Les spéculateurs, c’est comme les prestidigitateurs, ils sont toujours prêts à vous sortir de la manche de leur veste une carte pour vous troubler, vous impressionner, vous délester de plus d’argent. Intolérable !
A la suite du communiqué du ministère du Commerce, relatif à la marge bénéficiaire à appliquer pour les fruits, nous avons attendu une dizaine de jours pour voir de quelle manière cette décision allait être appliquée. Un tour au marché de l’Ariana, suivie d’une visite dans une grande surface, et, pour finir, un coup d’œil du côté du marché Sidi El Bahri nous ont permis de constater que les choses n’ont pas beaucoup évolué. La différence des prix est de quelques centaines de millimes pour les fruits de pleine saison.
En fin de compte, à part les pêches rondes et les pêches plates que l’on déverse sur le marché, il n’y a pas beaucoup de changements au niveau des prix. Ces pêches, c’est un mélange incroyable avec des calibres qui varient entre la grosseur d’une bille et un noyau de…pêche. Cela veut tout simplement dire que la qualité n’y est pas du tout. Quant au goût, il faudrait revenir. Ces pêches, il faut bien s’en débarrasser, pour céder la place aux dattes qui seront bientôt mûres, et à leurs dérivés. Les grenades qui pointent leur nez et qu’on se prépare à mettre en vente.
Avec tout le tapage que l’on fait à propos des raisins et des vendanges, le commun des mortels a nourri l’espoir de voir les prix baisser. Ils se sont maintenus et on se croirait dans un pays lointain, où ce genre de fruits constitue un luxe. Nous les verrons en plein mois de décembre pour fêter le nouvel an ! Et pour les avoir, il faudrait payer le prix fort.
Quant aux poires et pommes, c’est le même constat. Ces deux fruits se maintiennent, et comme elles résistent et pourrissent moins vite que les fruits à noyau, on risque de n’en goûter que du bout des lèvres.
L’offre et la demande
Pour maintenir le marché sous pression et répondre aux directives du ministère du Commerce, tout en gagnant dans presque les mêmes proportions, il n’y a pas mille choses à faire : il faut tout simplement ne faire entrer au marché de gros que des quantités limitées. Par voie de conséquence, on se retrouve avec les prix que les spéculateurs espéraient. En appliquant les marges fixées, le consommateur se retrouve le bec dans l’eau. Calculette en main, on peut vérifier, jeter un regard désolé et rentrer chez soi, en espérant que cela ira mieux demain. Cela va sans dire qu’à l’intérieur des marchés, on trouve chez tous les revendeurs les mêmes prix, la même qualité et surtout les mêmes choix.
Dans les tout prochains jours, nous commencerons à voir sur les étals, des sous produits de dattes et enfin les dattes. Il faudrait que les mêmes marges soient appliquées, tout en veillant à ce que ces marges soient maintenues et non pas limitées dans le temps. Il est d’usage, en effet, qu’une fois l’alerte passée, que de nouveaux fruits apparaissent, ces directives n’ont plus cours. A notre connaissance, une décision ne peut être annulée que par une décision d’annulation.
Et là aussi, il faudrait ouvrir l’œil et le bon pour faire la différence entre les fruits provenant de la récolte de cette année et ceux de l’année dernière dont on essaiera de s’en débarrasser au plus vite. Et comme ces dattes n’ont pas été désinsectisées, elles seront immanquablement «habitées», donc impropres à la consommation.
Un comportement cupide
L’arrivée des agrumes relancera la spéculation. Il faudrait s’y préparer et prendre les devants. Non pas avec ces semblants de points de vente du producteur au consommateur dont le comportement cupide n’aide en rien une clientèle qui afflue pour bénéficier de ce qu’elle pense être une occasion unique d’avoir des fruits ou des légumes frais et à prix raisonnable.
C’est, souvent, des intermédiaires, propriétaires de dépôts ou de chambres froides, enregistrés et agissant en toute légalité ou en fraude, qui se font passer pour des producteurs. Ces derniers éprouvent souvent des difficultés pour quitter leur lopin de terre et préfèrent brader leur production à ces intermédiaires qui achètent tout sur pied. Et ils viennent se plaindre du fait qu’ils ne rentrent pas dans leurs frais.
Cette façon de se comporter est en fait la raison qui donne aux spéculateurs la possibilité de mettre la main sur une bonne partie de la récolte. Au lieu de se regrouper en sociétés comme il leur est possible de le faire depuis l’avènement des sociétés citoyennes, ces petits producteurs se laissent tenter par l’argent offert au comptant. Ils se contentent du peu, se pénalisent et par voie de conséquence, agissent négativement sur les cours qui ne correspondent en rien avec la réalité de la situation.
Tricher sur la qualité
Il faudrait peut-être agir pour mieux encadrer ces producteurs en leur montrant la voie et surtout en assouplissant les procédures. Les représentants du secteur agricole ne devraient pas se contenter de réclamer engrais, aides, eau, etc. ils devraient aussi assister ces petits producteurs, les orienter et les conseiller pour qu’ils fassent progresser leurs productions en unissant leurs efforts, mais aussi pour améliorer leur niveau de vie en tirant profit de tout ce qui pourrait les relancer à tous les points de vue.
La mise sur le marché de produits médiocres, souvent, pas assez mûrs en priorité représente un artifice courant pour gagner plus en faisant miroiter le côté exclusif. C’est alors que commencent les entourloupettes auxquelles on s’adonne à l’abri des regards, avec une qualité inégale, des variétés que l’on confond si on n’est pas connaisseur et bien sûr la tricherie pleine et entière au niveau des calibres des fruits ou des légumes.
La première couche est attractive, mais ce qu’il y a dessous est immangeable. Il faudrait reconnaître à ce propos que nous sommes encore loin, très loin de pouvoir imposer un même calibre dans un cageot, mais il faudrait s’y mettre en contrôlant ce que l’on expose au moins à l’intérieur des marchés municipaux. Les gérants de ces lieux pourraient contribuer à cet assainissement des relations entre consommateurs et revendeurs en prenant les choses en main, de manière rigoureuse.
Pour éviter tout dépassement, un service de contrôle des gérants ne serait pas de trop, car, un marché municipal est censé être un lieu où la confiance règne, où les produits sont sains et où la qualité est irréprochable.
Pour conclure, la tentative de contrôler les prix en imposant des marges bénéficiaires à ne pas dépasser n’a pas été d’un grand succès. Le mal se situe en amont au niveau des marchés de gros et des offres quotidiennes de marchandises. En aval, la noria des camionnettes qui ne sont jamais passées par les marchés de gros imposent les prix que l’on a décidés au grand bonheur des manipulateurs de tout bord.