Mme Raoudha Gafrej, professeur et experte dans le domaine des ressources en eau et de l’adaptation aux changements climatiques, nous donne plus de détails sur les défis majeurs de l’alimentation en eau potable par la Sonede ainsi que ses propositions pour la sécurisation de l’alimentation en eau à l’échelle nationale et pour garantir le droit à l’eau à tous les citoyens.
La Sonede est-elle le seul opérateur de distribution d’eau potable?
La Sonede est l’opérateur national exclusif en charge de l’exploitation et de la distribution de l’eau potable à l’échelle nationale. Par contre la mobilisation de la ressource brute et son adduction au lieu du traitement d’eau potable sont du ressort de l’Etat (loi de création de la Sonede). C’est pourquoi les barrages et les grandes conduites de transfert sont en général réalisés par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche (Marhp). Ce choix politique, considéré autrefois comme un atout, constitue à l’heure actuelle un risque majeur. Le monopole accordé à la Sonede avec le modèle de gestion actuel est une politique non durable.
Dans les zones non communales, la Sonede intervient partiellement. Des groupements de développement agricoles gèrent des réseaux et alimentent plus de 1,5 million d’habitants à travers des forages ou sur le réseau de la Sonede.
Il existe également des opérateurs privés qui commercialisent les eaux minérales sur la base de concessions de l’exploitation des eaux souterraines. Aussi nous avons vu naître ces dernières années des marchands ambulants de l’eau vendue à raison de 1 dinar le bidon de 10 litres. Les sources de ces eaux ne sont pas toujours connues. Certaines proviennent même du réseau de la Sonede.
Quels sont les risques de l’alimentation en eau ?
Selon l’article 6 du décret gouvernemental n°2017-157 du 19 janvier 2017, portant approbation du règlement des abonnements à l’eau potable, «la société assure à ses abonnés la continuité de l’approvisionnement en eau potable sans interruption, et ce, hormis les cas de force majeure, pénurie des ressources hydriques, arrêt d’une station de production d’eau, panne du réseau public ou réalisation de nouveaux ouvrages ou travaux d’entretien». Ce même article précise que la Sonede procède à la notification des abonnés, par quelque moyen que ce soit, du jour et de l’heure de l’interruption ou de la perturbation de l’approvisionnement ainsi que du jour et de l’heure de sa reprise, et ce, 24 heures au moins avant la date de l’interruption ou de la perturbation s’il s’agit de travaux projetés pour l’entretien et la maintenance du réseau public. De ce fait, en cas d’interruption, il n’est pas du ressort de la Sonede d’approvisionner en eau ses clients par d’autres moyens que son réseau habituel. A ce niveau, il existe une défaillance de la politique nationale pour gérer ce risque qui est appelé à s’amplifier.
Ajoutons également que l’article 7 du même décret cité ci-dessus précise que «la société garantit, en toutes circonstances, la pression d’eau et sa constance pour tous les abonnés sauf dans quelques cas exceptionnels qui échappent à la volonté de la société tels que les facteurs climatiques et naturels et la réduction des ressources en eau suite à des facteurs climatiques. Elle ne peut en outre garantir que l’air ne puisse pénétrer les canalisations, dans quelques cas exceptionnels».
De ce fait, l’augmentation de la température les mois de juin, juillet et août 2019 de plus de 10°C par rapport à la moyenne, la chute de pression dans certains réseaux (cas d’Ennahli et autres), les coupures d’électricité (Grand-Sfax et Zaghouan), et le manque de ressources (cas de la station de traitement de Belli pour le Cap Bon) qui ont occasionné des interruptions d’alimentation en eau relèvent de ces exceptions. La Sonede a même anticipé ce risque par les différents communiqués qu’elle a publiés quelques jours avant l’Aïd pour inciter ses clients à réduire leurs consommations d’eau et reporter certains usages secondaires. La commission d’évaluation nommée par le chef de gouvernement a bien confirmé cela dans son rapport.
L’efficacité de la Sonede dépend du ministère de l’Agriculture alors ?
