Kairouan | Ecoles rurales : Des kilomètres à pied, ça use.. !

 

Sans aucun moyen de transport, nos écoles dans les régions les plus reculées sont quasi inaccessibles. En hiver comme en été, beaucoup d’enfants ont du mal à regagner leurs classes, sinon ils y arrivent trop tard, dans un état lamentable. Leurs cours commencent après une longue traversée du désert. 

Il existe dans tout le gouvernorat de Kairouan 313 écoles (71.000 écoliers) dont 57% ont des problèmes d’approvisionnement en eau potable. D’autres souffrent du délabrement de leur infrastructure et n’ont ni blocs sanitaires, ni eau potable, ni cantine, ni clôture, ce qui oblige des centaines d’élèves à faire leurs besoins en pleine nature avec tout ce que cela comporte comme risques.

Quand le transport scolaire fait défaut

Cela sans oublier le transport scolaire qui fait défaut dans plusieurs localités. D’ailleurs, d’après la section régionale de la Ltdh de Kairouan, 4.500 élèves font chaque jour plus de 5 km à pied — à l’aller comme au retour — pour atteindre leurs écoles. Certains ont recours à l’autostop en empruntant des tracteurs, des camionnettes non sécurisés ou des charrettes. Notons que seuls 3.200 élèves ont la chance d’emprunter les moyens de transport rural agréés par le gouvernorat, à travers des conventions avec 140 chauffeurs dont les véhicules sont en bon état. Au total, 88 écoles sur 254 situées en milieu rural sont desservies par le transport rural réglementaire. Cela sans oublier les bus de la Sortetrav qui effectuent quotidiennement des centaines de dessertes au profit des élèves.

Néanmoins, on assiste souvent à des pannes de ces bus et qui, de plus, ne sont pas ponctuels. D’autres bus subissent des dégâts à cause des jets de pierres et des agressions commis par des délinquants qui ne veulent pas payer leurs tickets. Evidemment, cela se répercute négativement sur l’assiduité des élèves contraints très souvent de s’absenter.

Par ailleurs, nombreux sont les enseignants qui sont poussés inéluctablement à recourir au transport rural, tôt le matin, pour être à l’heure dans des écoles où des enfants vivant dans la précarité les attendent, le ventre creux. Et l’infrastructure de base, déjà mal en point, n’a jamais été rénovée depuis des années. Elle s’est de plus en plus dégradée, mettant ainsi en danger la vie des écoliers et des instituteurs.

Témoignages

Nadia Yaâkoubi, parente de deux élèves à l’école primaire Essarj (délégation de Oueslatia), déplore l’absence de transport rural dans leur zone et critique l’emploi du temps des élèves qui les oblige à passer toute la journée loin de chez eux avec tout ce que cela comporte comme risques. «Mes enfants quittent la maison à 6h00 du matin pour aller à pied à leur école. Ensuite ils ont cours de 8h00 jusqu’à 10h00, puis ils restent dans la rue jusqu’à 15h00 pour reprendre les cours qui durent jusqu’à 17h00!! Et comme il n’y a pas de clôture on voit se promener, devant  les salles de classe, des chiens, des chats et des chèvres. Lorsqu’ils rentrent à pied, tard dans la journée, ils sont tellement fatigués qu’ils ne veulent ni manger, ni préparer leurs cours. Ils ne pensent qu’à dormir…», raconte-t-elle.

Parlons aussi de notre système éducatif, il y a toujours de quoi se plaindre. Et Mme Yaâkoubi d’enchaîner, «de plus, il y a deux oueds entre notre maison et l’école. Dès qu’il pleut, ils sont obligés de s’absenter. Je demande à tous les responsables d’instituer la séance unique pour les écoles situées dans des zones difficiles d’accès… Cela éviterait bien les dangers de la rue, où sévissent beaucoup de délinquants…».

Voilà pourquoi ils quittent l’école !

Par ailleurs, les habitants des 8 imadas de Haffouz se plaignent de l’irrégularité du transport scolaire, ce qui ne fait qu’accroître le taux d’abandon scolaire et, par voie de conséquence, d’analphabétisme. D’après les dernières statistiques, le gouvernorat de Kairouan détient le taux le plus élevé d’analphabétisme à l’échelle nationale, à savoir 35%. Et les délégations les plus touchées sont Bouhajla (46,3%) et El Ala (43,3%).

En outre, l’absence prolongée des instituteurs, les rapports conflictuels au sein des établissements éducatifs, le niveau intellectuel des parents, la plupart au chômage, l’éloignement de l’école, la dispersion des habitations, les grèves à répétition et les troubles psychologiques à l’âge de l’adolescence, sont autant de facteurs qui poussent progressivement les élèves à quitter les bancs de l’école, en âge précoce. D’ailleurs, le taux de décrochage scolaire est de 17% dans les écoles, 16% dans les collèges et 12% dans les lycées. Soit un phénomène à prendre au sérieux. Notons dans ce contexte que la question d’emplois du temps pose encore problème : les élèves se font du souci au sujet  des heures creuses qui les obligent à rester dans la rue où ils pourraient encourir des risques de violence, de vols et d’agressions. Comme ce fut le cas, pas mal de fois. Cela s’est passé récemment aux alentours des collèges Ibn Héni, à Kairouan Nord et 2 mars à Kairouan-Sud, où des élèves ont été braqués, humiliés et délestés de leur argent et portables.

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