«Aïd El Adha», également connu sous le nom de l’« Aïd El-Kebir », est l’une des fêtes les plus importantes dans le calendrier musulman. En Tunisie, cette célébration est marquée par l’abattage rituel des moutons. Au-delà de ses aspects religieux et culturels, cette fête a également des retombées économiques significatives pour le pays. Une interview avec M. Karim Amous, expert-comptable et fondateur du groupe «Smarteco», mettra en évidence les bienfaits économiques de cette tradition ancestrale.
Commençons par parler des retombées économiques de cette fête religieuse. Avez-vous des données chiffrées précises sur l’impact du sacrifice du mouton sur l’économie tunisienne ?
Certainement. L’abattage des moutons pour célébrer la fête religieuse de l’Aïd a un impact significatif sur l’économie tunisienne.
En termes de dépenses des ménages, on estime que pendant cette période, les Tunisiens dépensent en moyenne entre 700 et 1.000 millions de dinars tunisiens (environ 250 à 350 millions d’euros). Cela représente environ 1,5 à 2% du PIB tunisien, ce qui démontre l’importance économique de cette célébration. En ce qui concerne le secteur de l’élevage ovin, qui est étroitement lié au rite de l’Aïd El-Kébir, il représente environ 15% de la valeur ajoutée agricole totale en Tunisie. Le nombre de moutons sacrifiés pendant cette fête est estimé à environ 1,2 million, avec un prix moyen compris entre 600 et 1.000 dinars tunisiens pour un mouton (environ 210 à 350 euros). Ces chiffres témoignent de l’importance économique de cette tradition pour les éleveurs, les bouchers et les commerçants de viande.
Qu’en est-il de l’impact sur l’emploi ?
La fête de l’Aïd El-Kébir a également un impact sur l’emploi en Tunisie. Pendant cette période, la demande accrue de services d’abattage, de préparation de la viande, de vente au détail et de restauration crée des opportunités d’emploi temporaires. Les bouchers, les vendeurs de viande, les employés des marchés locaux et du secteur de la restauration voient leur activité augmenter, ce qui génère des emplois supplémentaires, notamment pour les jeunes et les travailleurs saisonniers.
Quel impact environnemental peut avoir cette célébration ?
Cette fête peut avoir des avantages environnementaux. Tout d’abord, la consommation de viande locale réduit la dépendance aux importations et favorise l’économie circulaire. De plus, cette tradition favorise l’utilisation de l’ensemble de l’animal, y compris les sous-produits, tels que la peau, la laine et les os, qui peuvent être utilisés dans d’autres industries. Cela réduit le gaspillage et contribue à une utilisation plus durable des ressources.
Existe-t-il des comparaisons à l’échelle mondiale pour illustrer l’importance de la fête en Tunisie ?
Certes, c’est une pratique répandue dans tous les pays musulmans. Dans certains pays comme l’Arabie saoudite et l’Indonésie, où la population musulmane est importante, les chiffres relatifs au rituel du sacrifice pendant cette période sont plus élevés que dans le reste des pays pratiquants. Par exemple, en Arabie saoudite, on estime qu’environ 3 millions de moutons sont sacrifiés chaque année pendant l’Aïd. Cette tradition a donc un impact significatif sur l’économie et la société dans ces pays également.
Y a-t-il des éléments à mentionner en ce qui concerne les avantages économiques, sociaux et environnementaux à l’échelle mondiale ?
À l’échelle mondiale, ce rituel a des répercussions économiques positives dans de nombreux pays. Il stimule les secteurs de l’élevage, du commerce de la viande, de la vente au détail et de la restauration, créant ainsi des emplois et dynamisant les économies locales. Sur le plan social, cette tradition renforce les liens familiaux et communautaires, et favorise la solidarité envers les plus démunis. En ce qui concerne l’environnement, la consommation de viande locale réduit l’empreinte carbone liée aux transports et encourage une utilisation plus efficace des ressources animales.
Quels conseils pouvez-vous donner aux familles tunisiennes pour gérer au mieux leur budget pendant cette période ?
