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Respect de l’administré, efficacité de l’administration

Editorial La Presse

 

LE service au client pose problème à l’échelle nationale. Et bien qu’on nous attribue, avec les Libanais, les mêmes augustes aïeux, les Phéniciens, connus pour être de grands navigateurs et commerçants, il est cependant avéré qu’entre-temps, les Tunisiens n’ont pas vraiment su préserver leur sens du commerce, contrairement à nos amis libanais, de redoutables commerçants à ce jour. 

Il ne faut cependant pas confondre les aptitudes au commerce et la mauvaise qualité du service, quoique dans certains cas celles-ci se rejoignent. Les premières découlent du fait de disposer ou pas du sens du commerce. La deuxième relève des employés, ce sont ceux-là qui nous intéressent dans ce propos.

Lorsqu’on se dirige vers n’importe quelle structure pour retirer un papier ou pour tout autre acte administratif, c’est la croix et la bannière. Les chances que le service soit rendu dès la première tentative sont minimes. En revanche, « reviens demain », « nous avons fermé », « le chargé du dossier est en congé », « il te manque un papier » ou encore l’indétrônable «  essistem tayeh » (le réseau est en panne), sont les réponses servies volontiers aux usagers.

La distance entre l’administré et l’agent est une vitre, en réalité, c’est un espacement fait d’incompréhension mais surtout d’angoisse pour le citoyen. Le moindre regard qui ne plaît pas, la moindre réclamation de ce dernier, et le guichet se referme et l’agent ou l’agente disparaît au fond, là où il n’y a plus de vitre, mais un mur.

Celui qui nie cet état de fait, de trois choses l’une ; ou il ne vit pas en Tunisie, ou c’est une personne publique dont le visage est connu, donc bénéficie d’un traitement de faveur, ou bien il se fait aider par un personnel dédié à ce genre de tâches ingrates.

Autrement, le service qu’on appelle ordinairement « la salle » est un angle mort dans le fonctionnement du système administratif national. Les réformes entreprises ne l’ont pas vraiment transformé ni même amélioré. La visite effectuée vendredi dernier par le gouverneur de Ben Arous à un bureau des recettes des finances confirme cet état de fait. Et si on fait l’impasse sur le ton, un chouïa autoritaire, il n’avait pas tort à notre humble avis.

D’ailleurs, lorsque Azzedine Chalbi s’était déplacé au bureau des recettes des finances dans une des circonscriptions qui relèvent de sa compétence, il savait ce qu’il allait trouver. Il y est allé flanqué de ses adjoints et d’une caméra, et découvre, comme prévu, le pot aux roses : des guichets quasiment vides, des personnes perdues et une rangée de chaises qui barre et éloigne encore plus le citoyen de son vis-à-vis officiel. Depuis le Covid, donc de 2019 jusqu’à, disons, fin 2022, on n’a pas jugé utile d’ôter cet obstacle supplémentaire qu’on érige devant l’usager.

Ceci nous amène à dire que les visites non annoncées qu’effectue Kaïs Saïed, contrairement à ce qu’on dit, ont montré leur efficacité. Les exemples sont là. La mentalité ambiante et le fonctionnement des institutions font que le déplacement d’un responsable, a fortiori du Président de la République, fait changer les choses. Pourquoi ? Parce que le travail n’est pas encore une valeur intégrée à titre individuel et au niveau des institutions. Il y a encore du chemin à faire pour que tout un chacun s’acquitte de sa mission sérieusement et dans les temps, sans contrôle ni caméra.

A terme, et pour qu’un pays fonctionne et évolue, il faudra créer des systèmes qui répondent aux standards internationaux avec pour slogan : respect de l’administré et efficacité de l’administration. Donc, après ces visites impromptues, il faudra mettre en place un système de gouvernance qui simplifie, contrôle et fluidifie. Parce qu’une administration publique qui ne délivre pas les prestations rapidement, d’une manière fluide et respectueuse, n’est pas au service des citoyens mais seulement des fonctionnaires qui y travaillent.

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