Diplomate chevronné, passé par Londres, Bruxelles, ou encore Rome, Nabil Ammar, nommé début février à la tête du ministère des Affaires étrangères, prône un retour aux fondamentaux de la diplomatie tunisienne : ancrer la légalité internationale, défendre le multilatéralisme et la non-ingérence dans les affaires intérieures, sans toutefois renoncer à l’essentiel, l’indépendance de la décision nationale, à savoir la souveraineté et la stabilité nationales.
La diplomatie tunisienne, à laquelle une journée nationale est dédiée le 3 mai de chaque année, demeure engagée à défendre les intérêts prioritaires du pays, à contribuer à la réalisation des objectifs stratégiques de la politique générale et à veiller aux intérêts des Tunisiens résidant à l’étranger. Nabil Ammar se veut fidèle à cette devise et affiche une volonté ferme de redorer le blason de la Tunisie et ancrer davantage son image en tant que partenaire incontournable et fiable.
Dans une interview exclusive à l’agence Tunisie-Afrique Presse, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Nabil Ammar, s’est confié sur les sujets d’actualité du moment. Les priorités de la diplomatie tunisienne dans la conjoncture internationale actuelle, les relations avec les partenaires traditionnels, la migration irrégulière, les BRICS, le FMI et le rétablissement des relations avec la Syrie.
Pour le responsable en chef de la diplomatie, la politique internationale d’un pays devrait «faire consensus» et «rassembler toutes les sensibilités». La diplomatie est «la première ligne de défense», elle a pour mission de défendre les intérêts de la Tunisie.
Depuis que vous êtes à la tête de la diplomatie tunisienne, vous êtes en première ligne et sur tous les fronts pour conforter la souveraineté nationale et plaider pour la non-ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie.
Où en est la Tunisie, aujourd’hui, devant ce tir de barrage diplomatique ?
Il est primordial d’expliquer la situation dans laquelle la Tunisie se trouve après la décennie écoulée. La situation est difficile sur tous les plans et les Tunisiens le savent pertinemment. Il faut porter à la connaissance des opinions publiques occidentales et à nos partenaires les tenants et aboutissants de cette situation parce que ces opinions publiques ont une certaine influence sur l’attitude de leurs responsables.
C’est ce créneau-là qu’il faut exploiter pour ne pas laisser les responsables des pays partenaires dire exclusivement ce qu’ils veulent.
C’est pourquoi il a fallu mettre les choses au clair s’agissant des difficultés que nous avons traversées depuis 2011 avec leur lot de déceptions.
Des frustrations qui ont permis aux Tunisiens de prendre conscience de la situation critique et décider en leur âme et conscience de prendre leur destin en main et de faire valoir leurs attentes.
Les attentes des Tunisiens sont on ne peut plus claires. Il va sans dire qu’on ne peut avoir, en même temps, des indicateurs socioéconomiques en berne sur plus d’une décennie et une population satisfaite.
Le 25 juillet 2021, les Tunisiens avaient exprimé leur mécontentement et manifesté leur soutien au Président de la République qui avait décidé de prendre les choses en main. Personnellement, je suis convaincu du bien-fondé du processus initié par le Président de la République.
Le peuple tunisien a voté en masse en faveur du Président Kaïs Saïed qui ne pouvait permettre la déliquescence de l’Etat.
Malheureusement, la diplomatie tunisienne n’a pas suivi cette lancée. Elle devait pourtant réagir rapidement pour défendre les choix de la Tunisie et éviter toute mécompréhension.
Aujourd’hui, j’ai cette responsabilité et je compte la mener à bien.
Nos partenaires et l’opinion publique internationale commencent à y voir plus clair.
Du moment que nous sommes convaincus de nos choix, nous faisons peu de cas des discours de certains.
La Tunisie est dans son droit. Nous ne sommes plus dans la configuration qui prévalait avant 2011 (…) C’est absurde de penser que la situation du pays a empiré et s’est dégradée davantage qu’il y a trente ans, comme certains ont tendance à le répéter. Bien au contraire, nous sommes complètement dans un autre contexte et il est inadmissible de continuer à nourrir ces amalgames.
Il n’y a pas moyen d’installer une dictature, aujourd’hui.
Les Tunisiens n’attendront personne, ni aucun partenaire, pour défendre leurs libertés, s’ils considèrent qu’elles sont menacées, ils sortiront dans la rue de leur plein gré pour les défendre.
