Instalingo, Nama et réseau d’envoi des Tunisiens dans les zones de conflit : Le puzzle commence à prendre forme…

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En dépit des obstacles et de la forte pression exercée par des partis politiques qui détenaient le pouvoir d’une main de fer pour étouffer certaines affaires de blanchiment d’argent et disculper leurs sbires, des zones d’ombre commencent à se dissiper. Mais bien d’autres persistent toujours. L’interconnexion entre des acteurs clés ne tardera pas à être prouvée suite aux récentes arrestations.

Le rapport de la Cours des comptes relatif à l’élection présidentielle de 2019 et aux élections législatives confirmant  les graves infractions de certains partis politiques   avait fait l’objet d’une vive campagne de discréditation  qui a visé notamment ses membres. Il a été le premier à sonner le tocsin en critiquant à maintes reprises le manque de coopération de la Banque centrale concernant le contrôle des comptes des candidats et de leurs proches. C’est là où résidait l’enjeu crucial, celui du financement de la campagne électorale. Des sociétés-écrans et des associations aux objectifs fictifs installées à l’intérieur du pays comme à l’étranger étaient là pour prêter main-forte aux partis politiques, servant beaucoup plus à leur collecter des fonds et conforter la position de ses dirigeants.

Nouveau rebondissement

L’arrestation récente d’une dizaine d’éléments appartenant au parti Ennahdha  dans le cadre de l’affaire de l’association Nama parmi lesquels figure Abdelkarim Slimane, recherché pour suspicion de blanchiment d’argent, a permis d’apporter les premiers éléments de réponse à l’enquête ouverte par la Commission tunisienne des analyses financières (Ctaf) et a pu relever des mouvements financiers suspects en rapport avec les activités de bienfaisance  de cette association. L’homme d’affaires appartenant au même parti, Adel Daâdaâ, fait lui aussi l’objet de poursuites judiciaires  dans le cadre des deux affaires Nama et Instalingo. Ceci sans compter les accusations de blanchiment d’argent et de complot visant à porter atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat portées contre lui. Pour sa part, l’ancien Chef de gouvernent, Ali Larayedh, a été écroué en décembre dernier dans le cadre d’une enquête sur l’envoi des jeunes en Syrie et en Irak.

De hauts cadres sécuritaires ont été entendus dans le cadre de ces trois affaires dont certains sont toujours derrière les barreaux. Parmi ces hauts cadres, on trouve deux anciens directeurs généraux des services spécialisés au ministère de l’Intérieur et un ancien porte-parole du MI.  

Si le parti Ennahdha a toujours nié en bloc de telles accusations, celles divulguées par Adel Daâdaâ dans un enregistrement fuité qui lui a été imputé n’ont fait que renforcer les soupçons  de blanchiment de grosses sommes d’argent. Selon ses accusations, Rached Ghannouchi aurait sollicité l’intervention d’un émir d’un pays du Golfe en vue d’accorder la nationalité à l’un de ses amis qui était chargé de tenir certains des comptes bancaires dans ce pays. Un modus opérandi classique dans les opérations de blanchiment d’argent.

Les graves accusations s’enchaînent

Parmi les accusations dévoilées, Daâdaâ a assuré que  « Ghannouchi est intervenu auprès d’un émir du Golfe, pour accorder la nationalité de cet émirat à un ami qui est chargé de tenir ses nombreux comptes là-bas, et de blanchir de grosses sommes d’argent ». D’autres accusations d’abus de pouvoir  et de clientélisme ont été lancées à l’encontre de dirigeants appartenant à Ennahdha et à leurs proches. Daâdaâ tente ainsi de s’offrir une nouvelle virginité et de s’extirper du  dédale judiciaire d’où il ne peut plus sortir. Saif Kebsi, avocat de ce dernier, explique que son client « n’a plus aucun lien avec le parti Ennahdha depuis 2016, en réponse à l’enquête judiciaire ordonnée par le ministère public au tribunal de première instance de Tunis concernant ces enregistrements ».

Aussi bien Adel Daâdaâ que Hamadi Jebali, son épouse et Rached Ghannouchi ont été entendus dans le cadre de cette affaire (Nama) alors que le gendre du président du parti Ennahdha et sa femme ainsi que  Mouadh Ghannouchi et Haithem Kehili, fondateur de la société Instalingo, ont préféré se réfugier dans des pays qui leur ont toujours servi de base arrière pour leurs activités financières. Un avis de recherche a été émis à leur encontre.

L’arrestation à Monastir de Abdelkarim Slimane, qui serait, semble-t-il, impliqué dans les trois affaires (Instalingo, association nama, les réseaux d’envoi des jeunes dans les zones de tension)  pourrait bien mettre les enquêteurs sur la bonne voie  et  apporter les preuves  nécessaires à certaines accusations ( blanchiment d’argent, exercice d’influence et de manipulation via des plateformes électroniques) dont sont accusés de hauts dirigeants du parti Ennahdha. Abdelkarim Slimane est en quelque sorte la clé du puzzle.

Ennahdha a toujours dénoncé dans ses communiqués l’implication de Rached Ghannouchi ainsi que ses dirigeants dans ces affaires. Le parti pointe des tentatives d’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.

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