Au 9 juillet 2019, la Tunisie comptait 22.698 associations se livrant à une multitude d’activités plus ou moins variées. Leur nombre dépassait, à peine, les 8.000 en 2010.
Selon l’angle sous lequel on se place, on peut avoir des appréciations tout aussi diverses sur la nature de leurs activités et de leurs actions ainsi que sur l’origine de leurs financements. Certains pensent, carrément, que de nombreuses associations et organisations évoluant dans notre pays ont des liens douteux avec des parties étrangères et qu’elles «roulent» pour ces parties. En tout cas, la profusion de ces organisations ne laisse pas indifférent. Il est vrai que sur le terrain on peut voir des actions concrètes entreprises par des jeunes dans les domaines du développement, de la solidarité ou de l’enfance ainsi que dans d’autres secteurs sociaux ou éducatifs. L’apport est nettement positif. Ce qui ne devrait pas cacher les aspects suspects de certaines autres associations évoluant dans le domaine du caritatif. Dans ce cas, le doute est plus que permis car, sous prétexte d’aider des catégories sociales nécessiteuses, ces associations en profitent pour exploiter politiquement ces actions.
Tout le monde en est conscient. Aussi, la profusion inégalée de ces organisations s’explique-t-elle par l’extrême souplesse des dispositions juridiques permettant de «lancer» un tel projet. En outre, le suivi des actions n’est pas assuré. A l’exception de ce que les auteurs eux-mêmes peuvent déclarer, personne n’est en mesure de demander à ces promoteurs de l’humanitaire, du philanthropique, etc. de rendre des comptes et de remettre un bilan.
Qu’on en juge par ce que dit le décret loi n° 88 du 24 novembre 2011 ayant permis l’explosion du nombre de ces organisations. L’association a le droit d’agir en justice, le droit à la propriété et le droit de gérer ses ressources et ses avoirs. Elle peut également recevoir toutes formes d’aides, de subventions, de dons et de legs. Elle a le droit de posséder des biens immobiliers pour son siège et ses filiales, pour la réunion de ses membres ou pour la réalisation de ses objectifs conformément à la loi. Elle a le droit de céder tout immeuble qui ne sert plus à la réalisation de ses objectifs conformément à la loi. Le prix du bien est une ressource pour l’association. Elle peut se constituer partie civile, ou ester en justice pour les actes qui rentrent dans le cadre de son objet et de ses objectifs définis dans ses statuts, pour elle-même ou en tant que représentante de personnes concernées, et ce, en vertu d’une autorisation expresse écrite.
Par ailleurs, les fondateurs, les dirigeants, les salariés de l’association ainsi que ses adhérents ne sont pas responsables personnellement des obligations juridiques de l’Association. Les créanciers de l’Association n’ont pas le droit de poursuivre le recouvrement de leurs créances sur les biens personnels de ces personnes. Notons enfin que le décret-loi consacre la notion innovante de réseau d’associations. En effet, l’association a le droit d’adhérer à un réseau d’associations, ou de créer un réseau d’associations, et ce, en vertu d’une décision de l’assemblée générale ordinaire.
Tout est laissé au hasard. Le droit de regard est quasiment absent. Heureusement que dans ces mêmes associations il y en a celles qui veillent à ce que le minimum de règles et d’éthique soit respecté. Les réseaux sociaux grouillent de ces associations qui montrent à l’envi leurs réalisations au sein des établissements scolaires, dans les zones reculées, dans le domaine sanitaire, etc. Il nous semble que des mesures plus appropriées doivent être envisagées pour servir de garde-fous aux actions entreprises et que les responsables soient au fait des limites qui les obligent à ne pas outrepasser leurs statuts et à respecter la dignité des personnes ciblées par leurs opérations de bienfaisance, de solidarité ou de soutien. Il est vrai que quand on regarde de près on constate que c’est Tunis qui compte le plus grand nombre d’associations avec 4.543 (soit 20,01% de l’ensemble). Cette concentration crée, certes, un déséquilibre et montre une prédilection pour les centres urbains plutôt que les zones géographiques à besoins spécifiques. Les associations à vocation sociale sont au nombre de 513 à Tunis sur un total de 2.536, celles à caractère de jeunesse en comptent 53 sur un total général de 393. En matière d’enfance il y a 36 associations sur 310 au niveau national. On remarque que Zaghouan regroupe le plus petit nombre de ces associations avec, seulement, 1,28%.