Les Tunisiens doivent saisir les enjeux actuels. Il s’agit, pour l’heure, de remettre l’économie du pays en marche. Nous disposons d’atouts et d’un capital humain importants; c’est le moment opportun de tout fédérer. C’est à cette condition que nous pouvons y arriver.
Certaines voix dissonantes qui étaient au pouvoir pendant plus de onze ans et bénéficiaient jusque-là d’un appui inédit de la part des partenaires de la Tunisie ont péché par manque de résultats. Aujourd’hui, ils ont opté pour le boycott des principales échéances électorales, se privant ainsi de toute prise légitime de parole.
Les critiques infondées attentent à l’image de la Tunisie et ont pour conséquence de générer un manque à gagner pour le rayonnement du pays à l’échelle internationale.
De quelle morale se prévalent-ils pour solliciter l’appui de l’étranger, alors que le pays est libre et ouvert ?
Les Tunisiens, toutes tendances confondues, doivent faire preuve de solidarité et de cohésion. Aujourd’hui, ils doivent être d’accord sur l’essentiel parce que nous vivons un moment charnière. Il faut que tous les Tunisiens comprennent et saisissent le message.
C’est pourquoi il faut réagir, il faut porter la voix et défendre clairement nos positions.
L’afflux de migrants irréguliers vers l’UE en provenance de Tunisie a décuplé au premier trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022.
L’Italie a décrété l’état d’urgence migratoire pour les six prochains mois.
Est-ce que la Tunisie dispose de la logistique nécessaire pour juguler ces flux de migrants, surtout que plusieurs pays africains sont en proie à des conflits ? Est-ce que l’Italie a exprimé son intention de s’investir matériellement et logistiquement à ce sujet ?
L’Italie, l’Union européenne ainsi que nos partenaires étrangers savent pertinemment que la migration irrégulière dépasse les capacités d’un seul pays, notamment la Tunisie. Ce fléau est un phénomène mondial.
D’un point de vue géographique, la Tunisie est concernée par cette question car elle se trouve sur la route migratoire de la Méditerranée (ndlr: la plus meurtrière au monde), cependant elle n’est pas au centre de cette dynamique. On a insisté auprès de nos partenaires que la solution à ce problème devrait impliquer tous les pays impactés par ce phénomène.
Ils sont appelés à s’entendre pour lutter contre la traite des êtres humains et partant la criminalité transnationale organisée.
J’ai eu une très bonne discussion, jeudi dernier, avec la commissaire européenne pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, Ylva Johansson, qui se félicite de la coopération avec la Tunisie.
Nous lui avons signifié que nos moyens sont dérisoires pour lutter contre ce phénomène, même si nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour y faire face. Le pays fait tout ce qui est en son pouvoir, et même plus, avec ses moyens limités.
Certains pays (sans les nommer) refusent, à titre d’exemple, de mener des opérations de sauvetage en mer de migrants, alors que la Tunisie n’hésite pas à le faire.
Si nos partenaires pouvaient mettre à notre disposition davantage de moyens, les résultats seraient plus probants. La vraie solution à court et à moyen termes, c’est la remise à flot de l’économie tunisienne.
Des programmes sont mis en place avec l’Union européenne qui ont fait leurs preuves, mais avec certaines limites. Il faut prévoir la création de nouvelles perspectives.
Bien que le phénomène de la migration irrégulière doive être reconsidéré par toutes les parties, il n’y a, cependant, pas de divergences de points de vue entre la Tunisie et l’Union européenne autour de cette question.
L’Union européenne a exprimé ses craintes face à ce phénomène, lesquelles craintes sont partagées par la Tunisie devenue aussi un pays de destination pour les candidats à la migration irrégulière.
La Tunisie reste un partenaire fiable en dépit du fait que certains nous reprochent d’être le gendarme de l’Europe et nous accusent de racisme.
Durant toute son histoire, les Tunisiens ont été mus par une volonté de liberté et de dignité, valeurs qu’ils ont communiquées au continent africain. Aujourd’hui, on nous accuse de racisme, c’est une machination ourdie.
La Commission européenne, d’après une note envoyée aux Etats membres, prévoit de s’attaquer à l’instabilité économique en Tunisie, qui, selon elle, a conduit à cet afflux migratoire et de se concentrer sur le soutien à la Tunisie.
D’ailleurs, la Commissaire européenne aux affaires intérieures que vous venez de recevoir en audience a réitéré l’engagement de l’Union européenne à soutenir la Tunisie, y compris dans le cadre d’une gestion concertée de la migration.
Qu’est-ce qu’une gestion concertée de la migration pour l’Union européenne ? Et pour la Tunisie ?
Effectivement, la commissaire européenne pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté a réaffirmé l’engagement de l’Union européenne à soutenir la Tunisie et a exprimé la solidarité et la disponibilité de la partie européenne à apporter un soutien conséquent afin de consolider les capacités nationales face à la recrudescence de ce phénomène qui dépasse tous les pays.
Lors de cette audience, on a discuté de l’approfondissement de la coopération entre la Tunisie et l’Union européenne et j’ai bien insisté sur le fait que les vraies solutions à la migration irrégulière c’est la remise à flot de l’économie tunisienne pour maintenir les migrants dans, leur pays d’origine. Il faut rebooster l’économie tunisienne pour réduire le flux de candidats tunisiens à la migration et leur offrir des opportunités d’emploi dans leurs régions.
La visite de la responsable européenne, la troisième du genre qu’elle effectue en Tunisie, fait partie d’un engagement politique plus large du bloc des 27 envers la Tunisie et s‘inscrit dans le cadre du partenariat stratégique entre l’UE et notre pays.
J’ai tenu à expliquer à la responsable européenne que les messages émis par certains de nos partenaires sur un éventuel « effondrement de l’économie tunisienne n’aident pas notre pays dans la conjoncture actuelle.
Tous ces messages négatifs et sceptiques n’aident pas l’économie tunisienne et alimentent tous les fléaux, y compris celui de la migration clandestine. Aider l’économie tunisienne, c’est une manière de lutter contre la migration irrégulière.
C’est l’économie tunisienne qui pâtit de ces propos. En plus, ces déclarations trouvent peu d’écho auprès de l’opinion publique tunisienne, surtout après la décennie écoulée. Ces déclarations sapent nos efforts pour redresser notre économie, et ce n’est pas dans l’intérêt de nos partenaires.
Derrière les déclarations de certains responsables occidentaux se cachent surtout des ambitions politiques et électorales et une volonté d’amadouer leur opinion publique nationale et leur électorat, en particulier à l’approche des échéances électorales.
Le problème de la migration irrégulière doit être traité selon une approche globale, il ne peut pas être uniquement résolu par des mesures sécuritaires. Il doit être appréhendé d’une manière multidimensionnelle.
D’ailleurs, avec l’Union européenne, nous avons des programmes en cours. Il faut juste les approfondir et les développer davantage.
La visite de la commissaire européenne pour la migration, les affaires intérieures a été une occasion renouvelée pour asseoir un partenariat opérationnel renforcé de lutte contre le trafic des êtres humains. Il est question également d’un soutien à la protection des frontières maritimes et des frontières sud de la Tunisie, du renforcement de la coopération judiciaire et policière et de la coopération avec les agences européennes compétentes comme Eurojust et Europol et de la sensibilisation aux dangers de la migration irrégulière, au moyen de campagnes d’information qui seront lancées en mai et juin et financées par l’UE.
Les deux parties ont convenu de renforcer leur coopération en matière de protection et de retour des migrants irréguliers tunisiens, grâce à un soutien accru de l’UE aux retours volontaires.
Nous avons convenu de renforcer les mécanismes existants d’accompagnement des migrants tunisiens de retour dans le pays à travers un appui au mécanisme national de réintégration « Tounesna ».
La Tunisie et l’UE ont exprimé la volonté d’asseoir un partenariat pour la mobilité des compétences et des professionnels qualifiés, en favorisant de nouvelles perspectives de formation professionnelle et d’emploi et en améliorant la lutte commune contre le trafic des êtres humains et de migrants.
Est-ce qu’il s’agit d’organiser cette migration des compétences dans le cadre d’accords bilatéraux ? L’UE a-t-elle envisagé un quota dans ce cadre et est-ce que la Tunisie compte exiger, de son côté, un quota ?
Quels seront les principaux axes de ce partenariat et comporte-t-il un aspect de compensation financière.
Il y une volonté d’asseoir un partenariat pour promouvoir la migration régulière, dans l’intérêt des deux parties, en fonction des besoins des deux parties et au profit des secteurs d’activité et de métiers identifiés conjointement et en assurant une réponse adaptée pour prévenir le risque de «fuite des cerveaux».
