L’invité du lundi Yosr Saâdallh (ex-arbitre international) : «La personnalité de l’arbitre s’acquiert tôt !»

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Parlons argent d’abord. L’arbitre tunisien est-il bien payé ?
Par rapport à ce qui se passe autour de nous, ce n’est pas bien rémunéré. Un arbitre fédéral qui dirige un match en Ligue 1 perçoit 300 dinars de prime, auxquels on ajoute une indemnité de transport de 130 millimes par kilomètre. C’est le plafond et on peut arriver à des montants moins élevés pour les arbitres au grade inférieur et qui dirigent des matches de jeunes. En Algérie, les arbitres sont payés 400 dollars par match et au Maroc 500. Il faut se rappeler que la prime a changé en 1992 pour être fixée à 200 dinars et depuis, on n’a pas beaucoup évolué. C’est indigne à mon avis, avec des arbitres qui sont nettement moins payés que les joueurs et qui perçoivent leurs primes en retard».

On dit que les arbitres les plus instruits sont les plus compétents…
Je partage. Le niveau d’instruction aide sûrement à mieux assimiler les concepts techniques des règles de l’arbitrage. C’est la génération qui a débarqué en 1996 à l’école pilote, projet mené par Younès Chettali et Naceur Kraiem, qui nous a permis de voir des arbitres cadres, ou médecins ou diplômés et qui ont percé par la suite. Cela permet surtout à l’arbitre de mieux communiquer avec les joueurs pendant les matches et d’imposer le respect. C’est valable partout.

Parlons des commissaires des matches et de l’évaluation. C’est souvent subjectif et au suivi qui n’obéit pas à des règles strictes.
Je pense que les évaluateurs ont besoin d’autant de formation que les arbitres eux-mêmes. Ce n’est pas n’importe quel ancien arbitre peut devenir commissaire et évaluer la prestation d’un autre arbitre. La reconversion n’est pas évidente, parfois c’est dans certains cas subjectif, chose qui n’aide pas les arbitres à améliorer leurs aptitudes. Le commissaire n’est pas un simple évaluateur, c’est quelqu’un qui accompagne l’arbitre le jour du match et qui l’aide à mieux aborder son match. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

La désignation des arbitres fait souvent polémique dans notre championnat. Y a-t-il, à votre avis, des arbitres sur mesure pour certains clubs?
C’est un sérieux casse-tête pour les désignateurs depuis des années. Personne n’est satisfait. On a parfois des mêmes arbitres désignés aux mêmes clubs malgré les erreurs commises.
C’est suspicieux. Mais il y a aussi des insuffisances que l’arbitre lui-même assume et qui n’aident pas le désignateur à faire tourner la liste des arbitres pour les clubs. On a aussi des sanctions lourdes qui pénalisent la désignation, obligée de composer avec les mêmes arbitres. La pression des clubs est aussi insupportable et c’est elle qui déclenche une spirale de doute dont l’arbitre est le grand perdant.

Comment faire pour consolider la personnalité des arbitres sur un match ?
C’est un volet capital que la CAF et la Fifa mettent en valeur dans leur politique de formation. La forte personnalité ne s’acquiert pas, pour un arbitre, dans les matches senior, mais beaucoup plus tôt. Il faut détecter les bons arbitres et les aider à imposer leur personnalité dès le début de leurs carrières. Cela a un lien avec tempérament, la vie quotidienne et l’intégration sociale. Un arbitre confiant et imposant, cela se voit dès les premières 10 minutes du match.

A-t-on les meilleurs arbitres intégrés en liste internationale ?
C’est un dossier sensible qui doit être bien analysé. On a opté pour un rajeunissement dans la liste internationale, on a également des arbitres qui rentrent et sortent aussi vite. Les critères Fifa sont clairs à ce sujet : la régularité et surtout la qualité. On tombe malheureusement, dans certains cas, dans le favoritisme. Mais remarquons une chose : nos arbitres, contestés en Tunisie, s’illustrent bien à l’étranger parce qu’ils sont mis en confiance et sont respectés.

Que pensez-vous du VAR ?
C’est une technique qui peut aider l’arbitre et le soutenir. C’est pour moi un moyen d’équité et de justice pour tous les clubs. Cela diminue les erreurs arbitrales et permet de rendre plus justes les décisions arbitrales. Les gens ne sont pas encore habitués à cela, mais ça va devenir une tradition. C’est conforme à un football sain et où les clubs ne devraient pas être lésés. Il faut toute une équipe d’arbitres VAR et de logistique adéquate pour réussir cette expérience. Il n’y a pas que l’arbitre central qui peut se tromper, il y a aussi les arbitres assistants qui ont des rôles plus importants à jouer pour les actions de l’hors-jeu. Le VAR aide tout le monde.

Parlez-nous enfin de votre expérience à la moviola ?
C’est une expérience enrichissante. On juge des images claires et au ralenti, alors que l’arbitre n’a que quelques secondes pour décider. J’essaye d’expliquer, de montrer les erreurs en toute objectivité et chaque fois que la qualité des images le permet.
Rafik EL HERGUEM

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