L’efficacité de la Sonede est fortement tributaire de celle de son ministère de tutelle. En réalité et depuis 2011 à ce jour, la Sonede a été contrainte de réaliser certains investissements sur ses propres ressources et qui devront normalement être supportés par ses clients à travers l’augmentation des tarifs. C’est le cas des adductions vers le Sahel et Sfax, les investissements des 10 stations de dessalement d’eau saumâtres dans le cadre du programme national d’amélioration de la qualité de l’eau (Pnaq1) réalisé entre 2005 et 2016 pour un coût global de 85 MDT sur un financement de la KfW ainsi que les 6 stations de dessalement d’eau saumâtres du Pnaq2 en cours de réalisation sur la période de 2016-2021 pour un montant de 213 MDT sur financement KfW aussi. De même, la station de dessalement d’eau de mer de Djerba pour un coût global de 166 MDT sur un financement AFD-KfW. Tout cela pour dire que devant les obligations de satisfaire ses clients et les retards cumulés par le Marhp pour réaliser les investissements, la Sonede a été contrainte de prendre à sa charge la planification de certains investissements. Cela représente une contrainte majeure pour la Sonede puisque les prérogatives du Marhp n’ont pas été respectées.
Il faut également rappeler que la Sonede dispose d’une planification des projets structurants réalisée de façon assez anticipative basée sur des études de prospectifs biens détaillées. Plus de 90% des études sont réalisées en régie par un personnel hautement qualifié. Pour ce qui est de l’alimentation en eau potable rurale, c’est le Marhp qui planifie des projets et supporte les investissements et seule la réalisation et la gestion des réseaux sont confiées à la Sonede. Dans ce cas, les projets sont tributaires de la disponibilité des fonds et des recommandations du Marhp quant à l’urgence et les priorités. La planification réelle des travaux et donc des investissements au niveau de la Sonede ont subi énormément de retard dû aux retards qui incombent au Marhp et aux finances de la Sonede qui ne lui permettent plus d’engager de nouveaux investissements compte tenu que ses revenus d’exploitation et donc de la vente de l’eau sont largement en dessous des frais d’exploitation de son réseau. D’ailleurs, la station de traitement d’eau potable à Bjaoua programmée il y a de cela plusieurs années n’a pas pu voir le jour, compte tenu des difficultés financières de la Sonede alors que les recherches de financement ont débuté il y a plus de 3 ans.
L’efficacité de la Sonede est-elle tributaire de la stabilité politique?
La planification des investissements au sein de la Sonede a été pénalisée ou retardée à cause de l’instabilité politique du pays et aussi l’instabilité du pilotage de la Sonede. En effet, de 2011 à ce jour, la Sonede a connu 4 P.-d.g. et autant de P.-d.g. intérimaires avec le limogeage du P.-d.g. en 2017 auquel on a imputé les retards dans la réalisation des travaux de la station de dessalement d’eau de mer de Djerba. Rappelons également que les plaintes pour manque d’eau ou de coupure d’eau qui se sont multipliées en 2012 ont abouti au limogeage à tort de 3 directeurs centraux de la Sonede, de grandes compétences malgré tout (celui de la production, de l’exploitation et des études), leur reprochant de n’avoir pas été à la hauteur de la tâche qui leur a été confiée. Les plaintes pour les coupures d’eau à l’époque ont été jugées inadmissibles car le ministre de l’époque a jugé que la Sonede aurait dû anticiper la surconsommation ! En effet si l’on examine le volume distribué en 2012 on voit qu’il a évolué de 8% par rapport à 2011 alors que l’évolution moyenne annuelle avant et après 2012 est comprise entre 2 et 3%.
Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre ?
La fixation des tarifs de l’eau potable n’est pas du ressort de la Sonede. Le décret du gouvernement n°2017-157 du 19 janvier 2017, portant approbation du règlement des abonnements à l’eau potable, précise dans son article 36 que «Le prix de l’eau est fixé par arrêté du ministre chargé des ressources hydrauliques». Or, le Marhp n’a jamais pu augmenter le tarif de l’eau, et ce, malgré les différentes relances de la Sonede et pour lesquels des Conseils ministériels ont eu lieu. Or, le gel de la tarification de l’eau est le frein majeur à la planification des investissements ce qui pousse la Sonede à des solutions d’urgence comme le cas, ces deux dernières années, par le recours à la réalisation de plusieurs forages d’eau pour satisfaire les besoins en eau et supporter de ce fait un surcoût d’exploitation plus important.
