Par Khaled TEBOURBI
Des «indiscrétions» et des «fuites», à la mi-juin, à propos de «Carthage» et des festivals d’été : rien de spécial, c’est coutume, désormais. Dans le giron des organisateurs, on sussure même que c’est fait à dessein. A deux, trois petites semaines du coup d’envoi, on teste comme des «ballons d’essai», on glisse des infos sur les programmes, et à la réaction des publics et des médias, on procédera (autant que cela reste possible) aux toutes «dernières retouches».
La «Com» fonctionne ainsi. Sa seule et unique cible, c’est le marché. Ce ne sont plus les élites et la critique, ce sont les recettes, ce sont les fréquences aux guichets.
Il y a quelques années, les directeurs de festivals craignaient d’afficher leur option mercantile. Ils l’appliquaient volontiers, mais ils l’enrobaient de formules «intellectuelles», de «considérations de bonne gestion et de bon goût». Là, aujourd’hui, ils n’ont plus rien à cacher. Leurs intentions commerciales deviennent des stratégies entières, assumées, déclarées, ouvertement exécutées.
On en découvre même qui en sont franchement fiers. Chose étonnante, jusque parmi des responsables publics auxquels, par vocation et par principe, rien n’oblige à chercher profit.
Nos grands festivals d’été en sont là. On en est, tous là, en vérité. A ne plus concevoir de réussite artistique ou culturelle que par référence première à l’argent.
Le pire pour les festivals, aujourd’hui, c’est cette confusion automatique, systématique, qui s’opère, à même les projets, à même les dirigeances, à même les esprits, entre formes et contenus, entre gain matériel et création, entre valeur d’art et audience chiffrée. Entre virtuel et réel. Entre quantité et qualité.
Un exemple : ce qui s’ébruite déjà de «Carthage 2019». On y annonce les stars libanaises, syriennes et égyptiennes «de service». Les mêmes ou presque, à répétition. Ragheb Alama, Marouène Khouri, Faya Younane, Wassif Zitoun, Chirine Abdelwahab, et d’autres du même calibre «fiduciaire». On songerait jusqu’à récupérer Georges Wassouf en «l’état», c’est-à-dire, sans sa force, sans sa voix mais idole des foules, encore et encore, plus que jamais.
Penser à faire venir Georges Wassouf, «en l’état», sans sa force, sans sa voix, en légitimer l’idée est typique d’une politique festivalière, plus particulièrement musicale, plus généralement culturelle, qui ne se soucie ni de festivals, encore moins de musique et de culture. Une politique qui draine des masses, peut-être, qui multiplie les divertissements, mais qui n’améliore ni n’instruit. On a vécu la première expérience d’hiver de la Cité de la culture. D’aucuns en ont parlé comme d’une succession de «cafés chantants». Deux décennies et plus que nos festivals d’été font de même. Les médias et les préposés à la «Com» exultent. Les directeurs sont satisfaits de leurs choix. Demain sera, difficilement, meilleur, différent.
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