Nizar Elbez, consultant et expert en développement de business à La Presse:  «Les négociations sont toujours en cours entre PayPal et l’Etat tunisien»

Est-ce que le PayPal pourrait devenir une solution miracle pour le commerce électronique tunisien ? Ce moyen de payement fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois et il est vrai que ce sujet devient de plus en plus d’actualité, mais il reste flou pour les jeunes entrepreneurs tunisiens. Plus d’informations avec Nizar Elbez, consultant expert en développement de business. Interview.

Pour les personnes encore non initiées, pouvez-vous nous dire ce que signifie le terme PayPal ?

PayPal, est une start-up fondée par Elon Musk en 2001, après une fusion entre deux entreprises de sécurité informatique. Il s’agit d’une solution de paiement en ligne sécurisé. Les jeunes préfèrent utiliser un compte PayPal dont le plafond est contrôlé plutôt que de payer avec une carte bancaire et prendre des risques. Ce système de paiement a pu séduire différents pays du monde et trouver des compromis avec la majorité des banques. Il est vrai qu’en tant que moyen de paiement, PayPal permet l’ouverture sur différents marchés, on peut voir un Japonais acheter de l’huile d’olive tunisienne en ligne sur un site de e-commerce ou voir un Américain commander des parfums tunisiens sur une application tunisienne. Tous les entrepreneurs tunisiens rêvent d’une situation florissante du marché. Les transactions en ligne sont généralement instantanées pratiquement pour la majorité des pays. Le système de gestion est très ergonomique et simplifie vraiment le travail d’une market place. Si vous êtes nouveaux dans le commerce électronique, vous trouverez certainement que PayPal est «la solution» de paiement internationale la plus réputée pour votre projet E-Commerce. Nous comprenons de ce fait la polémique autour du sujet et le mécontentement des start-up. Actuellement, PayPal couvre 200 régions et des pays réputés pour son niveau de sécurité hors repère. Il faut mesurer les difficultés du marché économique tunisien et trouver des alternatives parallèles, on peut citer Paymee qui est une solution de paiement tunisienne présente dans différents pays et qui permet des avantages financiers le tout dans un système de gestion très ergonomique.

Quels sont les principaux risques
du PayPal?

Il faut se mettre à l’évidence que tout cela a un coût, PayPal est parmi les services de paiement les plus coûteux au monde, sur chaque transaction, un pourcentage allant jusqu’à 3% est relevé. Comme tout autre moyen de transfert d’argent, le taux de change n’est vraiment pas avantageux. Il s’agit d’un écart assez considérable qui est encaissé sur chaque transaction.

Ce système de paiement n’est pas vraiment adapté à des TPE et des PME qui n’ont pas beaucoup de volumes d’affaires, les taux de marge risquent d’être impactés.

Ça ressemble un peu à une marketplace internationale qui s’est installée en Tunisie depuis quelques années et qui prend environ 15% des ventes réalisées. Les petits entrepreneurs ne se retrouvent plus et vont devoir augmenter leurs prix pour survivre ou abandonner la marketplace, le tout au détriment d’un consommateur qui galère déjà de l’inflation.  Mis à part ses coûts parfois élevés, PayPal représente une vraie menace pour les moyens de paiement locaux. C’est une solution qui existe partout et dans la simplicité tout le monde opterait pour une solution unique et abandonnerait les systèmes tunisiens existants comme Paymee ou d’autres en cours de développement qu’il va falloir encourager et chercher à exporter. Loin des coûts et de la concurrence aux moyens de paiement locaux, est-ce qu’on a pensé aux risques de fraudes et de blanchiment d’argent dans un pays où 50% de son PIB est dans le marché informel et où seulement 37% des adultes ont un compte en banque.