La tarification a été augmentée quatre fois sur la période de 2010 à 2016 tout en restant en dessous du prix de revient. Le prix de revient du m3 d’eau distribué a évolué de 18,8% entre 2005 et 2010 et de 13,67% entre 2010 et 2015. En revanche, le prix de vente moyen (y compris la redevance) a augmenté de 3,7% entre la période de 2005 à 2010 et de 24% entre la période de 2010 à 2015. Malgré cette augmentation, l’écart entre le prix de vente moyen et le prix de revient demeure négatif. La perte maximale de 173 millimes/m3 a été observée en 2011. Avec les augmentations de la tarification entre 2010 et 2016, cette perte a baissé pour atteindre 100 millimes/m3 en 2016 mais a grimpé de nouveau à 176 millimes en 2017 suite à l’exploitation des stations de dessalement d’eau saumâtre et à l’augmentation des tarifs de la Steg (le prix de revient est de 837 millimes en 2017).
Comme toute institution de ce genre, la Sonede est appelée à couvrir ses charges d’exploitation à partir de ses revenus issus de la vente d’eau potable. Il faut retenir que la Sonede n’est pas subventionnée par l’Etat comme l’Office national de l’assainissement (Onas) qui reçoit une subvention d’équilibre d’environ 32% de ses charges d’exploitation. C’est aussi à partir de ses revenus que la Sonede devrait engager les travaux d’entretien de maintenance et de renouvellement et/ou extension de ses infrastructures. Or, depuis 2016, la Sonede n’a eu aucune augmentation de son tarif alors que tous les frais d’exploitation ne cessent d’augmenter : frais du personnel, de l’électricité qui augmente au moins 3 fois par an et, par-dessus tout, la dévaluation du dinar qui a fait grimper les frais des produits et équipements importés.
La tarification actuelle de l’eau fournie par la Sonede n’est pas en faveur des populations vulnérables qui est en grande partie alimentée par les groupements de développement agricole avec un tarif variant de 1 dinar à 1,7 dinar le m3 pouvant atteindre 5 dinars le m3 ou plus quand elle est alimentée par des citernes. D’ailleurs cette population réclame des branchements sur le réseau de la Sonede en partie parce que l’eau est moins chère.
Aussi les marchands ambulants vendent l’eau à 100 millimes le litre c’est-à-dire 100 dinars le m3, soit 143 fois le tarif moyen pratiqué par la Sonede. Quant à l’eau en bouteille, le litre est vendu en moyenne à 450 millimes, soit 450 dinars le m3, soit 643 fois le tarif moyen pratiqué par la Sonede. En 2018, les transactions totales des 28 unités de production d’eau minérale ont atteint 782 millions de dinars pour la vente de 2,112 millions de m3 ce qui correspond à 1,86 fois les recettes de la Sonede de 2016 qui a facturé 441 millions de m3 d’eau !.
La Sonede peut-elle interrompre l’alimentation en eau en cas de non- payement ?
L’article 46 du même décret précise «A défaut de paiement à terme échu de tout montant facturé par la société, l’effet de l’abonnement appartenant au débiteur sera suspendu et la société est en droit d’arrêter son alimentation et d’enlever le compteur après mise en demeure resté sans effet. L’abonné est, dans tous les cas, tenu de payer les frais de mise en demeure et rappel de paiement lorsque le non-paiement dans les délais légaux est établi». Or, la Sonede n’a jamais pu suspendre l’alimentation en eau de certains clients. De ce fait, le résultat net d’exploitation indique un déficit en continu.
Ce déficit est engendré par une production d’eau plus chère compte tenu de l’évolution du mode d’exploitation et des sources d’eau brutes et de la tarification qui est largement en dessous du coût de production comme indiqué ci-dessus. De plus, la Sonede n’arrive pas à recouvrir les frais de l’eau facturée. En 2017, les impayés cumulés (sur plusieurs années) qui sont chiffrés à plus de 340 millions de dinars dont 80 millions de dinars au niveau des institutions publiques (hôpitaux, universités, prisons, mosquées, etc.) sont également l’une des raisons de ce déficit. Cette situation a eu des répercussions extrêmement négatives sur les services de la Sonede et surtout sur l’efficience des systèmes de distribution. Rappelons ici que la Sonede ne coupe pas l’eau et ne peut pas couper l’eau car elle gère un réseau à la demande : c’est-à-dire que l’usager dispose de l’eau à chaque fois qu’il ouvre son robinet.
Quelles sont les conséquences de cette politique nationale sur les performances techniques de la Sonede ?
