Les 15 et 16 juin, la Banque africaine de développement (BAD) a organisé, à Tunis, un forum régional sur le partenariat public-privé (PPP) en Afrique du Nord autour du thème «Pour une croissance durable et inclusive».
Ce forum vise à promouvoir les opportunités offertes dans les pays d’Afrique du Nord pour la réalisation de projets d’infrastructure en partenariat public-privé. Il cherche à identifier les obstacles rencontrés lors de la préparation et de la mise en œuvre de ces projets dans la région et propose des mesures concrètes pour les surmonter. En marge de cet événement, nous avons rencontré Atef
Majdoub, président de l’Instance générale des partenariats public-privé, pour de plus amples détails. Entretien.
Récemment, la Banque africaine de développement (BAD) a organisé un forum régional sur le partenariat public-privé (PPP), en Afrique du Nord, autour du thème «Pour une croissance durable et inclusive», selon vous, que traduit cet événement ? Et à quoi peut-on s’attendre ?
La concrétisation de cet événement constitue en soi une réussite extrêmement satisfaisante, étant donné qu’on a réussi à réunir les six unités PPP couvertes par le bureau régional de la BAD, avec des impressions et des retours très positifs.
L’une des premières retombées de cet événement, c’est qu’on a commencé à créer un premier noyau de discussion pour échanger en matière de développement des PPP, surtout avec nos collègues d’Egypte, qui ont des avancées remarquables dans ce domaine. A titre d’exemple, ce pays a entamé, cette année, un vaste programme de dessalement de l’eau de mer. Un projet qui ne peut pas passer inaperçu, à l’heure où le stress hydrique et les changements climatiques représentent deux défis majeurs auxquels le monde entier fait face aujourd’hui. A cet égard, cette série de rencontres représente une occasion pour échanger avec l’Egypte et tirer des leçons de son expérience, sur la préparation, sur les appels d’offres qui ont été lancés…
On a, également, discuté avec les collègues du Maroc sur leur expérience dans le secteur de la santé, notamment la fabrication des vaccins et des sérums locaux. Nos voisins ont monté un PPP dans ce domaine-là et nous pensons qu’on peut s’inspirer de cette expérience et pourquoi pas l’implémenter en Tunisie, étant donné que l’industrie pharmaceutique est très développée dans notre pays, avec l’existence de l’Institut Pasteur, qui a une renommée mondiale par rapport à la recherche et au développement. Donc, cela peut être aussi un modèle à prendre en considération par rapport à ce qui a été développé ailleurs.
Sur un autre plan, nos collègues libyens, qui sont en phase d’implémentation, ont exprimé leur souhait d’apprendre de notre expérience. Ils demandent à venir en Tunisie pour pouvoir capitaliser sur ce qui a été fait dans notre pays… Même avec l’Algérie, nous avons entretenu des relations solides…
C’est en fait l’objectif, in fine, de s’épargner des erreurs et des problématiques que nos précédents ont rencontrées pour pouvoir aller sur une piste beaucoup plus solide. Donc, cet objectif de réseautage est atteint et il a été mis en application.
La deuxième édition sera organisée en Egypte. Quels seront les principaux axes ?
Pour la deuxième édition qui sera organisée en Egypte, on parlera beaucoup plus de projets. D’une manière générale, l’objectif de cette dimension régionale, c’est de travailler ensemble pour relier nos pays et faire des PPP des liaisons transmaghrébines…
On voit déjà l’Afrique subsaharienne, comment ça évolue avec les voies ferrées, les voies terrestres… Ça peut être aussi un PPP transrégional et c’est l’objectif souhaité puisqu’il y a une certaine similarité au niveau des législations.
Qu’on le veuille ou pas, chacun seul ne peut pas avancer convenablement, alors que l’union fait la force. Le fait que ces six pays-là (en termes de population, de valeur ajoutée, de potentiel, de positionnement géographique…) et avec ce mélange en termes de spécificité historique et culturelle, sont réunis, on peut atteindre une harmonisation, même au niveau des législations, pour attirer des investisseurs étrangers qui peuvent travailler facilement au niveau de ces pays. Ceci, tout en gardant la souveraineté de chaque pays. Mais, avec une dimension régionale, on peut travailler sur l’harmonisation des législations pour que l’accès soit facile à toute la région.
Vous dites donc que l’ouverture reste le maître-mot ?
