Quelques jours nous séparent du mois de Ramadan (qui devrait tomber le 6 mai). Mais, déjà, le débat sur les prix, la spéculation, le contrôle économique, le comportement du consommateur, etc. battent leur plein. C’est la même ritournelle, chaque année, sans que l’on puisse parvenir à maîtriser les rouages du mécanisme qui sous-tend les pratiques commerciales au cours, précisément, de ce mois.
Les autorités, tout comme le simple citoyen, sont confrontées, régulièrement, à des changements radicaux au niveau de leurs rapports avec le marché et les produits commercialisés. Cette fois, les services de contrôle, justement, ont inauguré une campagne tous azimuts pour maîtriser les circuits de distribution pour tenter de mettre fin à la spéculation. Des interceptions de marchandises circulant en dehors des réglementations sont effectuées sur les grands axes. Des entrepôts sont, également, inspectés et des quantités de marchandises illicites sont saisies.
Pourtant, l’efficacité est loin d’être atteinte. Des îlots restent, néanmoins, intouchables. Même dans les circuits réglementaires (comme les marchés de gros), les prix restent, toujours, élevés. C’est ce que nous indiquent les dernières mercuriales du marché de gros de Bir El Kassaâ, par exemple. Dans le tableau de référence qui comprend une douzaine de produits entre légumes, fruits et poissons (pomme de terre, tomate, piment, oignon, pomme, fraise, orange, citron, datte, sardine, saurel et rouget blanc), trois articles, seulement, ont connu des baisses sur les prix. Il s’agit des pommes, des oranges et du citron. Tout le reste est en hausse.
Sans les dattes !
Ces hausses vont de 67 % pour les dattes à 5 % pour les piments en passant par 51 % pour les tomates et 30 % pour les sardines. Pour les dattes, à titre d’exemple, cette envolée des prix s’explique par le fait que, pendant le mois de Ramadan, certains Tunisiens rompent le jeûne en dégustant quelques dattes avec du lait ou sans. C’est une habitude à laquelle on ne veut pas déroger bien qu’on n’y voie pas l’intérêt. C’est peut-être une bonne entame du repas mais, au prix auquel elle nous revient, il n’y a pas de quoi en être fier. Avec une moyenne des prix entre 8 et 9 dinars le kg de dattes, on ne peut pas dire que c’est à la portée. Ce fruit était, jadis, un produit du pauvre. Tout le monde pouvait en consommer sans avoir à craindre pour sa bourse. Avec le temps, c’est devenu un objet de spéculation, par excellence, notamment, au cours de ce mois. Pourtant, personne n’est obligé d’en prendre à l’heure de la rupture du jeûne. Et, le bon sens nous dit qu’il n’est pas anormal de s’en priver et de le remplacer par autre chose. Car, tant que les dattes servent à enrichir, illégalement, des commerçants véreux, la question de son boycott s’impose. N’est-il pas logique de ne plus en acheter tant que les prix ne sont pas raisonnables ? Rien ne montre que ceux qui vendent les dattes craignent une opposition forte de la part des consommateurs. Ces derniers sont, jusqu’à présent, divisés et ne sont pas assez encadrés pour entreprendre des actions de boycott de tel ou tel produit. Mais, pour commencer, il faudrait que chacun agisse à son propre niveau et refuse d’acheter les deglats aux prix où elles sont proposées. Les prix affichés ne reflètent, aucunement, la réalité. Au départ, les dattes sont cédées, par les agriculteurs, au prix le plus bas. A la suite de manipulations spéculatives, elles atteignent les niveaux que nous constatons sur les étals des marchands. C’est pourquoi il faut oser un Ramadan sans dattes. D’autres qualités sont, également, mises en vente pour les petites bourses qui veulent suivre le rythme. Mais la qualité est loin d’être au rendez-vous. Dans les régions où elles sont cultivées, ces produits de qualité basse étaient donnés aux bêtes ! Les agriculteurs les offraient aux ânes, aux dromadaires et aux chèvres ! Mais, comme, il y a une demande, pourquoi ne pas en profiter ?
Il y a plus d’un tour dans le sac des spéculateurs
Ramadan, faut-il le répéter, est, donc, devenu un moyen de s’enrichir, rapidement, aux dépens d’un consommateur aux abois. Profitant de toutes les occasions, les commerçants malhonnêtes et les intermédiaires sans scrupules se livrent à leurs jeux préférés en manipulant à leur profit les prix.
Les services de contrôle ont beau déployer leurs batteries de mesures anti-spéculation, rien n’y fait : les répercussions majeures sur la régulation des prix ne se font pas sentir dans l’immédiat. En effet, le secteur en question est bien rodé et ces gens qui agissent dans l’illégalité sont bien implantés et disposent de moyens qui leur permettent de se soustraire à tous les contrôles et à toutes les tentatives de les mettre au pas.
Aussi, le moyen le plus efficace pour faire pression sur ces lobbies, c’est le boycott. Les consommateurs doivent s’habituer à le pratiquer chaque fois que cela est nécessaire. Il ne faut plus attendre que les autorités ou une quelconque autre organisation interviennent pour les défendre. Seul le consommateur est capable de préserver ses intérêts en se prenant en charge. C’est à force de persévérance que l’on parviendra à se faire entendre. Tout devrait être boycotté dès lors qu’il porte atteinte au pouvoir d’achat du citoyen et lui cause des préjudices économiques (viandes, fruits, légumes, poissons et tout autre produit susceptible d’être utilisé par les spéculateurs, particulièrement, à l’occasion des fêtes et des rendez-vous religieux).
Actuellement, tout contribue à disperser les efforts des Tunisiens et les laisse incapables de se mobiliser efficacement contre les différents profiteurs.