Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux critique le recours à une fosse commune, à Zarzis, pour enterrer 18 cadavres de migrants. Avec l’aval de l’Unhcr. Un traitement inhumain et dégradant, selon le forum, qui a été évité à Gabès où d’autres dépouilles ont eu droit à des tombes individuelles, aménagées dans les normes en vigueur.
Une vague d’indignation contre l’enterrement de migrants à Zarzis a émané du Ftdes, observatoire social tunisien, qui déplore le « traitement inhumain et dégradant » opéré par les autorités locales face au refus de certaines municipalités d’enterrer dignement les migrants dans les cimetières relevant de leur autorité territoriale. Une affaire qui fait grand bruit depuis quelques jours. Suivant les descriptions des observateurs attitrés, ils ont été ensevelis et placés dans des tranchées formant une fosse commune sous une large couche de sable sans prise en considération de la « dignité » des « cadavres du désespoir ». Alaa Talbi, qui intervenait à la fin de la présentation de son rapport semestriel sur les statistiques migratoires réalisées par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, s’est dit outré par une telle procédure peu soucieuse des droits humains élémentaires. Il revient sur la polémique avec force détails : « Il y a une distinction claire et nette à faire entre les conditions d’enterrement à Gabès dans la localité de Bouchemma de migrants enterrés dans leurs carrés respectifs au sein d’un cimetière ordinaire de celle qui s’est produite à Zarzis, objet de la polémique. Le gouvernement est responsable de cet acte pour avoir refusé de procéder à un enterrement dans des normes ordinaires. » Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Unhcr) a donné son aval pour que les pompes funèbres relevant de la municipalité de Zarzis puissent recourir à ce stratagème vieux comme le monde. Une pratique qu’abhorre Talbi qui estime qu’une structure onusienne ne doit pas donner de telles instructions qui sont le fruit de la précipitation pour en finir avec les corps sans vie des migrants. Ce programme a pour but « originel de protéger les réfugiés, de trouver une solution durable à leurs problèmes et de veiller à l’application de la convention de Genève sur les réfugiés de 1951 », lit-on sur Google. Un rôle mal accompli par l’Unhcr en pareille circonstance, de l’aveu de Talbi.
Transportés dans des bennes à ordures
L’absence de réglementation et de processus d’enterrement des migrants que signale Marouène Haouari, bénévole et membre actif de la société civile dans le domaine des migrants, ne fait que rajouter de l’huile sur le feu. Comment en est-on encore là aujourd’hui en Méditerranée et en Tunisie particulièrement ? Les conflits qui font rage dans le pays voisin, la Libye, ne font qu’empirer et augmenter le nombre de migrants et de décès migratoires en mer. La fosse commune aménagée dans un contexte de crise demeure une pratique macabre. Elle est connue pour être généralement réservée aux pays en guerre même si elle se faisait depuis de nombreuses années en Tunisie, voire des décennies où le phénomène migratoire se posait avec moins d’acuité puisqu’il ne concernait que les Tunisiens en partance vers les terres d’asile. Plus précisément, cela remonte à une vingtaine d’années, selon Haouari. Ce dernier affirme que les cadavres ont été inhumés dans un terrain privé qui n’est pas un vrai cimetière, où l’environnement est semi-désertique grâce aux efforts déployés par la Garde nationale. Houari ne décolère pas : « Une équipe de l’Unhcr était présente sur place. Ce sont eux qui ont planifié l’inhumation collective et en même temps ils ont fomenté la polémique. Il faut savoir que dans le sud tunisien, il n’y a pas d’engin spécialement destiné au transport des cadavres. Un manque de moyens humains et matériels considérable que la Tunisie ne peut assumer à elle seule.
Pour rappel, selon le compte-rendu du Croissant-Rouge tunisien sur les quatre-vingt-deux cadavres provenant du dernier incident il y a une dizaine de jours, 18 ont été enterrés dans le cimetière des inconnus à Zarzis et 16 autres à Gabès dans la commune de Bouchemma. Dans cette sombre affaire, l’Unhcr prend une position de « juge et partie », ce qui n’est pas du goût de certains experts tunisiens qui désavouent leur méthode. Pour sa part, le Ftdes dénonce les conditions de transport de cadavres dans des « camions destinés aux poubelles »… Ainsi, des touristes ont aperçu ces mêmes cadavres en séjournant dans les unités hôtelières de Zarzis. Une scène qui ressemble étrangement aux migrants qui ont accosté, il y a quelques mois, en pleine furie sur les plages espagnoles. C’est dire combien la question migratoire n’est pas l’apanage de la Tunisie, mais de tous les pays du pourtour méditerranéen ravagé par les flux de migrants issus d’Afrique subsaharienne.