Comment ré-esquisser sur grand écran «le Caire, la nuit» ? Le scénario en soi manque d’originalité, pour avoir été traité maintes fois dans de nombreux films, de différentes nationalités, le dernier long métrage en date d’Ahmed Abdallah, néanmoins, peut être considéré comme une comédie dramatique à l’humour intelligent.
Cette fiction, coproduite par l’Egypte et les Emirats Arabes Unis est une déambulation nocturne à bord d’un taxi dans un Caire la nuit, éveillé, qui ne dort jamais, mais qui demeure sombre et hostile. L’échappée commence quand un jeune réalisateur «Moe», issu d’une classe bourgeoise monte à bord d’un taxi et fait la connaissance du chauffeur «Mustapha», un homme d’un certain âge, charismatique, mais traditionnaliste aux idées carrées, et de «Toutou» une prostituée cairote dissimulée en apparence sous une chape de valeurs, d’habits discrets qui lui permettent de subvenir à ses besoins en toute discrétion, loin du regard inquisiteur d’un peuple ultraconservateur (du moins en apparence, le jour).
Contrairement à son apparence de sainte-nitouche et de son charme juvénile, la personnalité volcanique de cette jeune femme finira par égayer le parcours de cette nouvelle bande, liée par des inimitiés et qui aura le vertige à force de se prendre la tête et d’être confrontée aux aléas d’ «un Caire», autre, différent, peu connu du grand public… A moins d’y habiter et de le fréquenter de nuit. Lutte de classes, pauvreté, sexisme, patriarcat, violence… le tout est présenté sous une note d’humour léger, parfois noir, qui ne cesse de mettre en valeur le désarroi de Mou, totalement ébranlé par la complexité d’une existence qui, jusque-là, lui échappait totalement.
Le cinéma égyptien regorge de films qui dressent divers tableaux de la société égyptienne : du noir au tragique, en passant par la comédie et le burlesque, les cinéphiles ont toujours eu l’embarras du choix. Leurs feuilletons ramadanesques n’échappent d’ailleurs pas à la règle. «Exterior/Night», malgré un démarrage qui a tardé à se faire, un rapport entre les personnages pas facilement discernable au début, et une mise en abyme, celle d’un film qui nous donne un aperçu direct du tournage d’un autre film. Une fois la déroute des débuts passée, les acteurs Karim Kassem dans le rôle de Moe, Mona Hala (Toutou, la fille de joie) et Sherif El Deskoury dans le rôle de Mustapha, le taxiste, feront leurs preuves en interprétant des personnages attachants, qui vont devoir survivre à des mésaventures rocambolesques, qui questionnent le Caire d’aujourd’hui, loin des clichés et des prises de position politique. Ahmed Abdallah, son réalisateur, a remporté, lors des Journées cinématographiques de Carthage de 2010, le Tanit d’or pour son long métrage audacieux «Microphone». Le film a été distribué par Hakka Production est présenté à «Gabès Cinéma Fen» en mars 2019 en présence de son actrice principale Mona Hala.