Après avoir chassé ce maudit signe indien des quarts de finale, rien n’empêche les «Aigles de Carthage» d’aller jusqu’en finale et de rêver du sacre. Mais dans un match à élimination directe, avec des armes différentes, mais des chances égales, il faut attendre le coup de sifflet final de Bamlak Tessema pour crier victoire.
Quand on est un vrai compétiteur avec un esprit conquérant, on doit toujours chercher à aller plus haut et à ne pas se contenter et se satisfaire de l’objectif minimum assigné au départ de la compétition. Avec la qualification aux demi-finales et l’atteinte du dernier carré après quinze ans, on peut parler, certes, de CAN réussie et de contrat rempli, mais les «Aigles de Carthage» n’ont pas le droit de s’arrêter en si bon chemin et de ne pas viser la finale et le sacre qui fera entrer Alain Giresse et sa bande dans la légende. Cette demi-finale avec le Sénégal d’Aliou Cissé, il faut donc jouer pour la gagner, et pour la gagner, il ne faut avoir qu’une seule idée en tête : nous sommes à 90 minutes et, au pire des cas, à 120 minutes du bonheur. Le bonheur d’un groupe, d’un staff et de tout un peuple derrière eux, tous revenus de très loin après le vent d’inquiétude, voire de panique d’un premier tour austère où nous n’avons pas gagné un seul match et n’avons pas convaincu, même si nous n’en avons perdu aucun.
Le Sénégal est numéro un africain, la Tunisie est numéro deux, et c’est un beau challenge, un vrai catalyseur pour le dauphin que d’essayer d’avoir le dessus sur le premier et de le terrasser. C’est pour nous un avantage psychologique précieux, un atout de poids que notre prestigieux adversaire du jour ne possède pas. Le match contre le Ghana a donné le signal d’un début d’épopée et celui contre le Madagascar a confirmé que l’équipe de Tunisie est en train, après les prémices d’une sortie précoce, d’épouser physiquement, techniquement et moralement une courbe ascendante et de monter en puissance. Ça ne peut que diffuser et générer au sein de nous le sentiment que rien désormais ne nous arrêtera. Pas même Sadio Mané et la pléiade de stars qui l’entourent et qui se voient eux aussi dans la peau de champions d’Afrique sur le terrain, conforme à leur classement sur le papier.
Tous les ingrédients pour réussir
Tout joue donc en faveur de la bande à Alain Giresse. Après avoir su aménager un système en 4-2-3-1 qui n’a pas très bien fonctionné et trouvé le meilleur équilibre avec un milieu à trois où l’entrée de Ferjani Sassi a été déterminante, le sélectionneur tunisien peut se vanter et se rassurer d’une colonne vertébrale assez solide, en acier trempé comme on dit. Avec un Moez Hassen moins hésitant dans ses prises de balle et ses sorties aériennes et plus sûr dans ses détentes verticales et ses envolées horizontales; un Wajdi Kechrida qui s’impose et explose comme latéral droit et comme joueur de couloir supplémentaire qui apporte sa touche technique, son démarrage fulgurant quand il s’agit d’assurer le surnombre en attaque quand l’adversaire est en déséquilibre; un Oussama Haddadi en bon soldat discipliné sur son flanc gauche et une paire centrale Dylan Bronn-Yassine Mériah qui a gagné en entente et en complémentarité dans le bon alignement, la couverture et le marquage de zone ou à la culotte, la défense est l’épine dorsale, la pierre angulaire de ce jeu en bloc qui allie la rigueur à la vivacité, et qui pose pas mal de problèmes aux équipes qui jouent l’attaque placée ou celles qui se recroquevillent derrière en rideau massif et procèdent par contres. L’entrejeu a trouvé lui aussi sa meilleure formule et son parfait équilibre avec un Elyès Skhiri revenu à sa position idéale comme demi défensif axial ratisseur et travailleur plus que constructeur.
Ce qui a permis au tandem Ghaïlane Chaâlali-Ferjani Sassi d’avoir plus de liberté comme milieux relayeurs pour participer à l’animation offensive et à la création, et être des soutiens de poids comme relais, assists et même buteurs, tels que l’a été Ferjani devant le Madagascar, aux trois attaquants de pointe. Avec ce milieu qui a étoffé le bloc de l’équipe, qui donne de l’assurance, qui sécurise, le capitaine Youssef Msakni est redevenu ce leader d’attaque qui donne des frissons à l’adversaire, qui sait s’infiltrer dans les espaces les plus réduits et faire valoir sa technique de frappe imparable même dans un mouchoir comme en témoigne son but devant les Malgaches. Sans oublier que l’opportuniste Taha Yassine Kéhnissi a bénéficié, comme pointe, de plus de profondeur et de plus d’opportunités au premier comme au second poteau, de mettre en difficulté et de tromper des gardiens qui ne savent plus d’où peut venir le danger. Plus que le schéma de jeu, c’est cette animation offensive où Wahbi Khazri, injustement attaqué ou bien d’être simplement critiqué pour n’avoir pas été fidèle à l’image et au profil que l’on se faisait de lui, a été valorisé comme pion libre, dézonant à droite pour étirer le jeu et provoquer des fissures dans le béton adverse en replongeant derrière l’attaquant de pointe comme neuf et demi, capable d’adresser des tirs de loin cadrés et puissants et d’offrir des deuxièmes balles de choix aux coéquipiers à la rescousse.
C’est cette animation offensive variée et imprévisible avec des joueurs polyvalents et virevoltants à souhait qui fait notre force et interdit tout complexe d’infériorité avec les Lions de la Teranga qui sont toujours en quête de leur première étoile.
Aller en finale, c’est classer à jamais le débat virulent sur un premier tour qui n’a pas soulevé les cœurs et c’est surtout valider une belle progression. Il serait dommage, injuste même qu’Alain Giresse et ses hommes, revigorés et requinqués, ratent une telle aubaine.
Hédi JENNY