La déception, il est vrai, a été trop grande. Nourrie par une campagne, pour le moins qu’on puisse dire «intoxicante», elle a fait miroiter… un second titre africain, avec des superlatifs soigneusement adressés à ceux qui se voulaient les auteurs de ce futur exploit des «Aigles de Carthage».
Les choses ont mal tourné. La faiblesse du personnel d’encadrement, visiblement peu solidaire et sous influence, alliée à une ambiance tout ce qu’il y a de plus délétère vis-à-vis du sélectionneur, a tout embrouillé. Il va sans dire que Giresse a subi toutes les conséquences de cet échec, qui s’est, en fait, édifié sur un objectif… atteint au niveau des prévisions de départ.
Expliquons-nous :
Giresse a réalisé l’objectif visé par ses employeurs. Il n’a rien à se reprocher, à part d’avoir mal résisté à la suite des événements qui se sont précipités.
Et c’est ce qu’on pourrait lui reprocher. Sur le plan technique, il a mis sa confiance dans un préparateur physique qui n’a pas su amener son groupe dans les meilleures conditions au départ de la compétition. Il aurait dû s’en rendre compte, y remédier et non pas se résigner. Il a frôlé l’élimination et n’était cet extraordinaire concours de circonstances, nous aurions bouclé nos valises plus tôt. C’était sa responsabilité.
Coups de butoirs de l’entourage
Sur le plan des choix, il a complètement sombré face aux coups de butoirs de son entourage. Un entourage qui a en fin de compte imposé des choix qui se sont avérés catastrophiques et qui ont mis à mal un rendement déjà fortement ébranlé par cette question de condition physique précaire. Il a été également poussé dans les quatre coins du ring pour laisser en route, ou sur le banc, des joueurs à la valeur et à l’expérience consommées.
Pour des broutilles et pour des raisons peu convaincantes, il a titularisé des joueurs complètement hors du coup, ou dont la présence ne se justifiait nullement dans des rencontres où l’engagement physique était maître du jeu. Manque de personnalité, discrétion, gentillesse, les observateurs n’ont pu le classer alors que tout le monde est convaincu de ses capacités de technicien, bon tacticien, qui a permis à l’équipe de Tunisie de sortir une excellente partie face au grand Ghana.
Bien entendu dans toute cette chaîne qui constitue le personnel d’encadrement, administratif et technique, le poste de sélectionneur est le fusible le plus faible. C’est lui qu’on essaie de faire sauter pour calmer les esprits. Mais la question qui se pose à quelques semaines de la reprise d’activité de cette sélection est bien d’examiner les répercussions de cet éventuel limogeage.
Affligeants et débilitants
Se débarrasser de Giresse, moyennant quelques centaines de millions (il y a de l’argent), est la solution la plus facile à prendre. Les véritables manipulateurs auront le temps de souffler en servant un joli os à ronger aux fans, qui s’entre déchireront pour le choix du successeur. Et c’est ainsi que l’on assiste, depuis quelques jours, à d’amusants (à la limite affligeants et débilitants) jeux de coulisses qui ont commencé à accorder des galons à de vieux chevaux de retour. Le titre de «général» est le plus anoblissant pour des personnes qui ont fait leur temps et leur passage à la tête de cette sélection prouvant leurs limites. Une plus grande retenue, une discrétion qui les aurait grandis aux yeux de ceux qui ont été témoins de leurs services passés, auraient été plus indiqués. Ils ont eu leur chance. Ils ont échoué et ils devraient comprendre que des jeunes attendent leur tour. Ce n’est pas en fin de compte leur faute, mais bien celle de ceux qui les décorent de ces galons d’opérette. D’autres se proposent de venir entraîner «gratuitement» la sélection tunisienne ! Quelle déchéance pour cette équipe qui a été à une certaine époque la fierté de tous les africains et de tous les pays arabes ! L’équipe de Tunisie vaut bien plus que cette « pitié » mal exprimée qui fait mal à tous ceux qui y sont demeurés attachés.
Que l’on confie cette équipe nationale à un jeune, personne n’aurait bronché. Mais qu’on vienne piocher au fond des archives poussiéreux de l’Histoire, pour nous sortir des squelettes, cela tient de l’hérésie.
Dans tous les cas de figure, Giresse, en dépit de tout ce qu’on pourra lui reprocher, reste le plus valable.
Aucune solidarité
A condition qu’on le laisse travailler, qu’on ne lui impose pas des noms d’adjoints, bons pour surveiller les caméras, mais pas pour observer ce qui se passe sur le terrain, à l’effet de soumettre leurs propositions au sélectionneur à l’effet de l’aider à prendre des décisions réfléchies, sincères et porteuses de messages et d’opportunités. Des adjoints qui le mettront sous pression et qui, sans vergogne, se donnent le beau rôle faisant fi de toute solidarité, il vaudrait mieux s’en passer. Quitte à les subir, quelques semaines plus tard, sur les plateaux de TV en qualité de conseillers.
Reste l’interventionnisme fédéral dans les affaires techniques de la sélection. On en parle avec insistance. Nous n’avons pas de preuves et soulever cet aspect du problème est sans aucun doute délicat, mais «il n’y a pas de fumée sans feu». Giresse se confiera un jour s’il est remercié, mais nous demeurons convaincus qu’on doit cesser de tirer les ficelles de cette autorité fédérale pour entraver ses idées. Que le sélectionneur prenne ses responsabilités pleines et entières, sans partage, et il pourra s’en tirer. Cette CAN est la meilleure des façons de le convaincre qu’il se doit de prouver, qu’il est en mesure de donner à cette sélection plus qu’il ne l’a fait dans des conditions insupportables.
Le garder pour le reste de son contrat serait une preuve de bon sens et de sagesse. Le remercier pour dégager le terrain pour les copains et amis serait au détriment de ce bon sens.
Reste que dans ce sport, et particulièrement dans le football, c’est cette qualité qui manque le plus !