Nombreux sont nos concitoyens qui veulent consommer sans produire. Omniprésents, ils font la queue devant les boulangeries, les boucheries, les quincailleries, sur le macadam goudronné, devant et dans les mosquées. Ils se dorent la pilule dans une administration lourde et bureaucratique et maintiennent, dans l’encrier, lois et textes organisant le vivre-ensemble. Aujourd’hui que l’écran de fumée d’un changement social et sociétal radical est dissipé, le résultat d’une chevauchée politique qui n’a fait que trop durer est d’autant plus clair qu’alarmant. Il est clair comme l’eau de roche et alarmant comme le feu consumant la paille. On n’est pas sorti de l’anarchie, on n’a pu ni justifier les inégalités ni empêché leur conversion en conflits permanents. Plus, on n’arrive pas à se choisir un avenir. S’arrêter sur la condition humaine sous nos cieux et observer minutieusement les êtres sociaux à tous les étages de la société et dans tous les domaines du vécu donnent à lire que le Tunisien est en situation de léthargie. Il parle pour ne rien dire. Il travaille sans produire. Il pense que la fonction essentielle de l’homme est de manger, non pas de penser. Il ne cherche point à comprendre le monde qui l’entoure. Et il privilégie clanisme et clientélisme, ces pratiques propres aux sociétés endogames. Lesquelles pratiques, commises par des déviants solidaires si ce n’est par des élites délinquantes, agissent toutes pour les mêmes raisons. Transgresser les règles collectives, bousculer l’ordre social, confondre interdit et permis deviennent ainsi le leitmotiv des «chasseurs-prédateurs». Ces hommes-prédateurs qui s’affranchissent de toutes les règles dans toutes les circonstances, avec l’assentiment de leurs complices, usent souvent du droit et de la loi pour contourner la règle. Une règle qu’on s’évertue souvent à rendre désuète. Et consommer sans produire devient la boussole d’un navire qui prend l’eau de toutes parts, qui coule dans tous les sens.