Jamais la Tunisie n’a été si pauvre et si riche à la fois, par les temps qui courent. Le luxe côtoie le dénuement et la misère, avec une telle indifférence! que l’on en est arrivé à faire l’aumône ou à demander la charité pour «servir Dieu et corriger les travers de l’homme». Mais de quels travers parlons-nous, puisque le citoyen n’arrive même plus à gagner sa vie dignement, c’est-à-dire à la sueur de son front.
Pour illustrer cette situation de dépendance et ses retombées néfastes à tous les points de vue, nous avons été en chercher les origines et les explications chez Marcel Mauss, célèbre sociologue et anthropologue qu’admirait aussi Claude Levi-Strauss(*). Cet épigraphe scandinave tiré de l’«Essai sur le Don-Forme et raisons de l’échange dans les sociétés archaïques»(*). Le suivant à travers quelques strophes.
«Je n’ai jamais trouvé d’homme si généreux
et si large à nourrir ses hôtes
«que recevoir ne fût pas reçu»,
ni d’homme si pourvu
de son bien
que recevoir en retour
lui fut désagréable
Avec des armes et des vêtements
les amis doivent se faire plaisir
Chacun le sait de par lui-même
(par ses propres expériences)
Ceux qui se rendent mutuellement
les cadeaux sont le plus longtemps amis,
si les choses réussissent
à prendre bonne tournure.
On doit être un ami
pour son ami
et rendre cadeaux pour cadeaux
On doit avoir
rire pour rire
et dol (monnaie) pour mensonge
Tu le sais, si tu as un ami
en qui tu as confiance
et si tu veux obtenir un bon résultat,
il faut mêler ton âme à la sienne
et échanger les cadeaux
et lui rendre souvent visite.
Mais si tu en as un autre
de qui tu te défies
et si tu veux arriver à un bon résultat,
il faut lui dire de belles paroles
mais avoir des pensées fausses
et rendre dol pour mensonge.
Il en est ainsi de celui
en qui tu n’as pas confiance
et dont tu suspectes les sentiments
il faut lui sourire
mais parler à contrecœur :
les cadeaux doivent être semblables
aux cadeaux reçus
Les hommes généreux et valeureux
ont la meilleure vie ;
ils n’ont point de crainte.
Mais un poltron a peur de tout
l’avare a toujours peur des cadeaux
Il vaut mieux ne pas prier (demander)
que de sacrifier trop (aux dieux) :
Un cadeau donné
attend toujours un cadeau en retour.
Il vaut mieux ne pas apporter d’offrande
que d’en dépenser trop».
Bon dimanche, chers lecteurs…