Accueil Culture Cannes 2019 Alain Delon honoré : «Quand les femmes s’en mêlent»

Cannes 2019 Alain Delon honoré : «Quand les femmes s’en mêlent»

De notre envoyée spéciale à Cannes Samira DAMI
Alain Delon a reçu, dimanche, à Cannes, une Palme d’Or d’honneur, malgré
la polémique suscitée par des associations féministes autour de cette récompense. L’icône du cinéma français en a même profité pour donner, au passage, une leçon
de cinéma très suivie où il est revenu sur sa carrière.

Très ému et en larmes, Alain Delon, l’acteur mythique du film culte Le Guépard,  a reçu, dimanche, sous les applaudissements nourris du public de la salle Louis Lumière, une Palme d’or d’honneur, des mains de sa propre fille Anouchka. Et ce, malgré les protestations d’associations féministes qui lui reprochent d’être «raciste, homophobe et misogyne», selon «Women and Hollywood», une association américaine qui s’est basée sur d’anciens propos de l’acteur et qui a même lancé une pétition ayant, déjà, recueilli plus de 25.000 signatures. «Déclarations, manipulées et détournées», a répliqué Alain Delon.
Bref, au cours de la cérémonie, oubliant tout ça, il n’a pas caché son bonheur : “Je suis content, heureux et satisfait, je suis heureux de cette palme d’or. Il y a une chose au monde, la seule, dont je suis sûr et dont je suis fier, c’est ma carrière », a-t-il déclaré visiblement réjoui, finalement, de la reconnaissance que lui voue, enfin, le festival avec lequel ses rapports n’ont pas été des plus calmes ni des plus tendres, d’autant qu’il a été sept fois en compétition sans jamais obtenir de récompense.
Très touché, il a, également, confié «ce qui est très difficile, c’est de durer. J’ai duré et j’ai duré 62 ans. Maintenant ce qui est difficile, c’est de partir parce que je vais partir. Ce soir c’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant, ce n’est pas une fin de carrière mais une fin de vie»
Et de terminer, encore plus ému, «Si je suis une star, c’est au public que je le dois et à personne d’autre. Ce n’est pas les films qui font les stars, ce n’est pas le metteur en scène…Ce n’est que le public. Je vous remercie de tout mon cœur».  La cérémonie a été suivie par la projection de «M. Klein» de Joseph Losey qu’il a interprété et produit en 1976.

«Sois toi-même»
Lors de la leçon de cinéma qu’il a donnée auparavant, à la salle Louis Buñuel, qui a affiché complet, ses fans ayant accouru pour célébrer leur idole et en savoir plus sur son long parcours riche de 90 films dont certains cultes comme «Plein soleil» de René Clément, «Rocco et ses frères» et «Le Guépard» de Luchino Visconti, «L’éclipse» de Michelangelo Antonioni, «Le Samouraï» de Jean Pierre Melville, «La Piscine» de Jacques Deray et tant d’autres. Il a précisé, justement, à propos de l’influence des femmes sur le cheminement de sa carrière : «Ce sont les femmes qui ont tenu à ce que j’embrasse une carrière d’acteur, elles sont derrière mon succès, sans elles, je serai mort».
L’interprète, dont les films ont été vus par 147 millions de spectateurs, a évoqué ses débuts, sa rencontre avec de grands cinéastes qui ont assuré le lancement et le succès de sa carrière. Emaillée d’anecdotes et d’empathie, cette séance de « Master-class » a séduit l’assistance très enthousiaste et réactive.
Tout a commencé par un refus : «Je ne voulais pas faire de cinéma, ce sont les femmes que j’ai connues qui se sont battues pour que je devienne acteur, car il paraît que je n’étais pas mal foutu (rires du public) et c’est le film «Quand la femme s’en mêle» d’Yves Allégret qui a mis ma carrière sur les rails. Au début, je refusais catégoriquement d’y jouer car je n’y connaissais rien».
Puis, la leçon est venue de la part d’Allégret en personne : «Sois toi-même, ne joue pas, parles comme tu parles dans la vie, écoutes et regardes comme tu le fais d’habitude, depuis je vis mes rôles, je suis un accident comme Gabin et d’autres, je n’ai pas fait le conservatoire ni de théâtre auparavant, j’ai suivi la leçon d’Allégret et c’est tout. Après ça, je me suis tout de suite senti dans mon élément, en 1957, j’étais rien ; un an après on m’a choisi pour jouer dans « Christine » de Pierre Gaspard-Huit, avec Romy Schneider, et en 1959 dans « Plein Soleil » de René Clément, je suis devenu connu dans le monde entier, je crois même que j’avais un certain don »
Le succès du film a poussé Visconti à faire appel à lui pour jouer dans « Rocco et ses frères» et puis tout s’est emballé avec des films mémorables comme « Mélodie en sous-sol » d’Henri Verneuil, « Deux hommes dans la ville » de José Giovanni, « Un amour de Swan » de Volker Schlöndorff, «L’insoumis» d’Alain Cavalier, le premier film produit par l’acteur qui a voulu prendre sa carrière en main et, depuis, il a produit 25 films.
Parlant de la Nouvelle Vague il a, l’air ironique, lancé : « J’étais l’acteur de Visconti, Melleville, Clément, donc pour eux j’étais banni, le seul avec qui j’ai joué beaucoup plus tard est Godard dans le film intitulé lui-même « Nouvelle Vague ».
Ayant travaillé avec les plus grands réalisateurs, il explique la leçon de cinéma qu’il a retenue à leurs côtés : «J’ai été un premier violon, mais j’ai eu des chefs d’orchestre exceptionnels comme Visconti, Allégret, Melville, Clément et autres qui m’ont aidé grâce à leur force, leur talent et si j’ai accepté cette Palme d’Or c’est en leur mémoire que je vais la recevoir».
Des sentiments et de l’émotion il y en a eu aussi, puisque la leçon de cinéma était accompagnée d’extraits des films phare de l’acteur qui, en visionnant un extrait de « Rocco et ses frères », n’a pas pu s’empêcher d’écraser une larme, tout en s’essuyant les yeux il a confié que c’est le bon souvenir de l’actrice Annie Girardot qui l’a fortement ému. Et d’afficher également son émotion quand il a évoqué comment il a imposé Romy Schneider dans le film «La piscine» alors que les producteurs, les frères Hakim et le réalisateur pensaient que l’actrice était finie. Et d’avouer que ce film, qui a été un triomphe, a permis de relancer la carrière de la grande et sublime actrice franco-allemande, mais «actuellement, a-t-il poursuivi, je ne peux nullement le regarder», laissant entendre que la souffrance serait insupportable pour lui. Voilà une carrière bien remplie même si l’acteur a, en milieu de parcours, cédé au cinéma commercial.
S.D.

Charger plus d'articles
Charger plus par La Presse
Charger plus dans Culture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *