Namur n’est pas difficile à définir. Il s’agit d’un festival axé exclusivement sur les films d’auteur d’obédience francophone même si, parfois, certains films en version originale parlent la langue de leur pays avec sous-titre anglais à l’instar de la «Longue marche». Pas de tapis rouge ni de paillettes. Même les stars présentes comme Leaticia Casta ou Sami Nasri sont vêtues comme tout le monde.
La majorité de la population belge est flamande notamment celle qui tient les affaires du pays, les Wallons sont minoritaires mais s’imposent par la culture. Namur offre son territoire au 7e art en organisant tous les ans le Festival du film francophone qui en est à sa 34e édition. L’organisation est parfaite, l’accueil convivial et le service de presse à la hauteur des attentes des médias.
La sélection de films de cette année est marquée par la diversité culturelle et la liberté de création et d’expression. Différence de race, différence de classe, différence de sexe, etc. s’entrecroisent dans les films proposés en compétition ou hors compétition dans la section «Les Pépites». Chaque cinéaste a son angle de vue sur la vie, les mœurs, les cultures des uns et des autres. Tous s’expriment sans réserve sur des sujets encore tabous dans certaines sociétés.
L’usure du couple
Les problèmes sur l’usure du couple et l’infidélité sont légions : «Chambre 212» de Christophe Honoré, film français présenté à l’ouverture, traite de manière originale la séparation d’un couple après 20 ans de mariage. L’épouse décide de quitter le domicile conjugal et de s’installer dans une chambre d’hôtel en face. Et, dans cette chambre, défile le film de sa vie. Léger et ne manquant pas d’humour, le film nous fait vivre les heurts et bonheur d’une vie à deux qui devient ennuyeuse au fil des ans. Ne dit-on pas que la routine tue l’amour?
Les ambitions de l’un mettent en danger le couple. Dans «Notre dame» de Valérie Donzelli, une architecte voit son ménage voler en éclats à cause de ses appétences professionnelles. Elle essaie de ménager le chou et la chèvre pour mener à bien sa carrière sans gâcher la vie des siens. Une mission difficile à remplir lorsqu’on doit concilier le privé et le public.
Le film roumain «Monstres» de Marius Olteanu pioche dans le même registre. Après 10 ans de mariage, un couple abîmé par la routine doit prendre la décision de laisser l’autre partir, ce qui serait une preuve d’amour, la plus grande qui soit. Même son de cloche pour le film français «Perdrix» d’Erwan Le Duc. L’arrivée d’une femme dans la vie d’un homme va bouleverser son existence et celle de sa famille. Comme une forte tempête qui efface les frontières, le couple doit retrouver ses repères pour que leur vie à deux continue.
Le tableau n’est guère joyeux du côté des films tunisiens. «Noura rêve» de Hind Boujemaâ est un drame vécu par une mère de famille de la classe moyenne dont le mari, un goujat en taule, s’amourache du frère d’une collègue. A-t-elle le droit à cette escapade amoureuse ? Elle paiera cher cette infidélité, risquant de tout perdre. Le film dresse le portrait d’une femme qui se veut libre, campée par Hind Sabri dont le jeu est d’une grande justesse, qui n’a pas peur d’affronter une société violente à l’égard des femmes qui trompent leur mari même dans le rêve.
«Un fils» de Mehdi Barsaoui est l’histoire d’une trahison. Un couple avec un enfant apparemment heureux voit sa vie basculer suite à une attaque terroriste qui touche leur fils. Presque tout le film se déroule à l’hôpital où les analyses révèlent le secret. Corruption, trafic d’organes complètent ce tableau noir d’un pays à vau-l’eau à l’instar de ce couple dont l’image s’est froissée. Sami Bouajila incarne avec authenticité le rôle du père désespéré dont le seul espoir est de sauver son fils d’une mort imminente.
La femme victime de l’intégrisme
Plus engagés dans l’actualité socio-politique, certains autres films sont des cris retentissants sur des valeurs compromettantes ou sur l’incompréhension et la difficulté de l’acception de l’autre à l’instar des films québécois «Kuessipan» de Myriam Verreault, un film d’une beauté âpre sur les Innus, des habitants canadiens vivant dans des réserves et les préjugés qu’ont les Canadiens blancs sur leur vie. C’est l’histoire d’une amitié entre deux filles perturbée par l’arrivée d’un blanc dont l’une d’elles tombe amoureuse. Un regard tendre sur cette communauté méfiante à l’égard des étrangers. Dans la même veine, «Une colonie» de Geneviève Dulude-De Celles se frotte aussi avec aplomb et sensibilité aux autochtones à travers une histoire d’amour entre une fille et un garçon. Il est clair que les préoccupations essentielles des Canadiens portent sur l’acception de l’autre et la réconciliation quoique difficile avec les autochtones, premiers habitants de ce pays.La femme est au centre de plusieurs films de la sélection dont «Les épouvantails» de Nouri Bouzid, réquisitoire impitoyable sur les années 2013 sous la Troïka dont le bilan est néfaste notamment concernant l’envoi des jeunes devenus intégristes dans les zones de combat en Syrie et particulièrement les filles à qui on a promis le paradis. Nouri Bouzid, dans ce troisième opus sur l’intégrisme religieux, fait le portrait poignant de deux jeunes femmes de retour dans leur pays qui subissent sévices et incompréhension et sont condamnées à vivre dans l’anonymat ou à se suicider. Le Sénégal n’est pas épargné par la montée de l’extrémisme religieux. «Le père de Nafi» de Mamadou Dia évoque avec subtilité la mainmise d’un groupe fondamentaliste sur une petite ville du nord du Sénégal. Par ailleurs, le film interroge certaines traditions répandues comme le mariage arrangé où les femmes sont victimes des pressions familiales et sociales.Le film marocain «Adam» de Maryam Touzani combat les préjugés et les idées reçues sur les femmes célibataires. Filmées en intérieur, deux femmes affrontent le regard des autres et les qu’en-dira-t-on dans une société oppressante qui n’autorise pas la femme à élever un enfant surtout s’il a été conçu dans le péché. La réalisatrice, qui maîtrise bien ses personnages, pointe du doigt en creux une société machiste qui s’enfonce dans l’intégrisme et réfute les libertés