Selon les dispositions de la loi de finances 2019, les entreprises et les établissements qui sont en liaison économique avec des entreprises installées à l’étranger seront désormais dans l’obligation de déposer une déclaration annuelle électronique justifiant la politique des prix des transactions réalisées vers des entreprises associées.
Les réseaux de blanchiment d’argent et de fraude fiscale s’appuient sur des failles qui existent dans les législations et les réglementations fiscales en vigueur dans divers pays de par le monde. Parmi les outils-phares utilisés à des fins de fraude ou de blanchiment d’argent, figure le prix de transfert. Qu’est-ce qu’un prix de transfert ? Comment les fraudeurs fiscaux l’utilisent-ils? Quels sont les instruments déployés en Tunisie pour y faire face ? Pour répondre à ces questions qui évoquent des notions complexes, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace) a tenu, jeudi dernier, en son siège, une conférence pour débattre de ces questions, en présence du ministre conseiller auprès du chef du gouvernement, M. Fayçal Derbel, et des experts de la comptabilité et de la finance.
Dans ce contexte, Nafaa Ennaifer, président du Centre tunisien de veille et d’intelligence économique relevant de l’Iace, a défini les prix de transfert, le BEP’S le projet international de réforme fiscale dont la Tunisie fait partie en tant que membre signataire depuis mars 2019. Il a également abordé, brièvement, les répercussions économiques, en l’occurrence financières des politiques abusives de prix de transfert.
Politiques de transactions financières intra-groupe
Selon l’Ocde, les prix de transfert sont les prix auxquels les entreprises transfèrent des biens ou actifs entre elles ou rendent des services à des entreprises associées. « Ils sont définis comme étant les prix des transactions effectuées entre les sociétés d’un même groupe et résidentes dans des Etats différents, impliquant, de ce fait, le passage des frontières », a expliqué Ennaifer.
En d’autres termes, les prix de transfert concernent finalement, des opérations d’import-export au sein d’un même groupe, tout en excluant les transactions internationales entre des sociétés indépendantes mais également les opérations de transactions effectuées sur le territoire national entre les entreprises d’un même groupe, soutient-il.
L’expert a souligné, à cet effet, que ces opérations de transfert, pratiquées généralement par les multinationales, contribuent à une altération de l’environnement des affaires laquelle s’illustre à travers trois problèmes majeurs. Premièrement, l’altération de la concurrence dans la mesure où les entreprises exerçant les activités internationales sont, in fine, avantagées par rapport aux entreprises On-Shore. Deuxièmement, la répartition inégale des ressources fiscales, ce qui fausse par conséquent les décisions d’investissement et, enfin, la perversion de la discipline volontaire de l’ensemble des contribuables suite à un sentiment d’iniquité avérée par rapport aux entreprises multinationales qui peuvent désormais se soustraire à l’impôt sur les bénéfices par des moyens «légaux».
«La facturation des biens et des services entre les filiales et les maisons mères peut générer un transfert de marges et de bénéfices. C’est ainsi que la question des prix de transfert pratiqués par les multinationales devient aujourd’hui l’objet de vérification et de comptabilité. L’aspect fiscal des relations économiques entre des entités situées dans des pays différents est désormais devenu un facteur d’insécurité juridique pour les entreprises», explique Ennaifer.
Contrecarrer l’évasion fiscale
A cet égard, M.Ennaifer a affirmé que, selon les dispositions de la loi de finances 2019 inspirées des standards internationaux, les entreprises et les établissements qui sont en liaison économique avec des entreprises installées à l’étranger seront désormais dans l’obligation de déposer une déclaration annuelle électronique leur permettant de justifier la politique des prix de transfert pratiquée dans le cadre des transactions réalisées vers des entreprises associées. Autrement dit, toute entreprise entretenant une relation économique avec une autre installée à l’étranger, se doit, en vertu de la loi de finances 2019, de rendre des comptes de l’ensemble de ses transactions passant les frontières.
Intervenant au sujet du projet élaboré par l’Ocde et les pays membres du G20 BEP’S et auquel la Tunisie a officiellement adhéré fin 2018, Fayçal Derbel a identifié les étapes suivies pour s’y conformer. Lors de son intervention, il était également question de présenter «l’instrument multinational», un mécanisme permettant aux Etats membres du BEP’S de disposer des outils juridiques leur permettant de contrecarrer l’évasion fiscale des groupes et multinationales qui y sont installés. Ce référentiel a été signé par la Tunisie, au mois de mars dernier. L’adoption par l’ARP, étant peu probable pour ce mandat parlementaire, les experts comptent désormais sur les députés qui seront élus pour la ratification du document dans les plus brefs délais.