Réseaux d’envoi des Tunisiens dans les foyers de conflits | Mandat de dépôt contre Ali Laârayedh : La fin de l’impunité ?

 

Le temps est venu pour les politiques de l’ère de la Troïka de rendre des comptes. Il n’y a pas que les cadres sécuritaires qui doivent payer les pots cassés d’une politique sécuritaire qui a mis le pays à genoux.

La classe politique qui était au pouvoir depuis la révolution a tout fait pour minimiser les faits imputés à ses dirigeants dans le cadre de l’affaire d’envoi des Tunisiens dans les zones de conflits, notamment en Syrie et en Irak. La commission d’enquête parlementaire qui s’est penchée sur cette affaire avait ostensiblement tué dans l’œuf la progression des investigations d’autant plus que certains dirigeants du parti Ennahdha et des sécuritaires occupant des postes sensibles étaient impliqués dans cette affaire, sans compter la mise en cause de pays étrangers dans ces réseaux.

L’affaire vient de prendre un nouveau tournant suite au mandat de dépôt émis ce lundi 19 décembre à l’encontre de l’ancien chef du gouvernement et vice-président du parti Ennahdha, Ali Laârayedh, sur ordre du  juge d’instruction du bureau 12 du pôle judiciaire antiterroriste.

Il est à rappeler que Ali Laârayedh avait déjà  été auditionné et placé en garde à vue le 19 septembre dernier par le juge d’instruction près le pôle judiciaire antiterroriste  et a été remis en liberté après trois jours.

Avant son audition en septembre dernier,  il avait  déclaré qu’il  a tout fait pour lutter contre l’envoi des jeunes vers les zones de conflits depuis 2012  et qu’il a pris plusieurs mesures à cet effet.

Il est allé jusqu’à contrecarrer et expliquer  que sa comparution devant la justice dissimulerait l’envie du pouvoir en place de porter ombrage au parti Ennahdha. Il a évoqué une manœuvre dilatatoire en raison de la grave situation du pays, qui a conduit à la pénurie de certains produits alimentaires de base.

Pourtant et selon plusieurs observateurs, le passage de Ali Laârayedh à la tête du ministère de l’Intérieur a été marqué par la recrudescence des actes terroristes à l’encontre de nos militaires, nos sécuritaires, les touristes, l’envoi fréquent des jeunes Tunisiens dans les foyers de conflits et surtout l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis en septembre 2012 qui a causé la mort de quatre personnes. Aucun responsable  du gouvernent de l’époque n’a  été limogé ou inquiété en raison des bienfaits du parapluie politique.

Malgré ce fiasco, Ali Laârayedh n’a pas été auditionné par la justice à cette période. Il a été plutôt récompensé et fut nommé par le président de la République, Moncef Marzouki, à la tête du gouvernement. Il a été investi le 13 mars 2013.

En février  et juillet de la même année, la Tunisie perd  Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi suite à deux lâches assassinats avec le même modus operandi. Le tueur présumé est à son tour tué et on n’en saura pas plus. Si on commence à voir le bout du tunnel avec l’affaire des réseaux d’envoi des jeunes dans les zones de conflits, il n’en est pas de même pour ces deux assassinats politiques et  pour l’organisation secrète du parti Ennahdha.

Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, entre 2.500 et 3.000 Tunisiens ont été acheminés vers la Syrie et l’Irak à cette époque. La Tunisie est devenue, durant les premières années de la révolution, le premier pourvoyeur de «jihadistes» sans que des poursuites judiciaires ne soient engagées contre certains hommes politiques et des ministres dont ceux de l’Intérieur et de la Justice au temps de la Troïka.

A défaut de parapluie politique, l’affaire rebondit

Du temps des gouvernements Youssef Chahed puis Hichem Mechichi, on n’entendait presque plus parler du dossier en question. Comme si ces jeunes avaient pris la route vers l’Irak et la Syrie sans embrigadement et sans aide au niveau des aéroports ou des zones frontières devenues poreuses grâce à quelques sécuritaires corrompus et qui étaient de mèche avec le parti au pouvoir au temps de la Troïka.

Au fait, ceci s’explique surtout par l’extrême gravité de l’affaire qui impliquait certains pays étrangers qui ont changé aujourd’hui leur fusil d’épaule et par le grand risque de faire tomber le gouvernement de la Troïka à cette époque et le parti Ennahdha pour des questions géostratégiques. Il a fallu de la ténacité pour continuer cette lutte et cette quête pour la vérité. C’est en grande partie grâce à l’ancienne députée et activiste politique Fatma Mseddi que l’affaire a pris un nouveau et décisif  tournant.

Dans l’une de ses déclarations à l’agence TAP, elle a expliqué que «les récentes arrestations de dirigeants politiques et cadres sécuritaires survenant suite aux investigations menées par le pôle judiciaire antiterroriste prouvent la véracité des données que j’avais présentées à la justice militaire».

Elle a affirmé que des personnalités et dirigeants de partis politiques, des imams, des associations ainsi que des agents et cadres sécuritaires sont impliquées dans cette affaire, en ajoutant que le Tribunal militaire a transféré le dossier qui contenait plus de 200 pages au Pôle judiciaire, qui l’avait entendue le 7 février dernier, durant près de 12 heures. En réaction à cette arrestation, Ennahdha a considéré dans un communiqué publié à cet effet que «le ciblage systématique du vice-président du parti est une tentative désespérée et flagrante de l’autorité et du Président pour dissimuler l’échec cuisant des élections législatives qui ont été boycottées par plus de 90% des électeur».

Pour sa part, le président du Front de salut national, Ahmed Néjib Chebbi, a qualifié «d’événement très grave» l’arrestation de Ali Laârayedh.

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