Alors que nous étions tous accaparés par les prouesses d’Ahmed Ayoub Hafnaoui aux Mondiaux de natation qui se déroulaient au Japon, le ministre de la Jeunesse et des Sports était auditionné par l’ARP. Nous avons lu attentivement le communiqué rendant compte de ce qui s’était passé.
Loin de toute polémique inutile et inappropriée, nous avons retrouvé presque les mêmes propos qui ont été les plus répétés depuis belle lurette : «manque de moyens, 11 mille diplômés pour 3 mille postes, le chômage des diplômés des instituts supérieurs de sport et d’éducation physique, environ 11.000 alors que le nombre de postes actuellement vacants est estimé à 3.000, etc. ….etc…»
Le ministre de la Jeunesse et des Sports a indiqué que le domaine d’intervention du ministère concerne trois secteurs vitaux qui sont la jeunesse, le sport et l’éducation physique, précisant que le ministère travaille selon des plans «stratégiques et des programmes». Il a appelé à réformer le système d’éducation physique, ainsi que la filière sport, précisant que 30 % des écoles primaires n’enseignent pas l’éducation physique, en raison du manque de ressources humaines. Il a expliqué que le blocage des recrutements constitue un obstacle majeur, affirmant que le ministère s’emploie à affecter la promotion 2011 dans la période à venir, après le recrutement de 300 cadres cette année.
Beaucoup de littérature
Il a ajouté que 522 institutions de jeunesse sont pénalisées par le manque de cadres et d’ouvriers, alors que les municipalités ont abandonné leur rôle d’entretien des réseaux d’eau et d’éclairage. Le ministre a, par ailleurs, évoqué la volonté du ministère de tutelle de lutter contre le phénomène du trucage des résultats sportifs, après avoir adhéré à la Convention internationale sur la manipulation. Beaucoup de littérature et peu de réflexion pour reprendre en main la situation. Une situation intenable alors qu’il n’y a pas de moyens, qu’il y a de l’indiscipline à tous les niveaux, qu’en l’absence de poigne, des roitelets surgissent de partout, que les supposés responsables des infrastructures se soucient de l’état du patrimoine qu’on leur a confié comme de leur dernière chemise, etc.…En date du 2 mars 2022 nous avions évoqué cette question sur ces mêmes colonnes et nous avions soutenu que «Il faudrait tout d’abord stabiliser le pays qui connaît ces derniers temps des remous à la suite d’une décade de plomb qui nous avait perdre énormément du temps, du prestige et du rayonnement. Serait-ce exagérer si nous disons que la reprise en main devrait être totale. Actuellement entre le ministère, le Comité olympique et la Fédération de football c’est un dialogue de sourds. Personne n’ose toucher au désordre qui règne avec des clubs supposés professionnels qui croulent sous les dettes, recrutent à tort et à travers, forment mal les jeunes, et sont complètement perdus au niveau de leur gestion chaotique.
Sur le podium olympique ou mondial
Pendant que Hafnaoui surfait sur l’eau, d’autres jeunes tunisiennes et tunisiens raflaient l’or un peu partout dans le monde dans des disciplines individuelles qui prouvent, si besoin est, que notre «avenir» sportif est bien dans l’encouragement de ces disciplines. Combien de fois a-t-on insisté et répété ce message ? Aucun écho, alors qu’au niveau paralympique ou à celui des disciplines les plus difficiles, réputées chasse gardée des nations développées, nos représentants, filles et garçons, brouillent les cartes et dérangent l’ordre établi. La Tunisie est montée sur le podium olympique ou mondial en escrime, en Judo, en haltérophilie, en tennis, en natation, en lutte, en karaté, en lancer de poids ou de disque, et nous en oublions. Pour revenir à la natation, la Tunisie compte un littoral qui s’étend sur près de 1 570 km. Si l’on y ajoute les îles, îlots, ports, et autres, ce linéaire avoisinerait les 2 300 km et plus 96 mille km2 d’espaces maritimes. L’Australie, ce pays continent en compte plus de 26000 kilomètres. Elle sort depuis toujours des champions qui nagent dans des piscines édifiées sur le littoral, alimentées en eau de mer. Parce que c’est un pays qui souffre régulièrement de sécheresse, l’établissement des piscines ne se fait que sur les cotes. Ces installations reviennent moins cher, sont particulièrement légères et ne consomment pas d’eau.
Des piscines pour les villes côtières
Qu’est-ce qui nous empêche de faire la même chose et de prévoir des piscines pour les villes côtières qui pourraient être saisonnières pour devenir des installations toutes saisons ? Chez nous, nous en construisons en béton armé, dans des villes qui sont obligées de couper l’eau pour pouvoir remplir ces installations coûteuses et dont la gestion laisse à désirer. Cela revient à dire que ce ne sont pas les fonds qui manquent le plus mais bien les idées et la volonté de bousculer la routine et de s’ouvrir à ce qui se fait dans le monde sans complexe et sans fausse modestie.