Avant de parler de moyens de paiement internationaux, on doit mesurer les enjeux. Il est temps qu’on voit le patriotisme tunisien au niveau de nos achats et de développer notre marché local. Nous sommes en train de nous ouvrir aux marchés internationaux ce qui est plutôt bien mais il faut nous préparer à la concurrence d’entreprises multinationales, il faut préserver l’économie locale avant tout.  Il est nécessaire de penser aux petits artisans, nos voisins, nos amis, nos commerçants du quartier. Il est obligatoire également de se remettre à l’évidence que l’ouverture se fera dans les deux sens, vous verrez un jeune Tunisien acheter des chaussures d’un commerçant italien en ligne ou des baskets d’une marque connue française sur le site « Ali Baba». Il faut garder à l’esprit que la balance économique est en mauvais état depuis très longtemps et qu’on arrive à peine à la stabiliser ces derniers mois à travers des actions très strictes adoptées par l’Etat à contrecœur. Les négociations sont toujours en cours entre PayPal et l’Etat tunisien, il est essentiel de mettre en place une réglementation adéquate pour atténuer les risques potentiels, tels que la fraude, le blanchiment d’argent, la non-déclaration des impôts, et le marché parallèle.  Une coopération étroite entre PayPal, les autorités réglementaires et les utilisateurs est cruciale pour garantir que les avantages l’emportent sur les défis potentiels.

Pouvez-vous nous donner une idée sur les méthodes de paiement?

Actuellement, le marché du commerce en ligne est en cours de développement avec une évolution à deux chiffres depuis 2020. Nous notons tout de même que le nombre de sites web e-commerce n’est pas encore représentatif. On ne doit pas dépasser les 1.500 sites en 2021 formels. Le marché du e-commerce est monopolisé pour le moment par des boutiques sur les réseaux sociaux qui manquent de transparence et qui font de la vente à distance plutôt que la vente en ligne. Le client n’opte pas pour le paiement en ligne en ce moment par manque de confiance.

Le passage vers des sites structurés et reconnus nécessite plus d’effort de tout le monde, du consommateur qui devrait prioriser les entreprises déclarées qui ont un identifiant pour vendre en ligne avec facture et garantie aux lieux des pages Facebook ou profils Instagram. Les entreprises de vente en ligne doivent créer plus de trafic sur leurs sites web et refléter plus de transparence pour l’origine de leurs produits et services avec une meilleure relation client et un vrai service après-vente.

L’Etat doit s’investir davantage dans le contrôle et le suivi du commerce électronique, mais aussi en termes de vulgarisation des procédures pour ce secteur prometteur. Le Tunisien est prêt à payer en ligne s’il fait confiance, il le fait bien avec les institutions de l’Etat comme la Sonede ou la Steg, le ministère de l’Education et pourquoi pas des entreprises locales agréées. Le système bancaire doit capitaliser sur le e-commerce dans les prochaines années et accroître son développement. En tant que Tunisien, on doit être conscient des préparatifs de mettre en place avant l’introduction de PayPal. L’Etat doit trouver des solutions profitables à notre économie avant de s’associer avec PayPal.

Il est important de noter que la situation économique peut évoluer et les défis peuvent être influencés par divers facteurs, y compris les conditions mondiales, les politiques gouvernementales et d’autres dynamiques économiques. Finalement, on doit préparer les entreprises multinationales à déclarer leurs revenus à l’Etat tunisien et payer des taxes comme les réseaux sociaux ou PayPal prochainement. Il est essentiel de rappeler que PayPal Europe est gérée par sa filiale au Luxembourg. Sauf que 91% de ses transactions dans le marché européen sont reversées à son siège à Singapour pour ne payer que très peu d’impôts en Europe.

Quelles solutions envisagez-vous ?

Il n’y a pas que PayPal comme solution de paiement pour acheter et vendre sur le Net. Des solutions bancaires existent, certes, mais nécessitent d’être développées et améliorées.

Chaque entreprise tunisienne a le droit, aujourd’hui, d’avoir un compte en devises ou en dinars convertibles. L’entrée d’argent en devises est contrôlée et aussi légale.

La carte technologique a permis de résoudre certaines problématiques pour l’achat de services en ligne, le plafond est de 1.000 dinars pour les citoyens ordinaires, ce plafond est de 10.000 dinars pour les entreprises et peut encore augmenter en fonction des besoins. Les réserves en devises c’est notre garantie de pouvoir acheter des produits de première nécessité : blé, médicaments… Chaque citoyen est responsable de la capacité de notre pays à être autonome et souverain.

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