, Asma, Arem, ce sont des noms de femmes réduites au silence éternel, victimes d’un mal silencieux qui ronge notre société, la violence qui mène parfois à la mort. Comme un marronnier journalistique, encore une fois, les associations féministes, tentent de rompre l’omerta et exprimer le ras-le-bol contre une violence quotidienne banalisée et qui n’est souvent pas prise au sérieux par les autorités de tutelle. L’année 2022 arrive à sa fin, et toujours ces violences. Dernier féminicide recensé, celui d’une jeune femme assassinée par son conjoint au Kef.

La colère

Etonnant dans un pays qui s’est toujours vanté d’avoir les meilleures lois en matière de protection des droits des femmes.

Au Kef, l’Association tunisienne des femmes démocrates a manifesté en compagnie d’autres militants. Des femmes en colère en raison de la récurrence inquiétante de ce phénomène, mais également en raison de la faiblesse des mécanismes d’Etat et l’incapacité de la justice à contenir l’ampleur de ce phénomène. Tantôt absents, tantôt insuffisants ou venant en retard, les mécanismes proposés ne conviennent plus à la situation.

En fait, les militantes tentent très souvent d’expliquer une évidence que les autorités peinent à comprendre : le féminicide n’intervient qu’après une série de violence antérieure, de menace ou d’intimidation. Il existe donc des signes avant-coureurs qui doivent alerter à temps les autorités. C’est là que le travail de l’Etat reste incomplet. L’évidence, c’est aussi de reconnaître que les agents de police sont mal formés sur cette question et que le nombre de centres d’hébergements d’urgence est insuffisant, et lorsqu’ils existent, ils manquent de moyens. En outre, les associations et militants dénoncent la faible réactivité du ministère dans les dossiers relatifs à la violence. Ce sont souvent les associations, avec très peu de moyens, qui tentent, comme elles le peuvent, de venir en aide aux victimes.

Appliquer réellement la loi 58

Concrètement, l’Atfd et d’autres associations faisant partie de la dynamique féministe demandent que la loi 58 votée en 2017 ne reste pas lettre morte. Un texte destiné à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.  Cette loi par exemple a créé des «brigades spécialisées» dans les violences conjugales, mais bémol, la nuit, ces brigades ne travaillent pas. Inutile de dire que c’est souvent le soir, dans le cercle familial restreint, que ces violences abjectes sont commises.

Souvent citée en exemple, la loi 58 est certes un pas important dans le dispositif légal tunisien, mais encore faut-il que l’exécutif pèse de tout son poids pour qu’au niveau des moyens, le texte puisse être appliqué.

Selon la dynamique féministe, en un peu plus d’un an, 12 cas de féminicides ou de tentatives d’assassinat ont été recensés.

Selon les derniers chiffres de l’organisation ONU Femmes, 736 millions de femmes — soit près d’une sur trois — affirment avoir subi au moins une fois des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, et/ou des violences sexuelles de la part d’une autre personne (30 pour cent des femmes de plus de 15 ans).

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