Il y a à peu près deux ans que Coucou Beach nous a dit «Coucou ! me voilà». Il s’agit d’un presqu’îlot, naguère non habité. Classée Ramsar (convention internationale), cette zone est évidemment humide (au même titre que la lagune de Ghar El Meleh), protégée et strictement réservée à l’habitat des oiseaux d’eau. Il n’y a pas si longtemps, cette plage de 5 kilomètres de long n’était accessible que par voie maritime, à partir du littoral opposé de Sidi Ali El Mekki. La distance à traverser est de deux km et demi. La splendeur et la beauté féerique de Coucou Beach ont tôt fait de motiver un grand nombre de commerçants de la bouffe à courir plus vite que le vent vers les lieux, pour y installer des restos de fortune (en bois). Mettant tout leur génie et leur savoir-faire pour attirer des flux vertigineux de baigneurs bigrement éblouis et séduits par les accessoires multicolores soigneusement mis à leur disposition ( navettes maritimes entre les deux rives, paillotes flottantes, balançoires, etc.). Détails.
Sincèrement dit, je ne sais quoi dire et ne pas dire, par quoi commencer et par quoi terminer, au sujet du phénomène Coucou-Beach qui nous a dit du jour au lendemain «Coucou ! Je suis là!»
Une aura médiatique sans précédent
Ce phénomène qui vient de crever les écrans sur les réseaux sociaux, à commencer par «M Facebook», et susciter la curiosité et faire couler l’eau à la bouche des centaines de milliers de visiteurs du site publicitaire zoomant sur la plage des rêves «Coucou-Beach», rappelant celles de Haïti et des îles Seychelles. A travers des vues panoramiques fantastiques, des images fixes, fixant les baigneurs se prêtant à des bains de soleil sur d’originales balançoires-jardins.
D’autres, se gavant en famille de complets poissons (daurades délicieuses de Ghar El Meleh) succulents, sur des paillotes flottantes ou installés sur le sable soyeux et farineux de Porto Farina… Les mêmes prises de vue nous rapportent aussi les passionnantes traversées et navettes effectuées par les vacanciers, tous gais et tous heureux comme un poisson dans l’eau. Mais ce qui ne semble pas du tout gai, c’est les tarifs pratiqués par les restaurateurs de fortune, pas moins d’une cinquantaine installés dans des cabanes en bois, juste grandes pour cuisiner dans des conditions rudimentaires, pour ne pas dire
primitives. Sans eaux, sans frigos, sans installations sanitaires et sans courant électrique, le courant ne passe évidemment pas entre des commerçants gloutons de la bouffe et «messieurs-dames hygiène», mis, du jour au lendemain, devant le fait accompli et le passe-droit acquis !
Des tarifs à «discipliner»
Cela dit, pourquoi le qualificatif péjoratif attribué à ces gens. Eh bien, parce que leurs tarifs sont astronomiques et exorbitants. Il s’agit d’un «package» convenu entre les membres de l’anarchique confrérie : soixante-dix dinars par «tête de pipe», comprenant le boire et… le manger, ainsi que le transport par embarcation du client, du port de pêche de Ghar El Meleh à celui opposé de Coucou. Celui qui «atterrit» à «Coucou Beach», par voie terrestre, n’est redevable que du prix de la bouffe : soixante-cinq dinars. Par mauvais temps, lorsque la plage fait le vide, ces tarifs sont unanimement révisés à la baisse, du reste légère.
Il faut être «l’enfant du Bon Dieu»
Comme on le constate bien, toutes les commodités offertes ne sont pas à la portée de n’importe qui. Il faut être «l’enfant du Bon Dieu» pour pouvoir se les payer, surtout lorsqu’on s’amène avec toute sa «tribu».
Pour les misérables salariés, Dieu est grand ! Ils ont tout le loisir de jouir en regardant jouir à loisir les aisés !
Ils doivent compter sur la solidité de leurs biceps pour transporter leurs propres accessoires balnéaires (parasols, glacières, chaises et tables pliantes) pour camper au bord de l’eau, à tout petits frais sans hypothéquer leurs fins de mois, déjà suffisamment pénibles par ces temps de disette de sons. Ils sont alors obligés de joindre Coucou Beach par voie terrestre, à partir de la localité d’Utique Nouvelle, une voie de douze ou treize kilomètres, partiellement non goudronnée.
