L’heure silencieuse

Editorial La Presse

Une voix mélodieuse retentit dans une grande surface pour annoncer que « tous les jours de 13h00 à 14h00 et de 16h00 à 17h00, les sons et lumières de votre magasin sont réduits pour accueillir les clients atteints d’un trouble de l’autisme ou préférant les atmosphères calmes ». Cette délicate invitation à l’adresse du public s’appelle poétiquement l’heure silencieuse. L’une des dernières inventions des contrées méditerranéennes du nord.

Dans ces pays-là, on se met à la place du citoyen pour aller au-devant de ses attentes. Les lois sont constamment révisées, les sociétés sont en permanente mutation. Les politiques publiques s’efforcent d’être inclusives le plus possible.

Nous n’avons pas l’intention d’idéaliser des systèmes qui sont loin d’être parfaits. Mais un constat s’impose : « Là-bas » on s’efforce de réduire le poids de l’arbitraire, de limiter les pouvoirs discrétionnaires, de servir l’intérêt général et du citoyen,y compris celui à besoins spécifiques.

Au cas où vous seriez de ceux qui préfèrent faire les courses dans le calme, vous pourrez donc sélectionner votre créneau horaire. Mais il faudra avoir l’opportunité de choisir également le pays. Ce qui est moins évident pour la plupart des Tunisiens.

Autre lieu, autre ambiance et le schéma y est inversé. Le public, par opposition aux corporations professionnelles, plus généralement, aux décideurs, est au service des fonctionnaires derrière leurs bureaux, leurs guichets, bien installés sur leurs sièges, travaillant à leur rythme, selon leur bon vouloir et qu’il ne faut surtout pas importuner.

Dans nos pays, se faire balader d’une administration à l’autre et, selon l’importance du service requis, pendant des jours, des semaines voire des années relève de l’ordinaire. Souriez, vous êtes en Tunisie. Alors réclamer une heure silencieuse pour une minorité relative quand la majorité se fait méthodiquement malmener au quotidien, cela frôle le ridicule.

Et pourtant, cette alerte sonore tout en bienveillance qui résonne encore suscite en nous une question et des revendications : liberté, dignité et une vie meilleure. Est-ce trop demander ?

Un commentaire

  1. samir gharbi

    03/12/2022 à 10:49

    Bravo pour cet éditorial. Il manque malheureusement le nom de la « grande surface ». Quel mal y a-t-il à nommer les sujets ? surtout quand c’est exemplaire et utile. Je voudrais vous signaler la gravité des nuisances sonores dans les rues commerçantes : trop de décibels, en principe interdits par la loi municipale (laquelle n’est jamais appliquée, voire ignorée). Musiques avec hauts parleurs ! Et ces motos et voitures qui passent dans les routes « touristiques » en pétaradant (même après minuit)… La police, parfois présentes dans certains carrefours, ne bouge pas… Laisser-faire ! Jusqu’à quand ?

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