Le candidat Mehdi Jomaâ présente son programme électoral : Une bonne campagne, mais une capacité de mobilisation assez mitigée

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« Par le passé, le Tunisien avait des projets comme s’acheter une voiture, acquérir une maison. Aujourd’hui, il se démène pour nourrir sa famille et lui trouver des médicaments. »

Hier, Mehdi Jomaâ, après ses nombreux périples à travers le pays, a pris le temps de souffler un peu, pour présenter aux journalistes son programme électoral. Une conférence de presse matinale qui s’est tenue dans un hôtel de Tunis. Une fois n’est pas coutume, le candidat à la présidentielle a préféré céder la primeur à Hédi El Arbi, membre du bureau politique de son parti El Badil et son directeur du programme économique et social. M. El Arbi, universitaire de son état, a exposé un bilan chiffré de la situation actuelle présentée comme « catastrophique ».

Mehdi Jomaâ prend la parole ensuite. Il a tenu à rendre hommage à l’Etat, aux forces de l’ordre, aux hautes compétences. Le but étant de dissocier la classe dirigeante des capacités dont regorge le pays. Jomaâ conteste le bilan du gouvernement sortant, ainsi qu’un modèle de gouvernance totalement dépassé. Il rejette également les solutions préconisées, archaïques ou non réalistes. Il se dit étonné qu’« ils » se représentent aux élections avec un bilan aussi mauvais. « La magistrature suprême n’est pas une lubie, il faut être habilité pour prétendre y accéder. »

Et le candidat à la présidentielle de brosser le profil idéal d’un président de la République : « Il doit avoir de l’expérience dans la gestion, être un bon négociateur, être doté d’une grande culture économique, financière et technologique et cultiver de bonnes relations avec les institutions financières internationales».

Chaque Tunisien qui naît pèse sur sa tête une dette de 8.000 DT

« Je me suis porté candidat à la présidentielle, parce que je porte en moi les attentes des Tunisiens, explique-t-il encore, et leurs revendications légitimes. Par le passé, le Tunisien avait des projets comme s’acheter une voiture, acquérir une maison. Aujourd’hui, il se démène pour nourrir sa famille et lui trouver des médicaments. Le pouvoir d’achat est en chute libre. Chaque Tunisien qui naît pèse sur sa tête une dette de 8.000 DT. « Ils » s’endettent encore et encore, pour quelles raisons d’après-vous ? Pour rembourser les premiers crédits contractés. Voilà la vérité. »

Mehdi Jomaâ n’a pas hésité à fustiger la classe politique, son discours, voire ses mensonges : « J’ai passé les deux dernières années à faire des tournées dans la Tunisie profonde. J’ai vu comment les Tunisies vivent et j’ai constaté de fait le décalage entre le discours politique et le vécu de nos concitoyens. Aujourd’hui, le Tunisien se bat pour survivre. Avec 10 DT, il ne peut plus remplir son couffin, tout juste acheter 1 kg de figues», ironise-t-il. Et de poursuivre : « Comment est la situation dans les hôpitaux, quelles sont les menaces qui pèsent sur la pension des retraités. »

Un think-tank en guise de plateforme programmatique

Le ton est donné. Le candidat Jomaâ se veut distant, transcendant les querelles de chapelle politico-politiciennes. C’est un expert au fait des innovations technologiques, économiques et financières. Mais c’est aussi un homme politique qui se veut  rassembleur « qui n’a pas l’intention de diviser les Tunisiens ». C’est aussi le candidat qui a des solutions précises pour sauver le pays et mettre en œuvre les grandes réformes.

Brandissant son think-tank qui fait office de plateforme programmatique concrète autour de laquelle s’est cristallisé le parti El Badil. Une formation politique certes, mais qui s’interdit de débiter des discours creux, des slogans accrocheurs et vides de sens. Mehdi Jomaâ, un candidat qui se veut sérieux, qui s’engage devant les Tunisiens à proposer des réformes concrètes sur lesquelles ont travaillé un groupe d’experts polyvalents depuis plus de deux ans maintenant. « Le diagnostic est précis, les problèmes doivent être traités dans une vision globale. Les institutions doivent travailler en complémentarité. »

Une image floue

Les  principaux axes du programme présidentiel se présentent comme suit : la souveraineté nationale qui comprend la sécurité aussi bien militaire, alimentaire, écologique, qu’économique. La préservation et la valorisation des richesses agricoles. La préservation du pouvoir d’achat. La maîtrise des réseaux de distribution. Et une diplomatie au service des intérêts stratégiques nationaux. « L’Etat doit être fort et la loi appliquée à tous. »

Mehdi Jomaâ a été très sollicité par les journalistes qui se sont déplacés massivement pour couvrir sa conférence. Il a répondu en arabe, en français, peut-être même en anglais. Ses réponses étaient prêtes. Il connaît ses dossiers. Il est en train de faire une bonne campagne dirigée par des professionnels. C’est perceptible. Il a tourné des vidéos de proximité avec les Tunisiens dans la rue, dans les villes. D’autres où il met en scène  sa famille. On connaît l’homme, le père, le mari et le candidat. Il est toujours souriant, bienveillant. Il renvoie une image rassurante presque de gendre idéal. Malgré cela, son image dans la tête d’une partie des Tunisiens reste floue. Pourquoi ? A cause de cette incapacité de le positionner sur l’échiquier politique. Ce n’est pas un homme de gauche, ce n’est pas un populiste. Il ne fait non plus figure de démocrate réformiste. Sur ce volet important, d’autres candidats sont mieux positionnés que lui.

Qu’est-ce qui reste ? C’est l’homme issu du Dialogue national. Il a été l’homme du consensus, le chef dans un gouvernement de soudure entre la démission de l’un en attendant l’élection de l’autre. C’est maigre. Ajoutez à cela une capacité de mobilisation qui gagne à être renforcée. Une fois que c’est dit. Quelles sont les chances de Mehdi Jomaâ d’atteindre le premier tour ? Seuls les électeurs décideront.

Hella LAHBIB

Un commentaire

  1. Yasmina

    11/09/2019 à 20:39

    sorry, a quick grammar bruching
    SI Mehdi Jomaa est parmi les rares candidats qui peuvent être filtres pour une sélection finale, mais nous aimerions le voir plus comme premier ministre que président car si non c’est un gâchis (les prérogatives du président sont limitées et si son parti ne gagne pas la majorité, son programme restera encre sur papier). Un autre problème c’est sa chance dans les zones rurales qui pourrait être faible. Ces votes représentent une partie large de la population mais très manipulable par les …(il a fallu commencer a être plus présent depuis le début de la mise en place de son parti partout). De plus, ces critiques continues (et ont commence depuis un bout) envers l’équipe gouvernementale actuelle et surtout YCH lui ont valu des points, il aurait pu se distinguer sur ce plan des autres et nous épargner cette énergie négative car les tunisiens ont en marre (même s’il a raison). Par ailleurs, le risque de fragmentation de vote guète toute la famille centriste et de gauche, et donc a mon avis, s’il se présente avec un « move » courageux, « selfless », et stratégique, de fédération des voix centriste autour d’un ou deux candidats (incluant lui même ou autre ; les tunisiens lui reconnaitront de telle initiative pour longtemps), quitte a sacrifier la présidence pour gagner une majorité dans les prochaines élections qui importent plus.
    In these moments we really need this serenity prayer « God grant me the serenity. To accept the things I cannot change; Courage to change the things I can; And wisdom to know the difference » . I wish Tunisia and all of us good luck and a successful vote!

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