«Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente…Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes», a écrit un jour le philosophe allemand Günther Anders.
Classée à la 120e place sur 142 pays par le récent «World Hppiness Report», la Tunisie est loin d’être un endroit où il fait bon vivre aujourd’hui. Son peuple n’est pas à l’abri des conséquences y afférentes et bon nombre de Tunisiens ont déjà fait leur choix : migrer.
Les psychiatres ne cessent de tirer la sonnette d’alarme, faisant état d’une nette augmentation des cris de détresse psychique. Avec un taux d’inflation de 11%, un taux de pauvreté de plus de 20%, un taux de chômage de 16% et une moyenne annuelle de près de 20.000 cas de divorce, le tableau est noir. Une chape de plomb fond sur la société. Pourtant, le spectacle que continuent à nous livrer certains timoniers de la barque ressemble à celui que livrent de grosses bêtes se disputant une prune.
Un camaïeu de gris
Dans un pays pris à la gorge, on assiste encore à des mises en scène qui ressemblent à un camaïeu de gris. On a affaire à une improvisation qui tue, à un capitalisme de plus en plus sauvage. Pis encore, ceux qui veulent tout traiter en cachette des citoyens veulent, qu’à partir de là, ces mêmes citoyens ne portent pas de jugements «faux» et n’interprètent pas de travers leur rendu clownesque.
Il est un fait : quand on aborde des thèmes aussi graves et complexes comme ceux de la santé, de l’économie ou de l’éducation, avec le mélo de la téléréalité et non avec la rigueur des économistes et la pertinence des sociologues, la période de vaches maigres s’allonge et appauvrit les hommes sur tous les plans.
Aujourd’hui, il est plus qu’impératif de comprendre de l’intérieur les ajustements en cours de la société tunisienne. Qu’ils frisent le désespoir ou qu’ils s’ouvrent sur de réelles promesses, ces mêmes ajustements sont à déchiffrer avant qu’il ne soit tard.
D’ailleurs, la hausse vertigineuse des crimes violents à raison de 70%, l’ensauvagement des masses perçu dans les villes, les villages, les bourgades, les espaces publics et les vies fauchées à la fleur de l’âge sur les routes sont, à bien des égards, le couronnement d’une fausse marche, un parcours suicidaire tout au long de plus d’une décade.
Journalistes, économistes et commentateurs ont inlassablement mis en garde contre une économie aux pulsions suicidaires. On a, à maintes reprises, tiré la sonnette d’alarme quant au rassemblement des gens dans des bulles idéologiques. On a souvent répété, après Camus, que «toute vie dirigée vers l’argent est une mort». Mais, hélas ! L’argent continue à couler à flots dans plusieurs allées et carrés. Oui, l’agent qui corrompt continue à faire la loi.