La ville de Kairouan a des traditions bien ancrées dans le tissage du tapis qui s’apprend de mère en fille. C’est également un art qui puise dans le patrimoine du tapis turc avec pour décoration des formes géométriques, illustrant les liens existant entre l’architecture islamique et le tissage traditionnel.
Le tapis de Kairouan, polychrome, a été introduit en 1830 par Kamla, la fille du gouverneur turc de la ville. Il comprend en général un camp central de forme hexagonale et des bandes d’encadrement où alternent motifs géométriques et floraux.
18% de la production nationale
Dans la cité d’Okba, il existe environ 30.000 artisanes, dont 15.350 disposent de cartes professionnelles. Et la région de Kairouan produit environ 18% de la production nationale de tapis et de mergoums.
D’ailleurs, dans la plupart des zones rurales du gouvernorat et à travers la ville de Kairouan, des ateliers de tissage permettent d’assister au laborieux travail d’artisanes aux mains d’expertes. Notons que c’est le nombre de nœuds au mètre carré qui indique la résistance de la pièce ainsi que la finesse des motifs décoratifs.
Cela, on peut le constater en visitant le musée du tapis qu’abrite la délégation régionale de l’ONA où on peut admirer une très belle collection de 100 pièces qui montrent la beauté du tapis kairouanais, tant par des originaux qui datent des XVIIIe et XIVe siècles que par des copies; on y trouve également de nouvelles créations inspirées du patrimoine tunisien et répondant à l’évolution des goûts de la clientèle et des effets de mode.
En outre, juste à l’entrée de Kairouan, les visiteurs peuvent admirer le monument du tapis en céramique qui met en relief la perfection géométrique des sessions et des motifs décoratifs du tapis «Alloucha» aux tons doux et naturels.
Néanmoins, on a enregistré, au cours de la dernière décennie, une baisse de la production à cause de l’augmentation du prix de la matière première par des intermédiaires peu scrupuleux et du problème de commercialisation et d’écoulement.
Ainsi, depuis 2002 et jusqu’à 2011, la région de Kairouan produisait 60.000 m2 de tapis et mergoums par an. Or, aujourd’hui, elle n’en produit que 20.000 m2 par an.
Heureusement qu’en 2022, et grâce à la reprise des activités touristiques, on a enregistré une augmentation de la production de tapis estimée à 28,8% par rapport à 2021 et une augmentation de la production de mergoums estimée à 16,95%. D’ailleurs, les 9 magasins agréés et les 46 boutiques d’artisanat connaissent une amélioration du taux de fréquentation et d’achat.
Les artisanes attendent des jours meilleurs
D’ailleurs au souk «Rbaâ» du tapis, situé en plein centre-ville, l’ambiance était très animée grâce à la vente aux enchères de beaux modèles de tapis polychromes dont la ville s’est fait une spécialité. Hechmi Haddaji, un commerçant de tapis, nous a confié qu’il y avait au sein de ce souk une vingtaine de dallalas et qu’on vendait plus de 30 tapis par jour : «Or, aujourd’hui, il n’y en a plus que 3 et on vend 4 ou 5 tapis par jour… Ainsi, le citoyen peut acquérir un tapis à 40.000 points au nœud/m2 de dimension 2×3 m au prix de mille dinars, un tapis-mergoum de dimension 1,7x 1,4 m à 450D, un tapis de dimension 0,7x 1,4 m au prix de 300D, un tapis de dimension 2,4x 1,7 m réalisé avec 40.000 points/m2 au prix de 750D».
Mme Zeïneb Abdellaoui, une artisane, originaire de Nassrallah, a vendu son tapis premier choix et de dimension 2,2x 1,4 m à 600D, et son mergoum de premier choix et de dimension 1,2x 1,5 m à 250D: «C’est vraiment peu rentable car je mets plus de 2 mois pour créer ces deux articles. De plus, j’ai dépensé beaucoup d’argent pour l’achat de la matière première qui est devenue très chère». Le seul débouché pour la plupart des artisanes, ce sont les foires et les expositions occasionnelles où on peut vendre une bonne partie de notre stock.
De plus, face à la régression du pouvoir d’achat des artisanes, beaucoup d’entre elles ont opté pour le travail agricole ou le travail dans les l’usines…». Leïla Sallemi, une jeune artisane diplômée du supérieur sans emploi, a opté pour la confection des tapis, une activité familiale, et estime que pour promouvoir la commercialisation des articles de tapisserie, il faudrait stopper l’invasion du tapis industriel, en approvisionnant les artisanes en matière première de qualité conforme aux normes, en rénovant le stock des tapis à travers la vente en ligne, en améliorant la qualité des tapis et en accordant davantage d’importance à la formation et à la créativité et en ne se contentant plus des schémas classiques et dépassés…