Assurer la neutralité des mosquées est un défi difficile à relever en raison du grand nombre de lieux de culte avoisinant les 4500 et l’incapacité du ministère des Affaires religieuses à les contrôler
Il a suffi de quelques secondes pour l’imam prédicateur de la grande mosquée située en face du mausolée Boulbaba à Gabès pour faire passer un message électoral aux fidèles et s’immiscer dans des questions d’ordre politique lors du prêche du vendredi 29 août. Sur un ton moqueur, il n’a pas manqué de critiquer le ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et du Pêche (sans le nommer) en matière de gestion de la dernière récolte céréalière et les ambitions de ce dernier d’accéder au ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale.
Une parenthèse ouverte par l’imam lors du prêche du vendredi consacrée pourtant à l’Hégire du Prophète et les débuts de l’Islam. Aucun lien entre les deux sujets, mais l’imam tente de rappeler que les musulmans ne pourront rien changer en se cantonnant dans l’immobilisme. Plus loin, il se penche sur la situation de la région de Gabès en matière de développement et de respect de l’environnement. Qu’a-t-on fait pour ce gouvernorat ?, se demande-t-il contrairement aux projets réalisés dans d’autres régions.
Ne se limitant pas aux questions se rapportant à la pollution dans la région de Gabès, l’imam est comme obnubilé par un sujet qu’il n’ose pas dévoiler clairement. Mais l’envie l’emportant sur la retenue, la sacralité du lieu de culte est bafouée et l’anathème est très vite jeté sur le gouvernement. Une brève accusation qui en dit long sur les tentatives de récupération du discours religieux depuis la révolution.
Au pouvoir d’influence de l’imam s’ajoutent ce détournement politique de la religion dans les lieux de culte et la liaison dangereuse entre religion et politique donnant lieu à des dépassements qui peuvent déstabiliser et mettre en péril le processus électoral. Le message vise à inciter les fidèles à boycotter les candidats à la présidentielle cités par l’imam en question. Assurer la neutralité des mosquées est un défi difficile à relever en raison du grand nombre de lieux de culte, avoisinant les 4500, et l’incapacité du ministère des Affaires religieuses à les contrôler, comme l’a confirmé récemment le ministre Ahmed Adhoum. Ce dernier avait souligné que la « garantie de l’intégrité électorale est une responsabilité partagée entre tous, y compris les imams prédicateurs ». Le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections a de son côté appelé les imams à « œuvrer à garantir des élections loyales et démocratiques et à faire preuve de neutralité face aux tentatives d’instrumentalisation partisane ». Un appel qui espérons-le ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd.
A rappeler qu’une nouvelle charte pour les imams visant à garantir la neutralité dans les mosquées sera bientôt publiée.