Si les joueurs ont leur grande part de responsabilité dans cette entrée pas très rassurante voire inquiétante dans la CAN, le sélectionneur Alain Giresse n’est pas exempt, lui aussi, de plusieurs reproches au point de se demander s’il est capable de redresser à temps la barre
Les deux matches nuls pas très glorieux par lesquels les «Aigles de Carthage» ont commencé cette phase finale de la CAN en Egypte ne plaident pas, à coup sûr, en faveur de l’équipe de Tunisie et encore moins en faveur de son sélectionneur qui a donné — jusqu’à ce jour du moins — l’inexplicable et la désagréable impression qu’il a une seule approche et une seule philosophie de jeu : jouer avant tout pour ne pas perdre avant de penser à jouer pour gagner. Ce qui est quand même assez surprenant vu tout l’arsenal offensif et la bonne armada d’attaquants de valeur et de métier dans la liste des vingt-trois qu’il a établie lui-même, sinon en toute liberté, du moins en parfaite connaissance de cause. Entre le milieu offensif génial, créateur et finisseur avec un nombre important de buts de très belle facture et décisifs qu’était Alain Giresse à Bordeaux ou en équipe de France et le sélectionneur actuel de l’équipe de Tunisie assez conservateur et pas réformiste, qui campe sur une option à vocation défensive, qui cherche à préserver un résultat même insuffisant, qui n’ose pas, qui a perdu jusqu’à présent son pari offensif, force est de constater qu’il n’y a pas photo. Et on peut même parler de gouffre immense voire mystérieux. Il n’y a pas d’entraîneurs qui ne se trompent pas sur une option, un système, une stratégie et un plan de jeu de départ mais l’entraîneur pragmatique est celui qui sait changer quand il se trompe.
Après un 4-3-3 qui n’a pas bien marché face à l’Angola non pas parce que le système n’était pas le bon pour ce match mais parce qu’il y a eu un très mauvais choix de joueurs censés le faire réussir, auquel s’est ajoutée une mauvaise distribution des rôles avec des joueurs utilisés dans des registres qui n’étaient pas les leurs et qui se sont marché sur les pieds au lieu d’être complémentaires notamment au milieu de terrain et en attaque, Alain Giresse a rectifié le tir et a passé en 4-2-3-1 devant le Mali, ce qui a donné plus d’équilibre à l’équipe redevenue plus compacte, plus solidaire, avec un meilleur comportement défensif et offensif et plus d’envie, d’automatismes et d’abnégation pour se projeter vers l’avant et chercher la victoire. Mais ce rétropédalage et ce retour à un schéma plus adéquat n’ont duré qu’une mi-temps avec trois essais de Wahbi Khazri qui auraient mérité un meilleur sort (coup franc sur la barre transversale, lob de plus de 25 mètres détourné in extremis en corner et une frappe croisée à ras de terre à quelques centimètres du poteau droit malien) et une jolie déviation de la tête de Taha Yassine Khénissi qui a raté de peu de mourir dans les filets. C’était bien cet aménagement du système et les Tunisiens, bien positionnés et fort entreprenants, tenaient ce match, dont on avait peur, en main et tout indiquait qu’ils allaient en récolter les fruits jusqu’à cette erreur monumentale du gardien Moez Hassen qui nous a fait revenir à la case départ et a pratiquement tout flanqué par terre. Un moment terrible pour Alain Giresse puisque ce but gag va rouvrir un débat éteint, raviver les critiques et une plaie concernant son mauvais choix, sur conseil ou pas de l’entraîneur des gardiens Hamdi Kasraoui, d’écarter Farouk Ben Mustapha après sa bévue et sa responsabilité dans le but égalisateur angolais. C’est à cet instant qu’Alain Giresse est sorti pratiquement du match. La preuve c’est que même l’égalisation et le retour rapide dans la rencontre n’ont pas réussi à lui redonner sang froid, sérénité et lucidité nécessaires pour reprendre le contrôle du débat, repartir à la charge et à l’assaut d’un camp malien déboussolé et prenable sur les flancs ou dans son axe central. Au contraire, il va céder et obéir une nouvelle fois à ses réflexes défensifs, penser de nouveau à sauvegarder ce nul coûte que coûte qui préserve certes nos chances pour se qualifier au second tour plutôt que de tenter une aventure hasardeuse à ses yeux et trop risquée de briguer les trois points qui lui auraient permis, eux, d’avoir une large option pour la première place du groupe et d’éviter les grosses cylindrées en huitièmes et en quarts de finale. Au lieu de muscler son attaque et de chercher le coup de grâce par le choix d’un attaquant supplémentaire qui ne pouvait être logiquement que Bassem Srarfi, Alain Giresse a préféré verrouiller son milieu de terrain en faisant entrer Aymen Ben Mohamed comme demi-défensif sur le couloir gauche et se contenter du strict minimum. Si gagner ne suffit pas parfois que dire alors d’un nul qui laisse toujours les fans de l’équipe de Tunisie sur leur faim. Par rapport à ce que sont en train de faire l’Algérie, le Maroc et, à un degré moindre, l’Egypte avec 6 points en deux matches et une prestation qui a fait sensation, on ne peut que faire ce triste constat que Giresse et sa bande sont loin du compte, loin des attentes et qu’on n’a pas pour le moment une équipe conforme à notre ambition et à notre classement. Devons-nous revoir notre objectif d’aller très loin dans cette coupe d’Afrique à la baisse, alors que les autres équipes venues en outsiders sont en train d’avoir de l’appétit en mangeant et commencent à viser plus haut que nous, par la faute d’un mauvais commandant à bord qui peine, paraît-il, à entretenir un très bon climat au sein du groupe et qui laisse déjà entrevoir, par des critiques à peine voilées pour ses joueurs qui «doivent savoir défendre les couleurs qu’ils portent», qu’il ne croit pas comme avant aux joueurs cadres et à leur capacité de lui faire et de faire gagner à la Tunisie sa deuxième coupe d’Afrique? La sagesse dicte que l’on ne doit pas s’arrêter au milieu du quai surtout, qu’au second tour, une chance inouïe nous sera offerte pour inverser la tendance, rebondir et déjouer tous les indicateurs défavorables.