Le rendement global des réseaux de la Sonede est passé de 82,1% en 2010 à 70,3% en 2017. Autrement dit, les pertes dans les réseaux de distribution sont passées de 85,85 millions de m3 en 2010 à 147,87 millions de m3 en 2017, ce qui représente 22,1% du volume facturé en 2010 à 32,6% en 2017. C’est-à-dire que la Sonede n’a facturé en 2017 que 67,4% de l’eau qu’elle a distribuée dans son réseau !
Le volume d’eau prélevé au milieu naturel non vendu a été de 147,6 millions de m3 en 2010 composé de 16,5 Mm3 en tant que consommation autorisée non facturée, 31,6 millions de m3 en tant que pertes apparentes (commerciales ou erreurs de mesures) et 99,5 millions de m3 en tant que pertes réelles (physiques) qui sont composées des pertes réelles sur le transfert d’eau brute et dans les usines de traitement, les fuites sur les réseaux d’adduction et de distribution, les fuites des trop pleins sur les réservoirs du réseau d’adduction et de distribution et enfin les fuites sur les branchements jusqu’aux points de comptage. En 2017, le volume non vendu a atteint 238,8 millions de m3 dont 31,2 millions de m3 en tant que consommation autorisée non facturée, 37,1 millions de m3 en tant que pertes apparentes et 170,6 millions m3 en tant que pertes réelles, soit une augmentation des pertes réelles de 71,45% entre 2010 et 2017. En d’autres termes pour obtenir 100 litres d’eau au robinet il faut prélever au milieu naturel 155 litres.
La vétusté du réseau a fait que les pertes linéaires dans le réseau de distribution ont évolué de 6,2 m3/km/jour en 2010 à 9,1 m3/km/jour en 2017, soit une évolution des pertes de 46,77%.
Ces pertes auraient pu être réduites si la Sonede avait les moyens matériels pour renouveler les réseaux, améliorer les techniques de comptage, mieux équiper les réservoirs pour éviter les débordements, etc. A titre indicatif, les pertes réelles sont de 2,2 fois la capacité des cinq stations de dessalement d’eau de mer (Djerba déjà en service, Sousse, Sfax, Zarrat et Kerkennah en cours de réalisation). En 2017, la Sonede gère 54.154 km de conduite dont 40% sont vétustes et nécessitent le remplacement. Ces conduites occasionnent non seulement des pertes mais ne permettent plus de faire transiter les débits à cause des dépôts ce qui oblige la Sonede à réduire les volumes de transit dedans pour éviter les casses.
La Sonede gère une infrastructure vétuste, avec une capacité dépassée et donc en surcharge et avec cela, elle assure un taux de couverture en milieu urbain de 100% et de 84,5% à l’échelle nationale, tout milieu confondu. En 2017, la Sonede alimente 2,884 millions d’abonnés contre 2,304 millions en 2010 avec un personnel qui ne cesse de diminuer (6.830 agents en 2010 à 6.318 agents en 2017) à cause des départs à la retraite non remplacés.
Comment qualifiez-vous la situation de l’alimentation en eau potable ?
Le feu est au rouge ! En attendant la mise en place des infrastructures programmées par le Marhp et celles prévues par la Sonede qui ne verront le jour que vers 2022 voire 2025, la situation de la Sonede et celle de son infrastructure ne permettront pas de faire face à la demande en eau sans cesse croissante surtout pour les cinq prochaines années où les pointes estivales seront amplifiées par le jour de l’Aïd El Idha et les jours de fortes chaleurs. Quels que soient les efforts techniques de la Sonede, la sécurisation de l’alimentation en eau potable demeure difficile, voire impossible sans une révision substantielle de la tarification de l’eau et le renouvellement urgent de son réseau vétuste. Rappelons que la tarification est un instrument efficace pour réduire les consommations d’eau.
La Sonede devra réviser le modèle de tarification lui-même car actuellement 80% de l’eau distribuée est consommée par les abonnés domestiques. Elle devra aussi envisager l’installation de compteurs d’eau à carte prépayée pour deux raisons : éviter le non-paiement des factures mais surtout réduire les consommations.
Avec cela, le citoyen tunisien doit retenir définitivement que nous n’avons pas assez d’eau même avec les barrages pleins et qu’il doit absolument veiller à un usage rationnel de l’eau et éviter tout gaspillage. La récupération des eaux pluviales pour les besoins domestiques est une solution immédiate à considérer afin de limiter les risques. Le droit à l’eau est un droit constitutionnel mais actuellement ni la Sonede ni l’Etat ne peuvent le garantir même si le nouveau code des eaux est promulgué.