L’Etat, à notre sens, ne doit se préoccuper que :
– du sport amateur dont personne n’entend plus parler, et auquel on ne laisse que des miettes tant au niveau des budgets que de l’infrastructure qui fait défaut. On est bien content d’inaugurer un nouveau terrain mais on oublie que des dizaines d’autres, faute d’entretien et de moyens, sont redevenus des espaces dangereux, impraticables, sans aucune utilité. Des écoles de formation de cadres sont dépourvues d’installations pour leurs spécialités et personne ne réagit, alors que des ministres ont rendu visite et ont promis de réagir. Cela fait des années que l’on attend. Lorgnez du côté de l’Enseps de Kassar-Said. Cette situation est préoccupante surtout au niveau des jeunes complètement dépourvus d’infrastructures et de moyens.
-du sport scolaire et universitaire dont les activités sont en sourdine et qui n’est plus, malheureusement, le creuset du sport national, en revenant aux fondamentaux qui ont fait sa force. Le fait de se rapprocher du sport corporatif qui, lui aussi, est en perte de vitesse notable devrait être encouragé. Tout proche des établissements scolaires il y a des banques, des sociétés, des ensembles qui cherchent des lieux pour «faire du sport». Leur offrir le terrain de l’école, du collège ou de la faculté en échange de son équipement (vestiaires, champ de jeu, éclairage, etc…) et de son entretien sera bénéfique et rentable.
Ces terrains actuellement en friche, mal équipés pourraient servir aux deux parties, les heures d’utilisation étant complètement différentes. La rentabilité d’une installation sportive se calcule d’après les heures d’occupation.
Les cadres existent. L’Enseps sort des centaines de cadres hautement qualifiés dont un très grand nombre est au chômage (ou faute de mieux exerce une autre activité et là l’Etat est doublement perdant) alors que l’on s’est engagé à instaurer l’Éducation physique et sportive à partir de l’enseignement de base, assurée par des enseignants formés pour et non pas par des instituteurs en jean et cravate. Actuellement, de par le monde, on réserve les après-midi au sport et aux activités artistiques. D’autres assurent de trois à quatre heures de sport dans les établissements scolaires et universitaires. Un moyen d’offrir un troisième milieu acceptable, décent, utile à ces milliers de jeunes et moins jeunes livrés à la rue ou aux terrasses des cafés.
Nos filles possèdent de l’étoffe
Ceux qui se penchent sur la refonte de notre système scolaire seraient bien inspirés d’en tenir compte.
– du sport féminin qui a encore besoin d’être encadré de près, encouragé et poussé à fond surtout dans les disciplines sportives individuelles. Sa gestion se doit d’être à part, dissociée du reste des activités fédérales (et non pas un vulgaire appendice) avec un budget conséquent, des moyens financiers propres et un encadrement adéquat de qualité.
– nos filles possèdent de l’étoffe et il ne manque que la volonté de s’y mettre sérieusement et non pas de se contenter des hirondelles qui font le printemps et permettent à ceux qui n’attendent que cela pour se pavaner dans les tribunes.
Pour s’éviter bien des déboires
-Appliquer strictement les dispositions régissant le professionnalisme dans le pays, au niveau de toutes les disciplines sportives qui s’en prévalent. Ce n’est pas actuellement pas le cas. Et ce n’est pas à la seule FTF de le faire. Un club pour rejoindre les rangs des professionnels doit absolument posséder les moyens financiers, infrastructurels et humains pour le faire. Faute de quoi, il lui est possible de continuer à pratiquer son sport au niveau amateur pour éviter les déboires des chèques sans provision et les plaintes auprès des instances internationales qui sont sans aucun doute bien surprises par l’incompétence de nos dirigeants sportifs.
– Dans le même ordre d’idée, un joueur professionnel ne doit s’occuper que de sa carrière. C’est un choix difficile, mais incontournable pour que les choses soient dans les normes d’un sport moderne. En hésitant à prendre les bonnes décisions, par réflexes régionalistes ou pour être dans les bonnes grâces de tel ou tel club ou région du pays alors que la Tunisie est une et indivisible, nous avons perdu tout crédit et transformé nos compétitions en de véritables kermesses où tout est permis. Pour finir, il y a lieu de se poser une question : osera-t-on prendre les bonnes décisions en tenant compte des moyens dont nous disposons et de la valeur intrinsèque de nos jeunes filles et garçons?