D’où vient ce nom ?
La première question que je me suis posé en menant mon enquête sur le phénomène Coucou Beach, c’est d’où nous tombe ce singulier nom prêté à cette énigmatique plage? La réponse nous a été livrée par le brave maire d’Utique, Mr. Habib Hammami.
«Cette plage était complètement vierge», inhabitée et presque isolée. Elle n’etait accessible que par voie maritime à partir du littoral de Ghar El Meleh. Jadis, un monsieur de nationalité maltaise, du nom de Coucou y campait chaque été pour se défouler avec les siens et organiser des orgies loin des regards indiscrets de tous, autochtones et autorités confondus.
Une zone humide classée Ramsar
Quant au représentant de l’Apal, Mr Samir El Aousji, il nous précise que le site en question est un presqu’ilôt. Son littoral est de cinq kilomètres de long. Selon le découpage administratif actuel, quatre kilomètres rélèvent de la commune d’Utique. Tandis que la mineure distance restante relève des autorités communales de Ghar El Meleh.
Le site en question, nous apprend Mr Aousji, fait partie de la zone humidé protégée de Ghar El Meleh. Il s’agit d’un site servant d’habitat aux oiseaux d’eau de toutes espèces, toute la zone étant classée Ramsar. J’ai en l’occasion précédemment de publier des données sur le traité international de Ramsar, à l’occasion de la publication de deux reportages sur la zone humide de Tazarka (voir les papiers intitulés «Le vent dans les voiles» du 10 juillet 2019 et «Adieu les oiseaux d’eau» du 3 août 2019). Je n’ai aucune gêne à la réexpliquer, me référant ou bel «ami» Google, auquel je suis toujours redevable.
Un traité à respecter
La convention de Ramsar, relative aux zones humides, est d’un haut intérêt international. Dans la mesure où elle vise la préservation du sacro-saint équilibre écologique, exposé à de gros risques dans les quatre points cardinaux de notre planète. Ces zones sont destinées à servir de zones d’habitat aux oiseaux d’eau. Il s’agit d’un traité international, cosigné par pas moins de 180 pays, soucieux de la qualité de l’environnement, en date du 2 février 1971 à Ramsar.
Il s’agit d’une grande ville iranienne, située au beau milieu d’une immense zone humide.
Objectifs essentiels de ce traité :
– Optimiser la conservation et l’exploitation durable des zones humides
– Enrayer la dégradation et la disparition de ces sites. Ceci eu égard à leurs fonctions écologiques considérables et leur valeur économique, culturelle et scientifique.
Le site hors risque environnemental
Cette divagation faite et cette parenthèse fermée, revenons- en à notre «Monsieur Apal», pour lui réclamer une réponse scientifique à la question de savoir si l’exploitation de la plage coucou, en période estivale, expose le site à des risques environnementaux, l’intéressé nous rassure :
«Pas du tout. Pourvu qu’on n’y construise jamais rien en dur et en béton. Pourvu aussi qu’on le préserve strictement contre tout rejet polluant, sanitaire et autre. En dehors de l’été et pendant tout le reste de l’année, le site est tranquillement livré au repos écologique. Ce qui drainera massivement les oiseaux d’eau. Chose considérée comme étant un signe indiscutable de bonne mentale du site et de maintien de l’équilibre écologique».
Parer au risque de submersion
Le bref entretien effectué en parallèle avec le directeur général de l’Apal, M.Mohamed Ben Jeddou, m’a convaincu de la détermination indéfectible de celui-ci d’exploiter ce beau cadeau du ciel d’une maîtresse façon : ceci non sans exprimer sa crainte de voir l’érosion faire des siennes, en submergeant la plage coucou. L’homme «number one» de l’Apal rassure le large public passionné de ce site qu’une étude sera élaborée par l’Apal avec la collaboration du Pnud, pour contrecarrer le risque de submersion et de disparition, menaçant cette plage.
M.Mohamed Ben Jeddou annonce l’imminente élaboration d’un plan de gestion, mettant le site à l’abri de l’anarchie dont il est malade aujourd’hui.