Il a été, pendant cinq ans, un des principaux attaquants du Club Africain, celui qui alliait technique et puissance et dont la capacité d’adaptation aux différentes situations offensives apportait à l’équipe une valeur ajoutée indiscutable. Rachid Troudi — surnommé le Sivori tunisien — a laissé l’image de baroudeur et de chasseur de buts. Il a été, également, un très bon remiseur qui s’est bonifié avec l’expérience et qui a su se maintenir au sein du grand Club Africain, malgré la menace de Jédidi, Hassen Djelassi et le jeune Moncef Khouini. Mais cet attaquant avait un caractère très difficile ce qui lui valu beaucoup de turbulences dans sa vie et aussi dans sa carrière au CA et à l’Ittihad de Tripoli.
«J’ai profité des espaces qu’offre la nature de Sidi Mansour et El Morkadh pour jouer du football. Ma passion était de marquer des buts. Un jour, Azouz Denguir, ex-secrétaire général du CA, est venu assister à un match de football entre deux équipes de quartier. J’ai manifesté un talent évident et des qualités de buteur à l’âge de 12 ans, qui ont attiré les convoitises du CA.
Après le match, Denguir m’a amené directement au local du CA pour que je signe une licence. Mais il l’a trouvé fermé. Mais, après quelques jours, il est venu accompagné du prestigieux entraîneur Fabio Roccheggiani.
Ma mutation s’est effectuée sans difficulté. Ce furent mes débuts au CA et ce grâce à un entraîneur compétent et attachant», a souligné le Sivori tunisien, Rachid Troudi.
Ce dernier a brûlé les étapes et a réussi à s’illustrer en 1961 à l’occasion de la finale de la coupe juniors en marquant un but face à l’USM. Il récidive en 1962, lors de la finale face au CSHL, en marquant un doublé. La saison 1962-63 constitue alors une étape cruciale pour ce buteur, ambitieux mais au caractère ô combien difficile.
«Les deux coupes remportées avec les juniors m’ont rapproché des joueurs vedettes tels que Kebaïli, Jelassi, Ayachi, etc. Pour moi, seul le travail et le sérieux peuvent m’aider à intégrer l’équipe seniors. Mon premier match face à l’UST : j’ai marqué deux buts. C’était une confirmation de mes dons de buteur à l’âge de 18 ans. Ce jour-là, le mérite revient à Fabio qui a insisté pour que je joue malgré les réticences de Kebaïli.
Ce fut un pari gagné pour cet entraîneur considéré comme un père pour moi», a encore ajouté Rachid Troudi. Son ascension se poursuit avec une belle régularité sans autoriser pour autant de grandes ambitions.
L’ascension de Attouga, Chaïbi, Chaawa et Jédidi et une meilleure assurance ont permis au CA de remporter son premier titre national et à Troudi de s’affirmer comme un attaquant de grande dimension. Mais encore une fois le mauvais caractère et quelques écarts indisciplinaires ont joué un mauvais tour à Troudi. Et il a fallu toujours l’intervention de Fabio pour arranger les choses.
«Je suis devenu très célèbre en marquant un but d’anthologie face à l’EST. Il a fallu un débordement de Chaïbi, qui centre parfaitement et moi, d’une volée, j’ai battu le gardien Gabsi. Ce but a été pour moi le grand départ de ma carrière footballistique au CA. Je me sentais dépositaire de l’esprit Fabio. En 1965, ce fut une grande réussite pour moi, en remportant un doublé fort mérité. Ce bilan dépasse mes ambitions. Mais j’étais très touché par le décès de Fabio. Cet épisode m’a incité à quitter le CA après avoir eu un accrochage avec Nagy. Malgré mes problèmes avec Nagy, je le considère comme un très grand entraîneur qui a tant donné au Club Africain», a encore souligné Rachid Troudi.
L’épisode libyen
Après six ans passés au CA, Rachid Troudi vient d’être transféré au prestigieux club d’Ittihad de Tripoli. «Ce fut une bonne occasion pour moi de changer d’air et de confirmer mes qualités dans ce club composé de neuf internationaux. Mais en arrivant à Tripoli, ce fut l’enfer. Je ne joue pas, je n’ai pas touché mon argent, l’indifférence des dirigeants libyens m’a fait beaucoup de mal. Pendant cinq mois, j’ai connu la misère et la pauvreté (en racontant cet épisode, Troudi a eu les larmes aux yeux). Heureusement, il y a eu le match amical entre Ittihad et Ezzamalek. C’était la fête. Je n’étais pas convoqué. Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres. En effet, au cours de l’échauffement des joueurs, l’attaquant libyen s’est blessé. L’entraîneur était contraint de m’appeler dans les gradins pour que je le remplace face à Ezzamalek. Ce jour-là, Dieu était avec moi et j’ai réussi à marquer deux buts à mon grand bonheur. Après le match, j’ai voulu rentrer à Tunis, mais les dirigeants libyens sont venus pour me donner tout mon argent et une place de titulaire avec Ittihad Tripoli. J’étais le premier joueur tunisien à évoluer à Tripoli. Après quelques mois, mon coéquipier Chaawa m’a rejoint», a encore affirmé Rachid Troudi.
Après une expérience mi-figue, mi-raisin avec le club libyen d’Ittihad de Tripoli, Troudi est rentré à Tunis pour faire la Dolce Vita. Mais après quelques mois, l’EST lui a fait une proposition de signer une licence, mais il a refusé par respect pour ses supporters clubistes. Il a décidé donc de rejoindre le CA pour entraîner les jeunes.
«Certes, j’ai failli signer avec l’EST et Ali Wrak est venu me proposer un appartement pour rejoindre les «Sang et Or». Mais j’ai refusé cette offre par respect des supporters clubistes. Mais je n’ai pas refusé l’offre du CA qui m’a recruté comme entraîneur des jeunes. Après avoir effectué un stage avec la FTF. J’ai appris les abc du football avec de grands joueurs tels que Adel Sellimi, Faouzi Rouissi et Lassaâd Lahnini. Après cette expérience, je suis devenu dirigeant au CA pendant la période de Slim Riahi. Ce fut une période noire. Les idées de Riahi n’étaient pas conformes à la philosophie du Club Africain. Il a opéré de mauvais recrutements et sans ligne directrice. L’heure est maintenant à l’union sacrée pour sauver le Club Africain», a dit Rachid Troudi.
«On m’appelait Sivori parce que je suis un peu trapu comme lui et aussi parce que je portais des chaussures basses», a conclu Troudi.
K. BRADAI