Que pensez-vous des programmes d’investissements annoncés par la Sonede et le ministère de l’Agriculture pour sécuriser l’alimentation en eau ?
Malgré tous les investissements programmés, nous aurons encore moins d’eau d’ici 2025. Je m’explique : la Tunisie est en situation de pénurie d’eau absolue avec moins de 400 m3/Hab./an en ressources renouvelables et cela depuis plus de 30 années. La production supplémentaire d’eau potable à partir des eaux de mer (environ 80 millions de m3 d’ici 2022-2025) ne pourra pas couvrir les pertes de stockage de l’eau au niveau des barrages évaluées à environ 25 millions de m3/an ni les pertes dans les réseaux (eau potable et irrigation) qui ne font qu’augmenter d’une année à l’autre.
Tout pour dire que d’ici 2025 nous aurons encore moins d’eau qu’aujourd’hui, et ce, malgré tous les investissements projetés et surtout nous aurons une eau de moindre qualité que maintenant avec l’augmentation de la pollution et la surexploitation aux niveaux des eaux souterraines et donc des coûts de production de l’eau potable encore plus importants. Sans parler des difficultés et des conflits de gestion de l’eau que fera surgir la décentralisation.
Ce que les décideurs doivent retenir c’est que la Tunisie a dépassé la situation de stress hydrique et se trouve plutôt en situation critique ou de crise pour la simple raison que la Tunisie vit sous l’état de pénurie d’eau absolue depuis plus de 30 ans. Cette situation n’est pas sans conséquence sur les écosystèmes qui sont les premiers usagers de la ressource et qui se sont retrouvés privés de leurs besoins vitaux par une mobilisation excessive de l’ensemble des ressources de surface. Pour cela, il conviendra à notre avis de se référer plutôt à l’indicateur 6.4.2 de l’objectif 6 des ODD appelé «intensité du prélèvement d’eau ou stress hydrique calculé comme étant «le rapport entre le volume total d’eau douce prélevé par les principaux secteurs économiques et le total des ressources en eau douce renouvelables, après prise en compte des besoins en eau de l’environnement». Selon les études de la FAO et UN Water, l’intensité de prélèvement qui est calculée et classée en quatre classes : SH < à 10%,10% <SH<25%, 25% <SH<70% et SH > 70% indique que la Tunisie est située dans la classe 4 avec un stress hydrique de 94,% en 2014 qui a évolué à 121% en 2015.
Nous retenons également qu’avec les effets du changement climatique qui impliquent une augmentation de la température et donc des besoins en eau plus importants aussi bien en eau potable que pour les besoins agricoles, accompagnée d’une baisse de la pluviométrie et des sècheresses plus longues et plus intenses, il demeure utopique d’envisager la sécurisation de l’alimentation en eau potable si l’on ne sécurise pas l’alimentation en eau agricole (irrigation et cheptel).
Selon la FAO avec moins de 1000 m3/Hab./an, le développement est tout simplement compromis et moi je dirais la sécurité de l’Etat est compromise aussi. La Tunisie a besoin d’eau, voire même de beaucoup d’eau. Même avec un gain sur les pertes d’eau de 30%, la Tunisie demeurera en situation de pénurie d’eau absolue avec moins de 500 m3/Hab./an.
Alors, pour la stratégie eau 2050, il va falloir chercher 600 m3/Hab./an supplémentaires, soit environ 8 milliards de m3 par an qui pourront être produits à partir du dessalement d’eau de mer non pas avec l’énergie conventionnelle mais avec du CSP (Concentrated Solar Power). Une partie de cette eau aura un usage stratégique. Elle servira à stabiliser la production de l’huile d’olive, notre unique atout pour la sécurité alimentaire face aux effets du changement climatique. Aussi la gouvernance de l’eau devra être revue et placée à un niveau supérieur et en dehors du ministère de l’Agriculture qui ne peut être juge et partie. Comme la défense, l’eau relève de la sécurité de l’Etat et donc de nouveaux mécanismes de gestion sont à développer. Les solutions techniques sont connues et maîtrisées, reste la volonté politique pour un changement de paradigme dans la gestion de l’ensemble des ressources naturelles.
Sami Del Pedro
26 août 2019 à 12:38
7ata mel lecteurs tekdheb 3lehom e sabrine loooool