Accueil A la une Kébili, capitale des dattes : Une région marginalisée

Kébili, capitale des dattes : Une région marginalisée

L’ensemble de projets qui ont été décidés pour la région, lors du Conseil ministériel restreint en juin 2015, n’ont toujours pas été mis en œuvre
Le gouvernorat de Kébili, situé au sud-ouest de la Tunisie, au cœur d’une oasis, assure la production de 70% de la récolte nationale de dattes et dispose de grandes potentialités dans le domaine agricole et touristique. Pourtant, il vient d’être classé dernier sur 24 gouvernorats, dans l’indice d’attractivité régionale 2018, publié par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (Iace), avec un score ne dépassant pas les 1,70/10.
Capitale des dattes par excellence, Kébili compte parmi les régions les plus riches à l’échelle nationale en produits agricoles, notamment les produits des oasis, puisqu’elle dispose de plus de 37 mille ha d’oasis, de 51 mille ha de terres cultivables, de 15 mille ha de zones irriguées, de 2300 ha de forêts et de 330 mille ha de parcours.
Le gouvernorat recèle d’importants cheptels (ovins, caprins, camélidés…), favorisant une production annuelle moyenne de 975 tonnes de viande, de 8 750 tonnes de lait et 160 tonnes de laine. Il assure, aussi, une production annuelle moyenne de 60 mille tonnes de fruits, 20 mille tonnes de cultures maraîchères et 2200 tonnes de primeurs.

Le problème crucial de Kébili réside dans sa non connectivité
Majdi Hassen, directeur exécutif de l’Iace, a déclaré à l’agence TAP qu’ «une région aussi riche avec des spécificités se rapportant aux produits des palmiers peut réussir facilement son développement, mais à condition de faire sa promotion et de commercialiser ses produits de base à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ceci ne peut se réaliser qu’en mettant en place une infrastructure adéquate et en mobilisant les nouvelles technologies».
Le responsable a estimé que le problème crucial pour ce gouvernorat réside dans sa non connectivité. D’après lui, Kébili souffre d’une faible connectivité en matière d’infrastructure routière, numérique, et aussi en matière d’adduction de l’eau et d’approvisionnement en électricité.
Or, tout investisseur voulant s’implanter dans une région exige qu’elle soit accessible à travers une infrastructure routière adéquate, la reliant aux ports nationaux et aux principaux gouvernorats de consommation, afin qu’il puisse commercialiser ses produits que ce soit dans le marché intérieur ou à l’étranger.  Dans le cas de Kébili, le gouvernorat ne dispose ni d’un réseau de chemin de fer, ni d’une route rapide à deux voies, pouvant faciliter le déplacement des personnes et le transfert des marchandises, ce qui décourage les investisseurs à y lancer des projets. Il faut désenclaver la région et la relier au système économique du pays, en accélérant la réalisation de projets d’infrastructure», a souligné le directeur exécutif de l’Iace, expliquant, par ailleurs, que le développement de tous les secteurs est, aujourd’hui, fortement lié aux nouvelles technologies, y compris l’agriculture.
Pourtant, «le développement des nouvelles technologies et du secteur de services permettrait d’absorber une proportion importante de chômeurs, notamment parmi les diplômés de l’enseignement supérieur», renchérit le responsable.

