Les Rencontres cinématographiques de Hergla ont dédié leur 14e édition (19-22 août 2019) au cinéma d’animation. Une rétrospective presque complète de films a été présentée en présence de certains de leurs auteurs de différentes générations.
Les Rencontres cinématographiques de Hergla sont une belle opportunité qui a permis de rendre hommage aux artisans du cinéma d’animation et à ceux qui contribuent à sa fabrication. Parmi les absents à cette fête, le réalisateur de « Jahjouh », Samir Besbes, qui vient de tirer sa révérence depuis quelques jours. « Jahjouh II », projeté à cette occasion, est un court métrage de 12 minutes réalisé en 1991 et devait faire partie d’une série destinée au public des enfants, et ce, à l’instar du personnage de « Tintin ». Le film n’est pas forcément un chef-d’œuvre mais il se caractérise par une identité tunisienne qui fait son originalité.
Samir Besbès était mû par la volonté de faire du cinéma d’animation un genre à part entière. Or, malgré les progrès techniques et le passage de l’animation image par image à l’image de synthèse et l’image tridimensionnelle, ce cinéma n’a pas évolué et est resté mineur par rapport aux autres formes cinématographiques. L’ambition de Samir Besbès s’est émoussée au fil des années et son souhait de voir éclore une industrie du cinéma d’animation a fait long feu. Les moyens financiers étant rares et l’offre quasi-absente, le réalisateur s’est consacré à l’enseignement à l’IFS (Institut de formation des animateurs culturels) et à l’Isad (Institut supérieur d’art dramatique), et ce, dans l’espoir d’une relève plus résolue.
Le cinéma d’animation tunisien n’a pas beaucoup évolué. La production est limitée à un ou deux courts métrages par an, les derniers en date : « La symphonie de la vie » de Mustafa Taïeb et « Briska » de Nadia Rais. Il n’y a pas lieu de chercher midi à quatorze heures, le marché n’existe pas, les subventions sont rares et le cadre pouvant réunir les professionnels et défendre le métier manque. Le cinéma d’animation demeure un genre mineur en Tunisie et à la limite clandestin sans espoir d’être promu à un avenir meilleur. L’initiative des Rencontres cinématographiques de Hergla est louable à plus d’un titre parce qu’elle a permis d’attirer l’attention sur ce cinéma et d’honorer ses auteurs mais il reste beaucoup à faire.
Ailleurs, sous d’autres cieux, le cinéma d’animation, notamment le dessin animé, se trouve à la tête du box-office. Les grandes nations comme les USA, le Japon ou la France accordent une place de choix à ce secteur cinématographique qui génère des recettes considérables et emploie des milliers de techniciens. Sur le plan de la création, l’exploitation forte du territoire imaginaire est un des privilèges que la fiction ne peut accorder. Dans un article paru dans le journal français « Le Monde » sous le titre « Le cinéma d’animation, une success story à la française » (3 décembre 2017), on peut lire : « La production de films d’animation et d’effets visuels est aujourd’hui quasiment le seul secteur artistique dans lequel, depuis 2000, les salaires ont augmenté en même temps que l’activité… Il recrute massivement dans tous les métiers, de la préproduction (scénariste, story boarder, character designer) à la postproduction (effets spéciaux), en passant par tous les métiers techniques de la 3D (modeleur, rigger, animateur, directeur technique etc.) ». Le secteur compte plus de 7000 salariés et la rémunération est de 200 euros bruts par jour. Face à l’avenir incertain, il est permis d’envisager qu’un jour nos animateurs migrent en Occident à la recherche d’un boulot dans l’un des laboratoires étrangers.