Plus instruites que les hommes, 82% des femmes cheffes d’entreprise sont des universitaires, elles sont également plus jeunes puisque 50% d’entre elles ont moins de 45 ans. En Tunisie, il y a, de surcroît, tendance vers l’augmentation du nombre de femmes Cheffes d’entreprise à l’avenir.
Un forum de haute volée s’est déroulé, mercredi dernier, au Centre Urbain Nord, au cours duquel se sont relayés tour à tour plusieurs panélistes pour donner leur vision et exposer la situation économique des PME (Petite et Moyenne Entreprises) en difficultés conjoncturelles et qui souffrent d’un manque de compétitivité à l’international. A ce sujet, le Pnud, programme des Nations unies pour le développement, et la Conect, Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie, en collaboration avec un cabinet d’audit privé et l’institut de sondage One to One, ont présenté les résultats de l’enquête de la 6e édition de Miqyes, un baromètre de la santé des PME tunisiennes. Cette enquête a été menée, dans la période allant du 9 janvier jusqu’au 4 de ce mois, sur un échantillon de 551 entreprises, dont 100 montées par des femmes dans les 24 gouvernorats du pays. Le focus porte sur les femmes cheffes d’entreprise et montre leur contribution à l’écosystème économique tunisien, mettant en exergue leur particularité, tout en faisant ressortir les similitudes et différences avec leurs confrères chefs d’entreprise. Ainsi, l’appel est lancé pour l’encouragement de l’entrepreneuriat féminin dans des secteurs innovants.
Miqyes, qu’en est-il?
Par ailleurs, une présentation de Miqyes 2021-2022, avec un focus sur les femmes cheffes d’entreprise, a été faite par M. Mourad Ben Mahmoud, du Cabinet d’audit privé, et M. Youssef Meddeb, dudit Institut de sondage. Ce dernier en était, d’ailleurs, satisfait: «C’est une occasion de présenter le projet miqyes qui atteint sa sixième édition. A chaque fois, on se concentre sur la santé des PME tunisiennes. On fait un focus sur différentes thématiques, avec les TPE. Les entreprises à capital étranger et cette fois sur les entreprises dirigées par les femmes avec un comparatif genre. On a retenu qu’il y a une certaine différence au niveau du profil des entreprises gérées par les femmes. 82% de ces cheffes d’entreprise sont des universitaires contre 52% seulement des hommes. Elles sont également plus jeunes, puisque 50% d’entre elles ont moins de 45 ans contre 30% chez les hommes». La tendance veut qu’il y en ait de plus en plus à l’avenir en Tunisie.
A savoir que le redémarrage des demandes de crédit marque la période actuelle après une tendance baissière durant celle du Covid-19. Si bien que l’accès au financement par les institutions bancaires a concerné 34% des entreprises PME tunisiennes en 2022. «Cependant, une demande de crédit d’investissement sur deux est refusée par les banques», précise Meddeb. Le constat est que plus l’entreprise exporte, mieux elle se porte et plus elle grandit, plus elle fait des bénéfices. D’autres experts ont pris la parole pour défendre le projet «des PME en 2022 : vers une relance économique», suivi de témoignages de femmes cheffes d’entreprise, telles que Zohra Slim, Co-fondatrice de InstaDeep, Emna Jellouli, Co fondatrice de la plateforme Med.tn et Corinne Abbassi, cheffe du projet l’Ombre du palmier.
Résultats de l’enquête basée
sur le genre
Selon l’enquête, les femmes cheffes d’entreprise ont partagé leur perception sur l’impact du genre dans leur rôle de dirigeante d’entreprise. Ainsi, 59% d’entre elles ont déclaré ne pas avoir trouvé leur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, alors que 57% ont été soutenues par leurs proches et 36% ayant eu accès à certains marchés étrangers. L’enquête montre également que les femmes cheffes d’entreprise ont tendance à opérer avec un chiffre d’affaires inférieur à celui de leurs homologues masculins. En effet, 60,9% des interrogées ont déclaré qu’elles gèrent des entreprises avec un chiffre d’affaires inférieur à 500.000 TND, tandis que cette proportion s’élève à 46,3% chez les hommes. A noter que les résultats du sondage révèlent que les entreprises ont connu une relance économique en 2022, avec une augmentation du chiffre d’affaires pour 36,8% des personnes interrogées par rapport à l’année précédente, contre 14,9% en 2020. Cependant, ces chiffres n’atteignent pas encore le palier de 2019, soit à hauteur de 45,4%. De plus, 29% des entreprises ont effectué des investissements en 2022, contre 15,5% en 2020 et 36,2% en 2019. Les entreprises sont plutôt optimistes pour l’année 2023, avec un taux de confiance de 63,6%, en particulier chez les femmes (73%).
