A quoi sert-il de multiplier les festivals de cinéma si l’on ne tient pas compte de la dimension et des retombées économiques sur le plan local afin de rentabiliser les dépenses publiques. Et surtout, en l’absence de marchés de film pour booster la visibilité des productions tunisiennes, à l’international. Le détail
Désormais deux festivals de cinéma animent, dans un court laps de temps, l’été cinématographique. A peine le premier terminé, que le deuxième va commencer.
Ainsi, après «Le festival du cinéma tunisien» (FCT) qui s’est déroulé, dans sa 2e édition, du 10 au 15 juin, «Manarat» prendra la relève du 1er au 7 juillet. Cela juste quatre mois avant les JCC (Journées cinématographiques de Carthage) qui se tiendront du 26 octobre au 2 novembre 2019.
Organisée par l’ART (Association des réalisateurs tunisiens), en partenariat avec le ministère des Affaires culturelles, le FCT, à l’image des «Césars» et des «Oscars» du cinéma, récompense les meilleurs films ainsi que les meilleurs professionnels de l’année, chacun dans sa spécialité.
Sauf que les Oscars et les Césars sont attribués par des membres de l’Académie des Arts et des Sciences du cinéma qui sont, en fait, des professionnels, tandis que les «moineaux», noms des prix du Festival du cinéma tunisien, sont attribués par divers jurys pour les différentes catégories (court-métrages et long métrages de fiction, d’animation et documentaires). Ce qui n’a pas eu l’heur de plaire à la majorité des professionnels tunisiens qui préfèrent voir voter la profession et la critique au lieu de tous ces jurys comme s’ils s’agissait d’un festival de cinéma classique.
Pour cette 2e édition, 170 mille dinars sur un budget total et important de 500 mille dinars ont été consacrés aux récompenses. Le reste de l’enveloppe, soit 330 mille dinars, a couvert, selon l’un des membres du comité directeur, l’organisation, les salaires de l’équipe du festival et du comité directeur, ainsi que l’hébergement d’une vingtaine d’invités : on reprochera aux organisateurs du festival, outre son organisation hésitante, d’avoir confiné les projections dans les salles de cinéma de la Cité de la culture au lieu de les éclater sur plusieurs salles de cinéma et espaces culturels, notamment les maisons de la culture de la capitale et sur d’autres régions. Cela dans un but de décentralisation et de démocratisation de l’accès aux arts, en particulier, et à la culture, en général.
De son côté, le festival «Manarat», soutenu par plusieurs partenaires dont le Cnci (Centre national du cinéma et de l’image), le Cncif (Centre national du cinéma et de l’image français), l’IFT (Institut français de Tunisie) et la Biat, fête le cinéma méditerranéen.
Cette spécificité a déjà caractérisé le festival du cinéma méditerranéen de Hammamet dans les années 90 qui n’a vécu que quelques sessions.
Le budget de «Manarat» dépasse le milliard de nos millimes si l’on sait que, pour sa première édition, en 2018, il s’est élevé à 1,3 million de dinars.
«Manarat», que certains professionnels estiment «qu’il n’est pas sans concurrencer les JCC (Journées cinématographiques de Carthage)», sera suivi, dans quatre mois, par ces mêmes JCC.
Maintenant, à la lumière de tout cela, certaines questions s’imposent : premièrement, est-il efficace de multiplier les festivals de cinéma qui exigent chacun un budget spécifique si, au-delà de la dimension artistique, ils ne génèrent pas un impact économique afin de rentabiliser les subventions publiques ?
Car, ailleurs, les festivals des plus prestigieux (Cannes, Venise, Berlin, Clermont-Ferrand et autres) aux plus modestes, outre qu’ils boostent la fréquentation des salles, ont des retombées économiques considérables dans les régions et villes où ils se déroulent.
A titre d’exemple, le festival de Cannes a généré, en 2018, 200 millions d’euros de retombées financières, tandis que le festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand a rapporté, en 2019, 11 millions d’euros, soit 22 euros de retombées économiques pour 1 euro de subvention.
Certes, tout est relatif, mais sous d’autres cieux et par les temps qui courent, les enjeux économiques des manifestations culturelles sont tout aussi importants que leur dimension artistique ,surtout si l’on veut amortir les dépenses publiques.
Deuxièmement, peut-on continuer à organiser des festivals de cinéma sans marchés de films ? Assurément non. Le festival du cinéma tunisien représente, en l’occurrence, l’occasion la plus propice pour organiser un marché du film permettant de vendre les productions tunisiennes entre courts et longs-métrages de fiction, d’animation et documentaire aussi bien pour le grand que pour le petit écran. Idem pour «Manarat» et notamment les JCC, qui, après 53 ans d’existence, n’ont pas encore créé, sauf durant quelques sessions dont le nombre ne dépasse pas les doigts d’une seule main, un marché du film permettant l’achat et la vente de productions tunisiennes, arabes et africaines.
Ainsi, multiplier les festivals de cinéma ne sert vraiment à rien si l’on ne tient pas compte des dimensions économique et industrielle.
Voilà des enjeux capitaux à ne plus jamais perdre de vue pour une réelle efficacité de toute manifestation cinématographique, nationale, ou internationale.
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