Les Tunisiens utilisent trois langues : l’arabe dialectal, l’arabe littéraire et le français. Depuis au moins une décennie, notamment avec la multiplication des radios et des chaînes de télévision privées, on mélange les trois langues. Une phrase peut être composée des trois langues. Certains, les enseignants de langues particulièrement et d’éducation religieuse voient d’un mauvais œil cette fusion et tiennent à ce que la séparation soit nette entre les trois langues, tandis que d’autres ne voient aucun inconvénient à ce qu’on pratique toutes les langues, l’essentiel étant de s’exprimer.
La Constitution tunisienne de 2014 indique dans son article premier que la langue de l’Etat est l’arabe sans préciser de quel arabe il s’agit. On comprend qu’il soit question de l’arabe littéraire pratiqué dans les administrations et les établissements publics, mais n’oblige aucunement les citoyens à s’exprimer dans cette langue. Libre à eux de parler la langue qui leur plaît à condition qu’elle soit comprise par leur entourage. Une guerre est déclarée entre les défenseurs de l’arabe littéraire et ceux qui sont pour le panachage des langues.
Depuis l’indépendance de la Tunisie et jusqu’à la création en 2003 de la première radio privée Mosaïque FM, la langue utilisée dans les médias était l’arabe littéraire. D’ailleurs, jusqu’à présent, les journaux télévisés sont rédigés et lus en arabe littéraire. Il était pratiquement interdit à un homme politique , un artiste ou un sportif de communiquer en arabe dialectal dans un débat. Les intervenants sur les ondes des radios ou à la télévision avaient du mal à traduire leurs idées en arabe littéraire. On les voyait souvent bégayer, chercher le terme adéquat dans un arabe châtié. Il leur était interdit d’utiliser une langue autre que l’arabe littéraire.
Pour ce qui est des fictions : feuilletons et séries, les dialoguistes ont dû inventer une troisième langue qui consiste en un mélange entre le littéraire et le dialectal. Ce qui faisait rire les téléspectateurs. A titre d’exemple, on utilisait le terme « Madersa » au lieu de «makteb» (école) et «moustachfa» pour «sbitar» (hôpital)… Le mélange entre les langues était banni. Il fallait absolument trouver des équivalents à des mots parfois intraduisibles.
Avec l’arrivée de Mosaïque FM et d’autres radios, le champ lexical restrictif s’est largement ouvert et la langue maternelle, le dialectal ainsi que celle du colonisateur, le français, ont repris leurs droits. De nos jours, tous les Tunisiens y compris les politiciens communiquent au moyen de toutes les langues sans restriction aucune. Les mutations sociales et intellectuelles ont participé à l’évolution de la langue. Les défenseurs de l’arabe littéraire sont choqués d’entendre une personne construire une phrase en utilisant à la fois le français, le dialectal et le littéraire. Dans les copies d’examen des lycéens et des étudiants, l’arabe utilisé n’est pas conforme à l’arabe littéraire étudié.
Le fait de parler le dialectal à la maison ou dans la rue et l’arabe littéraire à l’école crée une confusion chez les enfants et les jeunes en général. La langue arabe littéraire, celle du livre Saint, le Coran, n’a pas connu d’évolution, ce qui a conduit à sa marginalisation par la société. Ce phénomène n’est pas uniquement tunisien. Tous les autres pays arabes sont dans le même cas. Pour qu’une langue reste vivante, elle doit s’adapter à l’époque. A quoi sert d’apprendre l’arabe littéraire si on ne s’en sert pas?.
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Raach fatma
31 mai 2019 à 16:07
Mais c’est le comble de la trahison à sa propre culture! Madame si la langue arabe vous gêne autant ne pas l’utiliser et ça restera votre choix personnel mais n’essayez pas d’influencer la foule. La langue arabe est notre langue officielle, notre dialectal n’est qu’une adaptation de la langue arabe pour s’adapter au quotidien. Une aussi belle langue ne mérite pas autant de haine!
Hatem
1 juin 2019 à 14:46
En Tunisie, « pudeur » l’oblige, mieux vaut l’hypocrisie que le pragmatisme.
Ainsi fut traitée la langue Arabe depuis son arrivée dans notre pays. Il ne faut cependant pas oublier que cette langue n’a guère était la langue du peuple : elle était réservée à l’élite politico-religieuse jusqu’à la période coloniale. La masse, analphabète et très peu instruite à cette époque, ne s’exprimaient pas dans cette langue qui leur reste entièrement étrangère, malgré l’assimilation forcée ou choisie des autochtones.
Ensuite, le colonisateur s’est installé et a fait beaucoup d’efforts pour faire de sa langue une lingua franca. Cependant, l’Arabe dialectal ne s’est pas vu supplanté par le Français. Après l’indépendance, nationalisme l’oblige, le pays s’est forcé de faire une quête d’identité et a jugé bon de promouvoir l’Arabe littéraire en tant que seule langue officielle du pays. Chose très étonnante, car dans la vie de tous les jours, NUL ne parle l’Arabe littéraire. Il serait risible et complètement ridicule de faire ses courses en conversant en Arabe littéraire avec les commerçants. Je défie les arabophiles les plus acharnés de faire cet exercice et ils verront d’eux-mêmes le fossé gigantesque qui s’est creusé entre l’Arabe littéraire et ses supposés locuteurs.
La réalité et le terrain font qu’aujourd’hui, les Tunisiens manient, tant bien que mal, deux langues, l’Arabe et le Français, à 20% ou presque et le dialecte Tunisien à une proportion beaucoup plus importante. Le malheur est que ce dialecte, bien que largement majoritaire dans son emploi, ne soit par reconnu en tant que langue : pas d’alphabet, pas de règles grammaticales ni syntaxiques de spécifiées. Est-ce la cause d’un nationalisme exacerbé ? Je ne le pense pas, car Mustafa Kamel Ataturk, nationaliste et patriote Turc incontesté, a remplacé l’alphabet Arabe dans la langue Turc par un alphabet dérivé du Latin. Il n’a pas été taxé de traitre. Voici un extrait de son discours pour défendre sa réforme « Il faut donner au peuple turc une clef pour la lecture et l’écriture et s’écarter de la voie aride qui rendait jusqu’ici ses efforts stériles » (Source wikipédia).
Le constat de Ataturk n’a jamais été aussi vrai dans la société Tunisienne ; le débat sociétal est profondément freiné par une aridité linguistique.
Nous devons nous rapprocher de l’expérience Maltaise, où le Maltais est un panache d’Arabe, Italien et Anglais, merveilleusement transcris dans un alphabet dérivé du Latin. C’est vers là où l’histoire et la géographie nous emmèneront, malgré les forces réactionnaires.