A cet effet, une table ronde avec toutes les parties prenantes concernées sera organisée en mai, afin de définir les contours et le contenu de ce partenariat.
Toutefois, c’est important que nos compétences restent en Tunisie et qu’elles participent au développement de l’économie tunisienne.
Il faut garder à l’esprit que ces compétences sont formées avec nos moyens et coûtent très cher à la Tunisie.
Nous ne sommes pas là pour canaliser la fuite des cerveaux, mais pour établir des accords avec l’Union européenne dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant.
A ce jour, il n’y a pas encore de quota. Les négociations sont encore au stade des appréciations qualitatives. Les profils et secteurs de coopération ne sont pas encore déterminés.
Certains observateurs perçoivent dans les tergiversations du FMI à débloquer le crédit de 1,9 milliard de dollars à la Tunisie une sorte de pression pour obtenir des responsables tunisiens des concessions politiques et géostratégiques.
Est-ce le cas, selon vous ? Ou est-ce qu’il s’agit juste d’une question de réformes à entreprendre pour pouvoir bénéficier du prêt ?
J’ai toujours expliqué, même lorsque j’étais encore ambassadeur à Bruxelles et auprès de l’UE, que nous sommes arrivés à un point où les pressions exercées sur la Tunisie sont contre-productives. A force de pressions, les choses peuvent arriver au point de non-retour.
Nous espérons que nos partenaires auront conscience de ce risque parce que nous estimons qu’ils sont allés trop loin.
Nous leur avons expliqué qu’il y a une ligne rouge à ne pas franchir, c’est celle de la stabilité du pays et de la paix sociale. Le Président de la République a été très clair là-dessus. C’est le Président de la République qui est le garant de la stabilité du pays. Ses déclarations doivent être prises en compte aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger. Nos partenaires ne connaissent pas mieux la situation prévalant en Tunisie que nos hauts responsables.
Nos partenaires devraient prêter une écoute attentive pour connaître la réalité de la situation en Tunisie. La situation, aujourd’hui, est la conséquence directe de la mauvaise gouvernance du pays depuis une décennie. Il va sans dire que nos partenaires, en soutenant les gouvernements successifs après 2011, assument une part de responsabilité, quand bien même ils tenteraient de la faire passer sous silence. Chose que je tiens à leur rappeler à chaque occasion.
De plus, la situation à nos frontières avec la Libye et tout récemment la guerre en Ukraine ont joué en défaveur de notre économie nationale.
Aujourd’hui et pour une fois, depuis 2011, un seul agenda guide l’action de nos responsables : redresser une situation qui est très difficile.
Nos partenaires se sont engagés à nous soutenir, mais dans les faits, il n’en est rien. D’où l’incohérence de leurs propos.
Le progrès économique de la Tunisie et sa prospérité sont dans l’intérêt strict de toutes les parties. Notre intérêt converge avec l’intérêt de tous nos partenaires.
Les messages négatifs à l’endroit de notre pays ont des répercussions directes et néfastes sur l’environnement économique. Ils font fuir les investisseurs et les touristes.
Quand nos partenaires disent soutenir l’économie tunisienne et transmettent en même temps des messages sceptiques, cela relève de l’incohérence pure et simple.
L’économie tunisienne prospère quand une image positive du pays est véhiculée. Les Tunisiens devraient être parfaitement conscients de cette corrélation directe.
C’est important pour les Tunisiens de se dire que lorsque nous sommes face à des difficultés, il faut les régler entre Tunisiens et ne jamais faire appel à l’étranger, aux non-Tunisiens. Nos partenaires étrangers sont nos amis mais ils ne peuvent être partie prenante dans nos affaires intérieures.
Un différend au sein de la même famille doit être résolu exclusivement par ses membres. C’est une position personnelle que j’ai toujours défendue ardemment.
Plusieurs pays africains et arabes, dont l’Algérie, l’Arabie saoudite et l’Egypte, prévoient de rejoindre les Brics, puissances émergentes qui représentent 24% du PIB mondial et 16% du commerce international.
Ce groupe pourra-t-il être une alternative aux partenaires traditionnels et offrir à la Tunisie des conditions meilleures que celles du FMI ? La Tunisie est-elle prête à diversifier ses partenaires ? Ou à compter sur elle-même et sur ses propres moyens ?
Entretenir d’excellentes relations avec tous nos partenaires et ils sont divers est l’un des points forts de la diplomatie tunisienne. Nous avons toujours œuvré à développer nos intérêts avec tous nos partenaires.
