Une ènième fois, le football a tout représenté, pour les Tunisiens.Spécialement, durant cette dernière CAN d’Egypte.
Du jamais vu ? Déjà pour un point : le contexte actuel du pays. Une économie aux abois, une situation politique et sociale, troublée, échevelée, porteuse de risques, voire des élections proches on ne peut plus incertaines, en bonne logique, rien qui eût pu justifier cet élan de tout un peuple, cette quasi mobilisation générale, pour du «ballon rond». Tout s’explique, néanmoins. En temps de crise, la compensation est la solution : le sensationnel, le léger qui éveille et suscite les passions, le sport de masse, de compétition, le football international, en particulier. Les gouvernants en mal de gouvernance, en besoin ou en perte d’audience, y encouragent, souvent, de plus en plus aujourd’hui.
Des exemples historiques nous reviennent. Hitler et les «jeux de Berlin», Mussolini et les mondiaux de 1934 et 1938, des balises idéales pour la propagation du fascisme en Europe. Plus récemment, la junte militaire en Argentine et la Coupe du monde de 1978 ; la même année, en Tunisie, il y eut , le soulèvement syndical et la repression sanglante de janvier, mais, quelques mois plus tard, comme survenus à bon escient, la qualification de notre sélection nationale et son «triomphe argentin». Bonus inespéré (de dix années, presque)pour le régime essoufflé de Bourguiba.
La dernière CAN d’Egypte est une illustration multiple du phénomène. Un hasard, peut-être, une coïncidence, mais le général Sissi a sauté sur l’occasion de tout son poids et du poids de l’Etat, comptant(ferme) sur une victoire prestigieuse à la fois pour sa personne et pour le pays. Dans le même temps, le Maroc misait lourd sur son team national, déboursait des sommes colossales pour l’entraîneur Hervé Renard, pour la signature de ses professionnels à l’étranger : avec quel objectif ? Simplement pour contrecarrer les ambitions de son voisin algérien, en butte à une transition politique difficile, et désireux, lui aussi,de se faciliter « une issue » à travers une équipe nationale de football, à l’occasion , prête, soudée et bourrée de talents.
Y ajoutera-t-on l’exemple de la Tunisie ? Peut-être pas tout à fait.La vérité , en ce qui nous concerne, est que les choses se sont révélées en cours de route, au gré des évènements.
Pas sûr, d’abord,que nos politiciens aient eu la CAN d’Egypte dans le viseur. Occupés et préoccupés qu’ils étaient par leurs calculs électoraux. Par les sondages qui leur prédisaient une terrible dégringolade. Par les parades et autres combines qu’ils devaient imaginer (s’inventer) désormais. Le foot a pu servir par le passé, sous Ben Ali en 2004, lors du premier Chan africain, au tout début de la révolution. Là, toutefois, les têtes étaient forcément ailleurs. Les premiers résultats de notre équipe nationale n’étaient pas bons, qui plus est. Ce n’est qu’au second tour que nos politiciens ont pu percevoir un «bénéfice possible». Après les qualifications contre le Ghana et Madagascar. On a envoyé des messages officiels de félicitations, d’encouragements, on a même affrété des avions. Pas pour longtemps. On sait. Le public, les supporters : le peuple, lui, a marché.Sa colère après les matches de groupe a surpris, vraiment. Sa joie et son espoir après l’accès en demi-finale étaient sans limites. Sa déception après la défaite contre le Senégal confinait au deuil.
Trop d’excès à la fois. Trop de passion, trop d’exagération. Trop de plateaux télés, trop de discours, trop «d’envolées» «L’alpha et l’oméga de la vie», on eût cru.
A l’heure qu’il est, dans le contexte actuel, pour si peu. Pour du ballon rond.