Oui, il ne faut plus rester en autarcie, il faut s’ouvrir, surtout en matière de PPP. C’est un petit monde de développeurs étrangers, nationaux, et ça peut être aussi un élément important pour nos entrepreneurs, nos bureaux d’études… D’ailleurs, il y avait beaucoup de bureaux d’études, de consultants qui ont tissé déjà, en marge de cet événement, des relations d’affaires avec la Libye, avec l’Egypte… Donc, il existe aussi cet objectif de s’externaliser et de s’exporter ; c’est de l’exportation du savoir-faire PPP tunisien, via l’expertise locale, via les renforcements de capacité…
Ainsi, en tant que première édition, les objectifs ont été plus qu’atteints et les éléments de la réussite étaient là. A cet ensemble, on ajoute la présence de la cheffe du gouvernement, ce qui a donné un impact positif, que ce soit au niveau national ou régional. Cette présence des autorités nationales traduit, entre autres, l’existence de la volonté pour booster les PPP. Nous l’avons dit et nous le répétons encore: les PPP ce ne sont pas des textes ni des projets, c’est tout d’abord une volonté.
Le fait que la volonté est là, l’objectif de l’implémentation est presque atteint. Le fait de ramener tout le monde sur le site Tunisie, c’est que le site Tunisie suscite toujours de l’intérêt, contrairement à ce que certains prédisent. La Tunisie est encore un terrain favorable et attractif pour les investisseurs étrangers. Donc, l’objectif de remettre notre pays sur le radar de l’investissement, d’une manière générale, et des PPP, en particulier, est atteint.
Croyez-vous que l’Egypte est un modèle à suivre en la matière, puisque les expériences réussies ne manquent pas dans ce pays ?
En matière de PPP, il n’y a pas un modèle bien précis à calquer ou à dupliquer. Il y a toujours une particularité qui reste spécifique à chaque pays. Mais il faut comprendre les «success stories» et les cas réussis pour les adapter à notre contexte.
Pour le modèle égyptien, le texte en matière de PPP date déjà de 2010. Aujourd’hui, ce pays a atteint une certaine maturité. Mais quand on avance le modèle égyptien, cela ne veut pas dire le copier, car chaque pays a son contexte propre à lui, ses contraintes, ses attentes, ses besoins, son environnement… il est donc plus judicieux de s’en inspirer et de l’adapter…, et surtout de profiter de la maturité de l’expérience qui date de 2010.
D’une manière générale, il y avait toujours cette réticence de la part de la population en ce qui concerne les PPP. Ce type de projets traduit pour certains un désengagement de l’Etat. Cette perception est-elle encore largement répandue ?
Les gens vont plus loin que le «désengagement». Pour certains, lorsqu’on parle de PPP, c’est automatiquement la «privatisation», alors que ce n’est pas le cas.
A titre d’exemple, en 2002, la Tunisie a monté le projet de la centrale électrique à Radès II en PPP pour une durée de 20 ans. En mai 2022, la centrale est dans le patrimoine de la Steg. Elle est dans l’actif et la propriété de la Tunisie via la Steg. C’est pour dire que privatisation ne signifie pas «transfert absolu» de la propriété. Donc, un PPP, ce n’est pas une privatisation ou un transfert unilatéral de la propriété. Il y a un savoir-faire, un apprentissage, une contribution et une collaboration du secteur privé dans les efforts de développement d’une manière générale.
Pour ce faire, le secteur public doit coopérer avec le secteur privé et cela est encore vrai et nécessaire dans le cas tunisien où il y a une rareté des ressources, le stress des finances publiques et des contraintes budgétaires qui pèsent lourd avec le poids de la rémunération, de la compensation… Donc, il ne reste pas beaucoup d’espace budgétaire pour faire des investissements. A cela, on ajoute la dégradation de l’infrastructure qui représente une véritable entrave au développement et qui sera lourde de conséquences.
Face à cette situation, il ne faut plus considérer le privé comme un ennemi, c’est un véritable partenaire. Il faut instaurer cette confiance, en commençant par le secteur privé tunisien pour attaquer et aller ensuite à la conquête des opérateurs internationaux.
Toujours dans le cadre de ce forum, quels sont les critères de sélection de projets qui ont été présentés ?
On est parti sur la maturité et sur la faisabilité. Dans l’absolu, tout secteur d’infrastructure est éligible aux PPP. Sauf que pour faire un tri des projets, il faut que l’on parte, tout d’abord, sur des projets déjà réussis. Il y a d’autres secteurs comme l’énergie qui obéit au financement privé, et donc aux modalités du PPP, alors qu’il existe d’autres secteurs qu’on essaie, pour l’instant, de ne pas attaquer, parce que les PPP c’est une maturité.