C’est très bien que nous soyons revenus aux fondamentaux de la diplomatie tunisienne, à savoir ne s’allier avec aucun axe contre un autre et développer et diversifier nos relations.
Pendant la guerre froide, la Tunisie entretenait d’excellentes relations avec tous les partenaires aussi bien les pays du Pacte de Varsovie que le camp occidental.
Nous avions de très bons rapports avec les deux parties. C’est là un atout majeur de la diplomatie tunisienne.
Les Brics (acronyme désignant le rapprochement de cinq pays : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), l’Union européenne et les Etats-Unis sont autant de partenaires stratégiques que la Russie ou la Chine.
La Tunisie met tout en œuvre pour renforcer ses liens d’amitié et de partenariat avec tous les pays. Cependant, il est important de ne s’aligner sur aucun axe au détriment d’un autre.
Notre positionnement géographique a facilité nos relations avec les différents pays. Aussi, notre capacité à s’adapter et à maîtriser les langues étrangères nous la devons à ce brassage culturel, produit de plusieurs civilisations qui se sont succédé en Tunisie et l’ont fortement imprégnée.
Est-ce que la diplomatie tunisienne projette d’entamer des discussions avec l’UE à propos de l’accès des Tunisiens à l’espace Schengen, notamment en termes d’octroi des visas aux Tunisiens ?
Dans le cadre des discussions avec l’Union européenne, le département des Affaires étrangères a fait savoir que nos concitoyens se sentaient parfois humiliés par ces procédures contraignantes.
Aucune différenciation n’est faite entre les différentes catégories de demandeurs de visa, notamment par rapport aux chercheurs et aux médecins. Tout le monde est traité de la même façon.
Ces pays se défendent par le manque de leur capacité d’accueil.
Comment avez-vous géré l’évacuation des Tunisiens du Soudan ?
L’opération de l’évacuation a été très difficile, mais réussie. Toutes les parties et à leur tête le Président de la République ont réagi rapidement.
En effet, notre ambassade était sur le terrain et notre ambassadeur a accompagné personnellement les personnes évacuées jusqu’aux frontières avec l’Egypte où l’avion de l’armée les attendait pour les ramener en Tunisie. Quarante-six personnes sont arrivées en Tunisie. Six personnes ont préféré rester en Egypte.
Toute cette opération d’évacuation a nécessité de prendre en urgence les bonnes décisions. Elle a été organisée rapidement et le département des Affaires étrangères a agi très vite. Nous avons aussi trouvé des pays très coopératifs et nous les en remercions.
Les personnes évacuées ont traversé la frontière soudano-égyptienne par bus, une traversée qui a été très périlleuse.
L’arrivée de nos compatriotes sains et saufs était notre priorité.
Toutes les parties concernées ont travaillé de manière optimale, en collaboration avec les autorités soudanaises qui ont protégé le convoi jusqu’à la frontière égyptienne.
De son côté, l’Egypte a œuvré pour faciliter le passage. Chose qui n’était pas facile, surtout qu’il y avait des femmes et des enfants à évacuer.
Pour le Soudan, on ne peut que souhaiter l’arrêt des hostilités des différentes parties au conflit et la stabilité dans l’intérêt de ce pays frère.
Quelles perspectives pour le rétablissement des relations avec la Syrie ?
Parmi les premières instructions que j’ai reçues du Président de la République, lorsqu’il m’a nommé à mes nouvelles fonctions, c’était de rétablir dans la normalité les relations diplomatiques entre la Tunisie et la Syrie, un pays frère auquel des liens solides et très forts nous unissent.
Les Tunisiens occupent une place particulière chez les Syriens.
C’est très bien que nous soyons revenus à une situation normale.
Notre nouvel ambassadeur en Syrie vient de recevoir ses lettres de créance; de leur part les Syriens vont très prochainement désigner un nouvel ambassadeur.
Nous rétablirons ainsi le contact à son niveau normal. Nous avons des intérêts en Syrie et c’est pareil pour les Syriens, il faut donc préserver et étendre nos intérêts communs.
La visite du ministre syrien des Affaires étrangères est historique dans le sens où nous revenons à une situation normale après «une sortie de route».
La Tunisie ne s’ingère pas dans les affaires intérieures des autres pays. Ce n’est pas à nous de décider qui doit diriger les Syriens. C’est une affaire purement syrienne.
Entretien conduit par Najla Kalaï et Ines Haddad (TAP)