Crédit photo: © Abdel Aziz HALI / La Presse de Tunisie
Situé à 10 km du poste frontalier de Ras Jedir et ayant une capacité d’accueil de 15.000 personnes, le camp de Choucha est le plus grand des camps de réfugiés à Ras Jedir. Géré par le Haut comité pour les réfugiés des Nations unies (UNHCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en collaboration avec d’autres organisations telles que l’ONG « Islamic Relief » et le Croissant-Rouge tunisien (CRT), le camp est une véritable microsociété animée par la présence de plusieurs nationalités : des Tchadiens, des Somaliens, des Soudanais, des Maliens, etc. Gros plan sur «Chouchaland» comme aiment à l’appeler les réfugiés somaliens.
De notre envoyé spécial à Ras Jedir, Abdel Aziz HALI
Environ 1.490 Libyens ont franchi, mercredi, le poste frontalier de Ras Jedir contre seulement 202 Africains. Plusieurs familles libyennes, notamment aisées, ont afflué en grand nombre, à partir de midi, ce qui témoigne de la rudesse des combats sur le sol libyen.
Certes, ces familles libyennes ne se réfugient pas dans les camps de Ras Jedir, mais selon les responsables des ONG présentes à Zarzis, au bout de 15 jours, la majeure partie de ces familles trouve des difficultés financières, comme en témoigne la sollicitation de plusieurs d’entre elles de leurs services et de l’aide humanitaire.
La sécurité laisse à désirer
Parallèlement, bien que le nombre de réfugiés dans les camps de Ras Jedir ait diminué pour se stabiliser aux alentours de 8.000 âmes (enregistré dans tous les camps, y compris celui de Choucha), selon le responsable régional du Croissant-Rouge, Dr Mongi Slim, la situation humanitaire reste assez inquiétante, surtout avec la montée de l’insécurité au niveau du camp de Choucha.
Questionné par La Presse sur la situation dans le camp, Dr Mongi Slim nous a fait la déclaration suivante : «Décidément, le plus gros problème que connaissent les organisations et les associations œuvrant sur place reste la sécurité. En effet, plusieurs ONG ont exprimé leur volonté de partir si la sécurité continue à ne pas être assurée. On est confronté chaque jour à des heurts entre les réfugiés, des affrontements entre des clans et des actes de vandalisme comme c’était le cas il y a deux jours quand deux tentes ont été brûlées. »
« L’autre jour, 4 femmes somaliennes ont été victimes d’agression et d’une tentative de viol. Heureusement que les agresseurs ont été arrêtés à temps et transférés aux autorités militaires. D’autre part, le camp est tout le temps pris d’assaut par les habitants de Ben Guerdane à la recherche de travail auprès des ONG. Et c’est le même cas pour les réfugiés nigérians. Face à ce constat, on ne cesse de demander du renfort, car sans la sécurité, le camp est tout le temps sous tension», ajoute-t-il.
Un peu plus loin, au niveau de la partie réservée aux familles somaliennes, on rencontre Yussuf, alias «Farah Idid», un Somalien âgé de 30 ans, en compagnie de 4 de ses compatriotes tous armés de barre de fer. Yussuf nous raconte : «ça fait plus de deux semaines qu’on est coincé dans «Chouchaland». On a ainsi surnommé le camp par nostalgie à notre pays «Somaliland». Certes, les Tunisiens font tout leur possible pour nous aider, mais les conditions dans le camp sont très difficiles. Bien que plusieurs réfugiés aient été rapatriés, l’attente est toujours longue au moment du déjeuner avec des files à perte de vue. En plus, on est toujours sur nos gardes, car les Tchadiens et surtout les Soudanais n’apprécient pas notre présence dans le camp. De même, plusieurs de nos femmes ont été victimes d’agression et de tentatives de viol».
Du côté des tentes du Croissant-Rouge, on rencontre Iman, une jeune Erythréenne qui nous parle des dépassements dans le camp : «On vit l’enfer au quotidien. Par exemple, en tant que jeune femme, il ne faut jamais circuler seule dans le camp, surtout à partir de 17h00».
De l’autre côté du camp, on rencontre James, un Nigérian qui nous donne le témoignage suivant : «Plusieurs de mes compatriotes ont trouvé dans le proxénétisme le moyen de gagner leur vie dans le camp. Pour un dinar tunisien, vous pouvez avoir une Nigériane. Certes, ils se font très discret pour ne pas attitrer l’attention des militaires et des responsables des ONG, mais il suffit de discuter avec un Nigérian sur le sujet et il t’orientera vers la bonne personne. D’autre part, plusieurs réfugiés pour survivre ont commencé à vendre leurs couvertures et certains de leurs bagages».
Parallèlement, en faisant un petit tour dans le camp, tout près de la tente qui sert de mosquée aux musulmans, on remarque la présence du Secours islamique (Islamic Relief Worldwide), une organisation non gouvernementale fondée en 1984 par des musulmans choqués par la famine en Afrique et dont le siège est basé à Birmingham au Royaume-Uni.
Les organisations islamiques très sollicitées
Selon les témoignages de plusieurs observateurs, les communautés somalienne, tchadienne, malienne et soudanaise sollicitent d’avantage la tente du «IRW» et du secours islamique français. Hamdi Rouissi, 30 ans et membre du IRW, nous déclare : «Plusieurs réfugiés ont recours à nos services, surtout les musulmans. Pour ceux qui ne connaissent pas le «IRW», le Secours islamique est une ONG de solidarité internationale, de secours d’urgence et de développement durable. Notre ONG est membre consultatif au Conseil économique et social des Nations unies, signataire du code de conduite de Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et des ONG lors des opérations de secours en cas de catastrophes, et membre du Bond (British Overseas NGOs for Development). »
« Le Secours islamique agit dans une stricte neutralité, loin des mouvements salafistes et islamistes, sans distinction de race, de sexe ou de religion et jouit d’une grande expérience dans la gestion des catastrophes liées aux conflits armées comme c’était le cas dans plusieurs pays : Irak, Bosnie-Herzégovine, Pakistan, Tchétchénie, Mozambique, Somalie, Palestine, Haïti… », renchérit-il
Le Secours islamique regroupe un réseau d’ONG indépendantes dans plusieurs pays : Belgique, France, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Suisse, Royaume-Uni et Etats-Unis.
« Vu le sérieux de notre organisation, l’Unhcr nous a légué la tâche de plantation des tentes dans le camp. On a délimité 3 compartiments: un compartiment A pour les familles et les compartiments B et C pour les célibataires. Quant au secours islamique français, il contribue à travers sa tente à donner des repas aux réfugiés et d’assurer des soins comme c’est le cas dans notre petite clinique. Il reste à signaler que prochainement, le Secours islamique va ouvrir un bureau en Tunisie et on va élargir nos activités du côté des camps de Dhiba et de Remada», conclut-il.
A.A.H.
Article publié le 15/04/2011 dans le colonnes du journal La Presse de Tunisie