Il faut gagner en maturité et en compétences pour attaquer les projets les plus complexes et les plus difficiles, car, par définition, un PPP, c’est complexe et c’est difficile. Mais là où il y a un retour d’expérience, là où il y a une certaine maturité, il faut aller directement sur ces projets-là, car c’est une bonne opportunité.
Donc, on essaie d’attaquer des secteurs où l’environnement est propice, là où il y a l’intérêt et l’appétit des trois partenaires. Parce qu’un PPP c’est, avant tout, trois partenaires. Il y a le public, le privé, mais aussi une autre partie importante qui est le bailleur de fonds et le financeur. Il faut que le financeur adhère et accepte le financement de ce projet, sinon, on ne peut pas implémenter le projet.
Vous dites donc qu’au début, il faut éviter le social ?
Le projet à caractère social reste un peu utilitaire, mais pas d’une manière générale. D’ailleurs, ça a été dit au niveau du forum par M. Ziad Hayek, président de la WAPPP, «il faut éviter le social». Il a cité explicitement les secteurs de la santé et de l’éducation. Mais il ne faut pas baisser les bras car de l’autre côté, quand on voit la dégradation de la qualité de l’infrastructure sociale en matière de santé et d’éducation, avec la contrainte qui pèse lourd sur les finances publiques, il faut bouger sinon on ira encore dans la dégradation.
Pour ce faire, il faut persuader. Il y a, bel et bien, d’autres pays, à l’instar de la Jordanie, qui se sont lancés dans un vaste programme de rénovation et de construction des établissements scolaires. Ils sont partis pour un premier lot de plus de 600 établissements qui seront confiés aux opérateurs privés.
Est-ce qu’il y a des manifestations d’intérêts pour certains projets qui ont été annoncés pendant le forum ?
Le plus important pour cette première édition c’est qu’il y a des B2B entre le groupe de la Banque africaine de développement et certaines entités publiques pour un accompagnement et un financement de certains projets, un pas à saluer à sa juste valeur.
Je cite aussi un autre objectif de taille qui a plus de visibilité. Il a aussi de nouveaux produits qui seront développés. Dans ce cadre-là, la BAD a annoncé le lancement, pour l’année prochaine, du fonds d’appui pour la préparation des projets en PPP. Ils sont venus au forum pour faire le marketing de cet outil-là et susciter l’intérêt des différents pays.
A côté, il y a eu des développeurs et investisseurs qui y ont assisté et qui ont tissé des relations avec les autorités publiques tunisiennes présentes pour de futurs projets de collaboration. On est donc sur la bonne voie.
Avec les derniers ajustements du cadre juridique, le terrain devient de plus en plus favorable pour booster les PPP en Tunisie. Etes-vous d’accord ?
Pour le cadre juridique, il est en perpétuelle évolution et adaptation. On m’a toujours posé cette question sur le cadre juridique. Mais pour ce cas précis des PPP, c’est toujours complexe, car c’est un montage de projet, un financement, un langage «difficile» pour le secteur public… Ce dernier, qui n’est pas habitué à ce genre de langage, va trouver le montage des PPP difficile puisqu’il est habitué à des montages classiques (un financement par un bailleur de fonds ou par le budget). Donc, c’est un nouveau modèle alors qu’avec tout changement, il y aura de la mauvaise compréhension et de la réticence, qu’on le veuille ou pas. Mais il faut discuter pour affronter et dépasser les problèmes là où ils existent.
Pour revenir à votre question, il y a eu des évaluations faites par la Banque mondiale du cadre juridique en la matière dans 82 pays. La Tunisie est bien classée et son cadre est conforme aux standards internationaux. Il suffit de s’inspirer des bonnes pratiques, des directives de la Banque mondiale et des autres bailleurs de fonds… Avec le partenaire financier, on ne va pas inventer un modèle qui ne s’adapte pas avec eux, car les PPP sont à la base une modalité de financement.
Le problème, le vrai, c’est que ce cadre-là n’a pas été testé sur le terrain et dans le marché. Quel que soit le cadre, la confrontation avec le marché et avec les investisseurs est indispensable pour démontrer les défaillances, si elles existent, et introduire les ajustements nécessaires. Un cadre ne peut pas être attesté, bancable ou parfait, sans qu’il soit confronté et testé sur le marché.
Pour la Tunisie, tous les ingrédients de réussite sont là et depuis 2019, chaque année, il y a une action pour ajuster, faire les amendements nécessaires…, dans un objectif d’amélioration et d’harmonisation avec les standards internationaux.