Le débat s’était aussi instauré sur les femmes cheffes d’entreprise pour mieux comprendre leurs contraintes et leurs défis, mettre en avant leurs performances et réalisations, l’impact du Covid-19 sur leurs entreprises et leurs projections futures, afin de sortir de cette crise sans précédent que vit l’économie tunisienne.
Difficultés des PME
Dans sa présentation du rapport sur l’enquête Miqyes 2016-2022, Chakib Ben Mustapha, membre du bureau exécutif Conect, avait noté une dynamique positive, malgré la conjoncture qui a été aggravée par le Covid-19, relevant de nombreux paradoxes au climat des affaires en Tunisie. Une situation qui fait que les investissements sont en berne, bien que la dynamique entrepreneuriale ait été positive. Et de reprocher aux banques de ne couvrir que 20% des entreprises tunisiennes. Dans son exposé, Mourad Ben Mahmoud, MD business consulting audit cabinet d’audit privé, a évoqué les tendances des entreprises tunisiennes qui ne travaillent que le local, alors que les sociétés totalement exportatrices travaillent différemment. Le marché intérieur étant plus saturé que le marché extérieur, où les femmes premières responsables de leurs PME sont moins intéressées par l’export que les hommes. Le secteur de l’exportation a davantage l’apanage des industries par rapport aux sociétés commerciales ou de service.
Il estime toutefois que l’entreprise à caractère industriel évolue moins que celle des services. Au regard des bénéfices, il estime que nombre d’entre elles ne gagnent pas de l’argent et ne font pas recette. «Seule une entreprise sur deux gagne de l’argent en Tunisie. Pis encore, le 1/3 des entreprises ne gagne pas d’argent».
Dans un contexte difficile vécu précédemment au cours de la crise du Covid-19 et la faible résilience de nos entreprises aux chocs et risques y liés, la difficulté des clients à honorer leurs engagements est la cause majeure de la baisse du CA des entreprises tunisiennes. Alors qu’auparavant, elle était due plus au manque de compétitivité. Les blocages administratifs et la bureaucratie tunisienne ont été évoqués si bien qu’un membre de l’assistance précise que les «femmes ont des problèmes avec les autorisations et les agréments, quand bien même le chef d’un projet a des droits, mais qu’il ne puisse concrétiser avec l’administration». Ensuite, l’exposition à la corruption a été notamment décrite.
Le climat d’optimisme a gagné, surtout les sociétés totalement exportatrices au détriment de celles sur le marché local qui font moins recette. La modératrice de l’événement parle des hommes qui sont challenges par les femmes entrepreneures en Tunisie. Elle s’est interrogée pourquoi les femmes tunisiennes ne demandent pas de grosses sommes pour investir et développer leur entreprise et seulement de petites subventions ? Pour savoir si c’est une forme de gestion du risque ou autre ?
Manque de compétitivité
Malgré tout, on estime que les entreprises tunisiennes ont tendance à se localiser davantage pour des raisons qu’on recherche comme la politique monétaire ou autres. Le retour à l’autarcie favorise l’émergence d’un tel climat d’affaires. Un expert avait évoqué le manque de compétitivité à l’international qui est propice à cette situation engendrant évidemment un manque de devises étrangères. Le climat d’incertitude et le blocage à opter pour l’export est la marque de nombreuses entreprises tunisiennes si figées et peu audacieuses. Certes, l’environnement n’est guère propice à générer des gains de compétitivité selon un expert. Corinne Abbassi, cheffe du projet «l’Ombre du palmier», appelle à «donner une meilleure chance aux projets de naître et d’exister».
Somme toute, Miqyes a été une expérience précieuse car elle a fourni aux décideurs des informations exclusives sur la santé des PME. Il s’agit d’une source indépendante crédible et éprouvée. Depuis 2016, l’étude Miqyes «Baromètre de la santé des PME» offre un panorama complet des réalités et des perspectives des PME en Tunisie, en identifiant leurs atouts et leurs faiblesses, ainsi que les obstacles internes et externes qui entravent leur développement. Enfin, pour la relance de l’économie, plusieurs réformes sont proposées : réduction de l’impôt (20,1%), facilitation des crédits et réduction des intérêts (8,8%), simplification des procédures administratives (7,4%) l’appui financier (5,6%) et promotion de l’investissement (4,2%).