L’Aïd peut représenter une dépense significative pour les familles tunisiennes. Quelques conseils simples, mais efficaces, à mon avis, pourraient optimiser les dépenses des ménages. Il est essentiel d’établir un budget précis en identifiant les dépenses nécessaires et en limitant les dépenses superflues. Il faut aussi fixer un montant raisonnable à allouer à l’achat du mouton et des autres articles nécessaires. Il faut aussi organiser des achats groupés avec d’autres familles ou voisins pour bénéficier de réductions sur les moutons et partager les coûts.
Il est nécessaire de faire des recherches et de comparer les prix des moutons dans différents marchés et chez différents éleveurs. Cela permettra d’obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Il est obligatoire aussi de planifier soigneusement les repas pour éviter le gaspillage alimentaire. Utiliser les restes de viande pour préparer des plats savoureux et économiques et encourager les échanges de viande avec d’autres familles ou voisins sont également des pratiques ancestrales qui pourraient optimiser les gains des ménages. Il est également possible de faire don d’une partie de la viande à des organisations caritatives ou à des familles dans le besoin, contribuant ainsi à renforcer les liens sociaux et à favoriser la solidarité.
Il ne faut pas, non plus, sous-estimer la valeur des sous-produits du sacrifice. Par exemple, la peau peut être utilisée pour la production du cuir, la laine peut être transformée en textiles et les os peuvent être utilisés dans l’industrie de la colle. En explorant ces opportunités, il est possible de générer des revenus supplémentaires ou réduire les coûts liés à l’achat de ces produits.
Avez-vous des propositions de projets innovants pour valoriser les déchets ?
Absolument, la valorisation des déchets peut avoir des avantages économiques et environnementaux significatifs. Voici quelques propositions de projets innovants : les déchets organiques provenant des sacrifices des moutons peuvent être transformés en engrais organiques. Ces engrais peuvent être utilisés dans l’agriculture pour améliorer la fertilité des sols, réduisant ainsi le besoin d’engrais chimiques.
Les déchets animaux peuvent être utilisés pour produire du biogaz. Celui-ci peut ensuite être utilisé comme source d’énergie pour la cuisson, l’éclairage ou même la production d’électricité, réduisant ainsi la dépendance aux combustibles fossiles.
Certains composants des déchets animaux peuvent être utilisés dans la fabrication de produits chimiques, tels que les engrais liquides, les produits de nettoyage ou les additifs pour l’industrie alimentaire. Les peaux et la laine des moutons peuvent être transformées en produits, tels que des vêtements, des accessoires de mode ou des articles de décoration. Cela permettrait de valoriser ces matériaux et de stimuler l’industrie textile locale.
Les os peuvent être utilisés pour produire de la colle, des compléments alimentaires ou même des matériaux de construction. Ces utilisations permettent de maximiser la valeur des déchets tout en réduisant leur impact environnemental.
Il est essentiel d’explorer ces pistes pour tirer le meilleur parti de cette tradition tout en minimisant les impacts négatifs sur l’environnement.
Je tiens également à souligner que le gouvernement et les acteurs économiques peuvent jouer un rôle clé dans la promotion de ces projets innovants. Des incitations fiscales, des subventions et des programmes de soutien peuvent être mis en place pour encourager les entreprises et les entrepreneurs à investir dans la valorisation des déchets liés à cette fête.
De plus, la sensibilisation du grand public est cruciale. Il est important d’éduquer les familles tunisiennes sur les avantages économiques, sociaux et environnementaux de ces initiatives. Des campagnes de sensibilisation peuvent être lancées pour encourager la population à adopter des pratiques durables et à soutenir les produits issus de la valorisation des déchets animaux.
Je précise que cette fête de l’Aïd a des retombées économiques, sociales et environnementales significatives. En optimisant les dépenses des acheteurs et en proposant des projets innovants pour valoriser les déchets, nous pouvons renforcer l’économie, promouvoir la solidarité et réduire notre empreinte environnementale. Il est temps de saisir ces opportunités pour créer un avenir durable pour notre pays.