Accueil A la une Les réformes indispensables et urgentes : Comment faire réussir la Tunisie ?

Les réformes indispensables et urgentes : Comment faire réussir la Tunisie ?

 

«En 2002, notre déficit commercial a atteint 38,7 milliards de dinars, soit près de 12 milliards de dollars, selon l’Institut national de la statistique. Alors que l’on parle souvent d’un excédent commercial avec l’Union européenne, en se basant sur des opérations fictives qui ne sont point génératrices de richesses. On ne peut pas remédier à une situation catastrophique en partant de faux indicateurs. Avec un déficit commercial de 12 milliards de dollars en 2022 et de 18 milliards de dollars pour les 6 premiers mois de 2023, le terme qui convient est «hémorragie» qui aggrave notre endettement, s’alarme l’économiste Jamel Aouididi.

Un nouveau chef du gouvernement vient d’être installé à La Kasbah. Il a pris ses fonctions au momment où le pays souffre de banqueroutes multiformes : taux de chômage élevé, pauvreté, inflation galopante, endettement extérieur allant crescendo. S’y ajoute un contexte international instable et très délicat. Quel plan d’action pour sauver un navire qui n’a cessé de chavirer une décennie durant ? Et quelles réformes s’imposent-elles pour renouer avec la croissance ?

Contacté par La Presse, l’économiste Jamel Aouididi montre une des voies possibles.  De l’avis de l’analyste, un taux de croissance qui tourne autour de 0,8% à 1% depuis 2011 n’offre point une marge de manœuvre suffisante pour réaliser grand-chose, que ce soit pour résorber, le chômage réduire l’endettement ou encore améliorer le pouvoir d’achat des Tunisiens.

Pour relancer la machine, il faut se focaliser sur les secteurs vitaux comme l’agriculture.  « Il faut relancer la production agricole. Le secteur est confronté à diverses difficultés qui freinent son développement. D’ailleurs, les crédits octroyés au secteur tournent autour de 2,9%, selon le rapport annuel de la Banque centrale, y compris l’importation des machines agricoles et des semences. Ce secteur qui contribue à raison de 8% du PIB est donc primordial et mérite toute l’attention de nos gouvernants. Dans cette optique, l’universitaire met en garde contre la désagrégation du tissu industriel indispensable pour la création de richesses.

«Qui dit tissu industriel dit professionnels locaux, c’est-à-dire ceux qui payent la fiscalité et qui contribuent significativement à nos réserves en devises grâce aux exportations. Sachant que les sociétés off-shore ne sont pas tenues de rapatrier les recettes des exportations».

Rompre avec les indicateurs fictifs

Se référant à la sixième édition de la balance des pays monde publiée par le Fonds monétaire international, ce dernier stipule que les opérations de travail à façon, consistant à confier des biens à des non-résidents pour être transformés et ensuite soit réimportés soit réexportés vers un pays tiers, sont désormais classées dans les services (services de fabrication fournis par des intrants physiques détenus par des tiers) et non plus dans les biens. Ce qui  appelle à revoir le mode opératoire du régime appliqué aux sociétés off-shore.

«En 2002, notre déficit commercial a atteint 38,7 milliards de dinars, soit près de 12 milliards de dollars, selon l’Institut national de la statistique. Alors que l’on parle souvent d’un excédent commercial avec l’Union européenne, en se basant sur des opérations fictives qui ne sont point génératrices de richesses. On ne peut pas remédier à une situation catastrophique en partant de faux indicateurs. Avec un déficit commercial de 12 milliards de dollars en 2022 et de 18 milliards de dollars pour les 6 premiers mois de 2023, le terme qui convient est «hémorragie» qui aggrave notre endettement, s’alarme notre interlocuteur.

Compte tenu de cet état de fait, l’économiste appelle à revoir le rôle de la Banque centrale, en s’inspirant de l’expérience marocaine. « Au Maroc, lorsqu’ils ont conclu un accord avec l’Union européenne en 2016, ils ont exigé que le dirham reste toujours lié à l’euro et au dollar américain. C’est ainsi qu’ils ont pu sauver leur économie. Autrement dit, lorsque la monnaie locale se détériore, la dette extérieure se renchérit. Et la même équation s’applique au commerce extérieur », explique l’économiste.

Pour plus de solidarité maghrébine

Pour ce qui est des réformes à effectuer sur le moyen terme, l’universitaire appelle à une vraie relance des petites et moyennes entreprises (PME) industrielles.

«La Chine et la Turquie sont de plus en plus présentes en Tunisie. Mais l’Union européenne reste notre premier partenaire en matière d’investissements. L’agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii) est appelée à jouer un rôle déterminant, en procédant à un diagnostic des PME qu’on peut sauver moyennant des financements conséquents, afin de relancer comme il se doit la production et la création des richesses», insiste encore l’universitaire.

Evoquant,  par ailleurs, un contexte international fluctuant et très délicat, marqué par des clivages de plus en plus exacerbés ; les Etats-Unis et l’Union européenne fragilisés, une montée en puissance de la Chine et une Russie qui s’enlise dans le bourbier ukrainien.

L’économiste plaide pour un approvisionnement en hydrocarbures auprès des voisins maghrébins, notamment l’Algérie et la Libye, afin d’éviter l’érosion des devises.

Il appelle, de surcroît, à consolider les liens commerciaux avec la Russie, un des principaux pays producteurs de céréales et à effectuer les transactions en rouble, afin de minimiser les dégâts que génère la dépréciation de la monnaie locale.

Charger plus d'articles
Charger plus par Mohamed Hedi ABDELLAOUI
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *