Il fallait vraiment Zied Lasram pour trouver, dans on ne sait quel obscur manuel d’ornithologie, l’oiseau Calliste : un oiseau qui lui ressemble, joyeux, délicieusement coloré, dont le chatoiement séduit et dont le chant est poésie.
C’est cela Zied Lasram, cet électron libre qui ne connaît de contraintes ni du temps ni de l’espace, artiste d’une bohème qui n’existe plus, même pas dans le domaine des arts, talentueux plasticien, qui cherche, trouve, change et revient vers un chemin qu’il ne s’est pas tracé, mais qui, en fin de compte, est bien le sien.
Enfant du village sacré de Sidi Bou Saïd, il grandit au milieu des saints marabouts, des poètes et des chats, nullement dérangé par les hordes de touristes auxquels il vendait ses aquarelles. C’est là où il ouvrit son premier atelier, « un antre de rencontres qui brassait princesses de passage, poètes artistes, fous du village, bourgeois en mal d’appartenance, et illuminés de tous horizons », dit de lui son ami Mahmoud Chalbi. Ce rêveur cependant a des fourmis dans le pinceau. Et multiplie les étapes, d’atelier en atelier, à la Soukra, à La Marsa, à Gammarth, avant d’arriver et de poser son chevalet à Djerba où, il le sait bien, l’air est si doux qu’il empêche de mourir. Mais où, surtout, il trouve le calme, la sérénité qui lui ont toujours manqué. Là, dans cette île heureuse, univers imprécis ouvert aux vents du large, à la frange du réel et de l’imaginaire, Zied Lasram crée un monde où des femmes fleurs parlent aux oiseaux siffleurs, dans un éden enchanté. Pour onirique que soit son inspiration, Zied Lasram n’en garde pas moins la maîtrise du trait, l’aisance de la technique, la fluidité du mouvement et la délicatesse de la couleur. Calliste, son ami, est un oiseau qui lui réussit.