Faible présence de la société civile et un taux de chômage de 24,7%, contre 15,4% au plan national 
Sur un autre registre, il a pointé du doigt la faible présence de la société civile et la participation réduite des femmes et des jeunes, dans la prise de décision et la conception de programmes de développement.
«Kébili est une région marginalisée qui reste toujours silencieuse. Ses habitants ne revendiquent rien, ils se contentent de ce qui est disponible et n’essayent pas d’améliorer la situation», a fait remarquer Majdi Hassen.
De son côté, le directeur régional du développement de Kébili, Ali El Bay, a affirmé que la région se trouve privée d’appui financier et de projets nationaux qui seraient en mesure de réduire le chômage. Selon la direction régionale du développement, la valeur des investissements privés réalisés dans le gouvernorat, durant les trois dernières années (2016 – 2018), n’a pas dépassé les 71 millions de dinars, générant, en tout, 2597 emplois. Ces investissements sont en-deçà des potentialités de la région. Kébili n’a enregistré, durant cette période, aucun investissement direct étranger.
«Même les projets qui ont été décidés, lors d’un conseil ministériel restreint (en juin 2015), n’ont pas été mis en place, jusqu’à ce jour, dont le raccordement du gouvernorat au réseau du gaz naturel», a indiqué El Bay. Et de préciser qu’il s’agit, notamment, de la création d’un marché de gros dédié aux dattes et de la mise en place d’un Office national des dattes, pour gérer cette filière d’activité, qui a généré des recettes d’exportation d’une valeur de 140 millions de dinars en 2018, ainsi que d’encourager la création d’un tissu industriel notamment dans le domaine agroalimentaire (transformation des dattes en confiture, sirop…) et de conditionnement des dattes.
Il est à noter que 95% des dattes de Kébili sont conditionnées dans le gouvernorat de Nabeul. Or, il est recommandé que ce genre de projets soit implanté dans les régions productives, afin de minimiser les coûts de transport et de créer de nouveaux emplois au profit des jeunes chômeurs.
Il est question, aussi, selon le directeur régional, de régulariser la situation juridique des oasis privées (27 mille ha), précisant que contrairement aux oasis relevant du domaine public, «celles privées ne bénéficient pas de primes et d’avantages dédiés aux investissements agricoles, ce qui impacte la production et l’importation des dattes et des produits des palmiers».
Décidé au cours de CM de 2015, le projet de mise en place d’une autoroute Kébili -Gabès n’a pas encore, vu le jour. El Bay a rappelé que sa région « est l’unique qui n’est pas raccordée par une autoroute facilitant le déplacement des hommes d’affaires et le trafic de marchandises avec le reste du pays».
Pis encore, «alors que nous hébergeons trois compagnies pétrolières, la région ne bénéficie d’aucun apport de la part de ces dernières, ni en matière de création d’emplois, ni en matière de développement régional»
Pour ce qui est du tourisme, il a fait savoir que la région a de multiples attraits, dont la dense végétation de la palmeraie et d’impressionnantes dunes, faisant d’elle un berceau du tourisme saharien. Elle connaît un développement continu d’une année à l’autre de l’activité touristique, drainant des milliers de visiteurs attirés par les charmes du désert et la beauté des oasis.
«Les entrées touristiques ont augmenté de 38%, en 2018, par rapport à 2017. Il s’agit de touristes étrangers mais aussi de Tunisiens qui affluent, essentiellement, durant la période s’étalant du mois de septembre, au mois de mars».

Un passage frontalier à Kébili pour booster la commerce avec l’Algérie 
El Bay a fait savoir, aussi, qu’un projet de réalisation d’une zone industrielle aménagée, qui pourrait accueillir les nouveaux projets et les jeunes promoteurs, reste bloqué, ainsi qu’un projet de mise en place d’un passage frontalier pour faciliter les transactions commerciales entre Kébili et l’Algérie, alors que de tels projets permettraient d’impulser le développement dans la région.
Dans ce même contexte, Ali Boubaker, représentant du bureau régional de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), à Kébili, a estimé que le passage frontalier, une fois mis en place, dynamiserait les transactions commerciales dans la région, et servirait, surtout, de passerelle entre l’Afrique et les ports tunisiens, notamment ceux de Zarzis et Gabès.
Rappelons que Kébili est le deuxième plus grand gouvernorat du pays, après Tataouine, Kébili (près de 22500 mille km2, soit 14% de la superficie du pays), le syndicaliste a fait savoir que la région regorge de richesses naturelles, notamment de substances utiles susceptibles d’être industrialisées (argile, pierre, gypse…), ainsi que de sels naturels très variés.
«Avec 288 jours d’ensoleillement par an, la région peut accueillir aussi des projets de production d’énergie solaire».
TAP

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