En 2019, on a fait une première réforme au niveau de la loi transversale. Puis récemment, en 2022, le décret-loi n°68 d’octobre dans lequel on a fait un dernier ajustement par rapport aux offres spontanées. Je pense qu’on a été quelque part «audacieux» au niveau de notre législation, par rapport à d’autres pays. Il suffit, aujourd’hui, d’avoir cette volonté et l’adhésion de toutes les parties prenantes pour avancer avec des pas sûrs. Dans ce même cadre, la prise de la parole de la Cheffe du gouvernement durant cet événement en est la preuve d’une volonté pour aller de l’avant sur les PPP. Certes, c’est un processus de longue haleine, car les PPP, c’est aussi la persévérance et la patience.
Quel est le rôle des entreprises dans la concrétisation des PPP?
Pour les entreprises publiques, il faut qu’il y ait un changement dans la culture alors que le secteur public est habitué à une modalité bien déterminée. Idem pour le secteur privé.
Commençons par le privé, pour construire une autoroute ou une station de d’épuration, le financement est amené par le secteur public. Donc, il n’y a pas de risque, car le secteur privé n’amène pas le financement. Donc, l’opérateur privé local doit changer de manière de procéder en allant vers les PPP pour chercher les financements, pour venir proposer des projets au secteur public, pour collaborer avec le secteur public… C’est une culture à changer.
On est donc devant un changement de culture et confronté à une réticence à ce changement. Le secteur privé doit être dans cette dynamique-là. On ne demande pas à ce que le secteur privé change totalement et radicalement. Il peut travailler avec des financements publics, mais il faut qu’il frappe aussi à la porte des banques, à la CDC, aux bailleurs de fonds…, pour monter et préparer des projets. C’est une bonne opportunité d’apprentissage pour s’externaliser dans un deuxième temps. Le secteur privé doit adhérer et être persuadé par les bonnes retombées des PPP pour son développement et son avenir.
Cela est aussi valable pour les entreprises publiques tunisiennes. Il faut que l’externalisation ou le recours au secteur privé soit de plus en plus important pour l’Etat (et l’entreprise publique, c’est un prolongement de l’Etat). Il faut songer à créer des ressources et faire de la bonne allocation de ces derniers. Ceci est encore vrai à l’heure où on constate une rareté au niveau des ressources de l’Etat. Donc, ce que je peux épargner au budget de l’entreprise publique, je le confie au secteur privé. C’est un gain que je peux allouer et affecter sur d’autres projets.
Nous savons très bien que le PPP est très utilisé par les collectivités locales. Ces dernières sont-elles bien préparées pour adopter ce modèle ?
Il faut miser sur les collectivités et sur le travail local à l’heure où le déficit en infrastructures est plus important dans ces entités. L’atout des collectivités locales, c’est que ce sont des projets de petite taille qui peuvent être dupliqués. Je donne l’exemple des abattoirs, des parkings, des marchés municipaux, des projets d’efficacité énergétique… Ce sont des projets «duplicables» et qui tiennent compte de la particularité de chaque commune. Il y a aussi l’aspect intercommunalité parce que le PPP c’est aussi une certaine taille.
Mais les collectivités locales ont un double. On constate tout d’abord un manque au niveau des ressources, surtout humaines, qui nécessitent un bon plan de renforcement de capacité, de formation, d’adaptation à ces nouveaux outils des PPP. C’est un préalable indispensable. Il faut que les gens soient persuadés et collaborent pour manier ce genre de contrat. Face à cette difficulté, on essaie de faire des programmes de renforcement de capacités au niveau de ces collectivités.
L’autre défi, c’est le manque des ressources financières des collectivités locales. Ces dernières sont habituées à un modèle classique et sont toujours financées par la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités Locales. C’est pourquoi il faut renouveler la manière de financer des projets.
Pour l’Igppp, on va travailler sur les collectivités qui ont un degré de maturité et des projets aussi matures, parce que l’erreur au niveau de collectivité est fatidique… Il faut qu’on réussisse des pilotes, ce qui va donner l’engouement pour d’autres collectivités.
Cette prudence ne risque-t-elle pas de bloquer le processus ?
C’est important d’être prudent parce que, comme déjà cité, c’est un processus complexe qui dure dans le temps et l’erreur est fatidique. Il faut une dose de prudence et une adhésion aussi de la région ou de la collectivité au projet. C’est-à-dire marcher à petits pas, mais sûrs et ne pas précipiter les choses. On constate encore quelques réticences au niveau local où il y a une certaine culture, une certaine spécificité… Donc, il faut qu’on soit prudent car cette sagesse impacte la réussite du projet.
