Patriote jusqu’à la moelle des os, Tahar Ben Ammar a été l’un des leaders fondateurs du mouvement national. Il restera toujours vivant dans notre mémoire collective pour avoir été celui qui a signé, le 20 mars 1956, les protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation
Grand de taille, imposant respect et inspirant confiance, Tahar Ben Ammar restera toujours vivant dans notre mémoire collective pour avoir été l’homme qui a signé, le 20 mars 1956, à Paris, les fameux protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation.
L’histoire retiendra aussi qu’il vécut, deux années plus tard, lui ainsi que sa famille, une dure épreuve, fruit d’une terrible injustice. Une épreuve qui n’a fait que le grandir davantage aux yeux de ses compatriotes, non seulement parce qu’il était innocent mais aussi parce qu’il avait réussi à rester digne et égal à lui-même tout au long de l’épreuve et jusqu’à son décès, le 8 mai 1985, à Tunis.
Un événement rendu encore plus triste à cause du quasi-black out officiel et médiatique imposé par les décideurs politiques de l’époque et qu’il faudrait considérer comme une honte pour eux. Ces derniers n’ont ni organisé des obsèques nationales pour le grand leader ni exprimé une quelconque solidarité avec la famille du disparu.
Avant cela et jusqu’à la fin des années 1980, le parcours, le combat et les faits d’arme du grand leader seront occultés et systématiquement gommés de l’historiographie officielle du mouvement national. Ce n’est qu’après la destitution fin 1987 du président Bourguiba que le nom de Tahar Ben Ammar refit surface.
Commencera à partir de cette époque-là la réhabilitation de la mémoire du grand leader et son nom sera donné à une avenue à El Manar à Tunis. Lundi, 14 octobre courant, le président de la République par intérim inaugurait un boulevard qui reçut son nom et qui relie Carthage à La Marsa, du côté de la grande mosquée.
Patriote jusqu’à la moelle des os, Tahar Ben Ammar était, au moment de l’indépendance de la Tunisie, premier ministre du roi Mohamed Lamine Bey et chef du Gouvernement tunisien, au nom duquel il avait conduit les négociations ayant abouti à ce glorieux et historique événement.
Il a assumé la lourde tâche déjà citée car il était aussi un homme de consensus, et en tant qu’indépendant, il avait réussi, quelques années auparavant, à réunir autour de lui les représentants des différentes composantes du mouvement national au sein d’un front uni.
Tahar Ben Ammar était, avant cela, l’un des fondateurs, en 1920 du Parti libéral constitutionnel, ou Parti du Destour, que dirigera le grand et premier leader du mouvement, Abdelaziz Thaalbi. Il a été aussi le chef de la deuxième délégation du même parti, à Paris, président de la Chambre de l’agriculture, président de la section tunisienne du Grand conseil et a assumé plusieurs autres responsabilités.
Une jeunesse laborieuse
Né le 25 novembre 1889, à Tunis, dans une famille de riches propriétaires terriens, d’origine libyenne, Tahar Ben Mohamed Ben el Haj Ali Ben Ammar, dont la mère est d’origine algéro-tunisienne, incarnait l’idéal d’un militantisme à la fois intègre, désintéressé, courageux et sage.
Après ses études primaires, il intégra le lycée Alaoui, puis le lycée Carnot. Au cours de sa scolarité au sein de ce dernier établissement il sera influencé par son professeur, un Français anticolonialiste et aux idées progressistes, qui lui fit découvrir les avantages de l’esprit coopératif agricole, orienta ses lectures et lui fit aimer le théâtre.
La mort subite de son père en 1908, à l’âge de 65 ans, alors qu’il était en terminale, le priva de la chance d’obtenir son bac. Son grand-père encore vivant l’appela, en effet, à ses côtés pour le seconder dans la gestion des biens de la famille.
C’est ainsi qu’il put améliorer ses compétences de grand agriculteur et, une année plus tard, son grand-père l’envoya au Sud de la France pour parfaire lesdites compétences. Il en profitera pour entreprendre un voyage à Paris où il put assouvir sa soif de culture et nouer d’importantes connaissances dans les milieux culturels, politiques et des affaires. Il séjournera également en Italie pour les mêmes raisons.
Après son retour en Tunisie, en 1910, il se consacra à améliorer la gestion technique et financière des domaines de la famille (A Cebalet entre autres, à quelques kilomètres au nord de Tunis, devenue Cebalet Ben Ammar), puis fit la connaissance d’un important personnage.
Il s’agissait de Khairallah Ben Mustapha, l’un des dirigeants du mouvement des «Jeunes Tunisiens» dont le leader n’était autre que le fameux Ali Bach Hamba, avocat, fondateur, en 1905 de l’Association des anciens de Sadiki et en 1907, du célèbre hebdomadaire «Le Tunisien». Ben Mustapha le présentera à un autre dirigeant du mouvement, Abdeljelil Zaouche.
Commencera alors le combat associatif et politique du jeune Tahar Ben Ammar, et ce, à côté de ses responsabilités agricoles. Parrainé par ces deux personnages influents du mouvement «réformiste» tunisien, il prit conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attendait au service de sa patrie.
Après un deuxième voyage d’affaires en France, en 1910, et un troisième en 1911, au cours desquels il profitera de son séjour pour renforcer ses relations avec les milieux influents, il se retrouva en plein dans les conditions ayant conduit à l’éclatement, le 7 novembre 1911, à Tunis du soulèvement populaire, maté par l’occupant dans le sang. Un révolte connue sous l’appellation d’«Evénements du Jellaz».
Il vivra aussi de près ceux en 1912 dits «du tramway» qui se termineront par le démembrement par les autorités coloniales du mouvement des «Jeunes Tunisiens», la fermeture du journal «Le Tunisien» et l’expulsion hors du pays des principaux leaders du groupement, dont Ali Bach Hamba et Abdelaziz Thaalbi.
Après un quatrième voyage en France, notre jeune militant et agriculteur, assistera au déclenchement, en 1914 de la Grande Guerre. Conflit mondial qui se terminera en 1918. Entre-temps les activités associatives et politiques de Tunisiens se limitèrent au strict minimum.
(A suivre)
Foued ALLANI