Que peut-il avoir de pire pour un pays que d’écoper du label de « Cité prenable » ou encore de « forteresse sans portes, ni gardiens » ? Une question que l’on se pose et se repose après ce qui s’est passé lors de la soirée du dimanche 16 juillet au festival de Carthage où « l’humoriste » AZ a recouru à des propos acerbes et grossiers qui ne servent en rien son supposé spectacle théâtral. Selon les dires de ce soi-disant comédien, l’objectif était de « divertir le public ». Ô, combien le prétexte est précieux si ce n’est flatteur !
Après la polémique provoquée par cette grave transgression éthique et morale, le chef de l’Etat a reçu, mardi dernier, la ministre des Affaires culturelles, Hayet Guettat Guermazi. Il lui a, alors, signifié que les propos grossiers tenus par le comédien français ne représentaient pas seulement une agression contre le public du festival mais qu’il était question d’un « crime ».
Le président Kaïs Saïed a, par la même occasion, rappelé que l’objectif derrière la création des festivals dont Carthage et Hammamet était de promouvoir la culture. Il a également fait observer que « le choix des artistes, qui y participent, était très minutieux durant des années ».
Peu après le dérapage dudit « humoriste » français et l’outrage public à la pudeur dont il est auteur, on a, de surcroît, eu droit à un tas d’excuses de la part de ce « comédien » lui-même, du ministère de la Culture, de l’Établissement national pour la Promotion des Festivals et des manifestations culturelles et artistiques, ainsi que le comité d’organisation de la 57e édition du Festival international de Carthage. Et les communiqués successifs ont exprimé regrets et remords. Mais après quoi ? Le mal était déjà fait. Sauf que les questions qui demeurent seraient du style : Qui c’est et qui juge ? Qui sont ceux qui veulent rendre le théâtre antique de Carthage accessible à tous, à quiconque ? Sinon, qui sont ceux qui s’adonnent encore à ce dangereux nivellement par le bas du goût public en programmant des spectacles folkloriques, des pseudo-chanteurs et comédiens, sommes toute, une fausse note et des phrases toutes faites sans queue ni tête ?
Depuis plus d’une décade, nous constatons une inquiétude sans cesse quant à ce phénomène nouveau de la fast culture qui se déguste comme un hamburger sauce pop.
De quelle liberté d’expression parle-t-on aujourd’hui ? Ce n’est plutôt qu’une déviation à même de nuire à la recherche de la vérité, voire jusqu’à devenir une fabrique de fausses vérités.
Cela fait des années que la voie est ouverte à toutes les dérives pour capter un public qu’on s’évertue à rendre crédule. Dans le flot des tirades et des verbiages, cela peut aller de la médiocrité à des formes de diffamation et de transgression sans souci éthique, déontologique.
Aujourd’hui, ce qui arrive à la culture soumise aux conditions différentes de notre société interpelle et intrigue. Et la crise de la culture que nous vivons n’a d’égale que la gestion calamiteuse de l’administration et des institutions y afférentes.
Sans nul doute, ce qui est en jeu aujourd’hui est bien autre chose que l’instantané et l’actuel, il s’agit plutôt de l’éducation du goût public et du rôle à jouer par l’Etat ou encore par l’élite, si élite il y a. Dans la correction de la trajectoire d’une nation.