Et d’ailleurs, c’est pour toutes ces raisons que l’Igppp est le bras exécutif du gouvernement et du secteur public en matière des PPP
Créée en 2015 et opérationnalisée en octobre 2017, l’Igppp a une double mission. Elle a un rôle d’accompagnement, d’assistance et de conseil pour le secteur public. On est un peu le bras exécutif du gouvernement et du secteur public en matière des PPP. On est le conseiller du secteur public…, et on est là pour l’accompagner et mettre à sa disposition l’expertise nécessaire et les conseils nécessaires pour cette question de prudence, pour éviter les faux pas… C’est le rôle primordial et le plus important de notre instance, surtout en matière de décollage et de démarrage du processus PPP. On assure, donc, une grande dose de préparation pour éviter les éventuelles problématiques en matière de transaction.
Pour ce faire, on a mis en place une plateforme et les autorités compétentes peuvent nous saisir pour une demande d’assistance technique. On est aussi en train de constituer une banque de consultants et la mettre à la disposition des autorités publiques. Donc, tous les ingrédients sont là. Le dernier élément pour que le puzzle soit terminé a été, bel et bien, annoncé par la cheffe du gouvernement ; c’est d’opérationnaliser ce fonds d’appui à la préparation des PPP.
Vous avez parlé d’une banque des consultants, quand est-ce que cette dernière verra le jour?
C’est au courant de cette année que cette banque, qui sera composée de conseillers, de consultants juridiques, financiers et techniques…, donnera aux opérateurs publics les moyens du secteur privé.
En effet, le privé, par un simple coup de fil, peut amener un consultant et le payer directement pour une opération bien déterminée. Là, on va mettre le secteur public dans le même niveau de réactivité, d’écoute et de négociation pour qu’on soit d’égal à égal et pouvoir, ainsi, parler d’un PPP gagnant-gagnant. Il ne faut pas que le public soit au-dessous du privé ou vice versa. Il faut qu’on soit d’un même niveau de culture, de discussion, de négociation et qu’on soit aussi appuyé par l’expertise nécessaire… C’est le premier rôle fondamental en matière de maturité pour les PPP.
Pour la deuxième mission, l’Igppp joue un rôle de «reporting», de suivi, de contrôle et de supervision. En d’autres termes, nous avons un regard sur les contrats, on peut faire des audits, du contrôle, de la supervision…
En effet, un contrat de partenariat ou de concession, c’est dix années voire 40 années de travail en commun. Donc, on risque d’y avoir des problèmes d’exécution, des malentendus, des déséquilibres… On intervient à ce niveau-là, pour superviser, contrôler, auditer…, dans l’objectif d’accompagner les deux mariés (secteurs public et privé).
Il s’agit, donc, d’un double rôle : accompagnement, assistance et conseil, d’une part, et un rôle de supervision, d’audit et de contrôle, d’autre part, pour mener à bien ces missions, en tant que bras exécutif des partenariats public-privé en Tunisie et en tant aussi qu’interlocuteur gouvernemental unique en matière des PPP au niveau du pays.
Pour conclure, vous dites, donc, que les PPP c’est une autre voie de financement ?
Bien évidement ! En effet, pour financer les projets, il y a les financements classiques sur le budget de l’Etat, les financements sur ressources extérieures, les financements par des crédits. Mais avec les PPP, c’est une modalité alternative de financement des projets financés par le secteur financier local (en l’occurrence, les banques). Ces dernières doivent aussi changer de manière de procéder. Pour migrer vers les PPP, il faut un changement de «mindset», de culture, de manière de faire… Et ce n’est pas uniquement le secteur public qui doit changer. C’est le trio «Public-Privé-Banque».
Il faut que les banques développent des outils de financement innovants. On a, à titre d’exemple, les financements verts, surtout à l’heure où les changements climatiques n’épargnent personne… La lutte contre les changements climatiques, via les PPP, est un bon mariage, car ce mode est rapide et accéléré avec des financements verts. Il faut que nos institutions financières se mettent au green, se mettent aux financements alternatifs, aux financements innovants, aux financements mixtes…, parce qu’on n’a plus le choix.
Qu’on le veuille ou non, tout seul, le public ne peut pas tout faire. Donc, on aura besoin de cette troisième voie pour faire vite, à des coûts compétitifs, et contribuer à l’effort de développement du pays.